Le site « archive.org » stocke les pages du web, et permet ainsi de garder des traces des anciennes versions des sites. Un outil précieux lorsqu’on souhaite prouver l’existence antérieure d’un contenu.
Etant un mode de preuve utile, il sert régulièrement comme moyen de preuve devant les tribunaux. Mais certaines juridictions ont contesté sa valeur probante.
En effet, dans un arrêt de la Cour d’appel de Paris du 2 juillet 2010, les magistrats ont considéré qu’il s’agissait d’« un service d’archivage exploité par un tiers à la procédure, qui est une personne privée sans autorité légale, dont les conditions de fonctionnement sont ignorées » et que « cet outil de recherche n’est pas conçu pour une utilisation légale ».
Or la preuve d’un fait est libre.
Rien n’interdit que la preuve ne puisse être apportée par :
- un tiers à la procédure,
- qui est une personne privée
- sans autorité légale,
- dont les conditions de fonctionnement sont ignorées
- un outil non conçu pour une utilisation légale
En réalité, cette jurisprudence est propre aux faits de l’espèce.
Dans cette affaire, l’huissier n’avait, en effet, pas bien constaté la date à laquelle l’archivage avait été effectué, et les parties avaient alors dû se servir de l’adresse URL du site dans laquelle apparaît ladite date.
De plus, rappelons que les conditions du site « archive.org » sont parfaitement connues du public car diffusées elle-même sur le site https://archive.org/about/ et expliquées en Français sur le site WIKIPEDIA à cette adresse https://fr.wikipedia.org/wiki/Internet_Archive :
« L’Internet Archive, ou IA est un organisme à but non lucratif consacré à l’archivage du Web et situé dans le Presidio de San Francisco, en Californie. Le projet sert aussi de bibliothèque numérique.
Ces archives électroniques sont constituées de clichés instantanés (copie de pages prises à différents moments) d’Internet, de logiciels, de films, de livres et d’enregistrements audio ( …)».
La décision du Tribunal de grande instance de Paris du 27 mai 2011 reproduit exactement les arguments de l’arrêt de la Cour d’appel du 2 juillet 2010.
Mais, cette décision était, à l’instar de l’arrêt de la Cour d’appel, propre aux faits de l’espèce.
Dans leur jugement de 2011, les magistrats ont écarté la preuve issue du site archive.org car le constat « au demeurant ne révèle aucune commercialisation du parfum incriminé ».
Donc la preuve n’était en elle-même pas apportée.
Pas étonnant ainsi que la preuve par « archive.org » ait été rejetée, comme elle n’aurait pas été retenue si la preuve avait été produite sur tout autre support.
Il s’agit donc de cas isolés.
Malheureusement, certains jugements ont fait de ces cas spéciaux des généralités.
Et l’argumentation initiale de la Cour d’appel a été reprise.
Ainsi, de façon totalement arbitraire et injustifiée, les magistrats ont pu considérer le site « archive.org » comme dépourvu de toute valeur probante.
Heureusement, cette argumentation tend à être révolue, comme en témoignent les décisions récentes des juridictions tant nationales, qu’internationales.
En effet, par une décision du 21 mai 2014, l’Office Européen des Brevets reconnaît la force probante du site « archive.org » (OEB, décision de la Chambre de recours technique du 21 mai 2014, Pointsec Mobile Technologies AB / Bouygues Telecom).
De même, le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) reconnait la validité des preuves issues du site « archive.org ».
Les juridictions nationales s’inscrivent également dans ce courant jurisprudentiel.
En effet, dans un arrêt du 19 mars 2014, la Cour d’appel de Paris s’est fondée sur une comparaison de pages de sites Internet, réalisée grâce au site « archive.org ».
De plus, la Cour d’appel de Lyon, dans une décision du 28 mai 2014, a pris en compte des impressions écrans, et copies du site « archive.org » afin de dater le début d’exploitation d’un nom de domaine.
Enfin, dans un jugement du 21 octobre 2015, la 17eme chambre du Tribunal de grande instance de Paris, a reconnu également la valeur probante du site « archive.org ».
Ainsi, mis à part quelques jurisprudences isolées, la tendance de la jurisprudence est de reconnaitre de la force probante du site « archive.org ».
Certes toutes ces jurisprudences reconnaissent la valeur probante du site « archive.org » de manière implicite.
Mais il n’en demeure pas moins que cette reconnaissance est certaine et réelle.
Par ailleurs, précisons que ceux qui souhaitent utiliser « archive.org » comme mode de preuve, devront recourir à un huissier pour faire constater les pages utiles.
En effet, la tendance de la jurisprudence est de considérer que faute de constat d’huissier, la simple impression ne suffit pas comme mode de preuve.
Enfin, il est recommandé de recourir aux services d’un avocat, si possible spécialisé dans les nouvelles technologies, de façon à déterminer en amont les pages qui devront être constatées.
Toute invitation à recourir à mes propres services est purement fortuite.
Arnaud DIMEGLIO,
Avocat à la Cour, Docteur en droit, Titulaire des mentions de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle, droit des nouvelles technologies, droit de l'informatique et de la communication.