L'Union Européenne et sa monnaie : TRANSFERTS FINANCIERS VERSUS LEGALITE

Publié le Modifié le 24/07/2016 Vu 1 741 fois 0
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L'Union Européenne et sa monnaie : TRANSFERTS FINANCIERS VERSUS LEGALITE

[Modifier] Article juridique publié le 07/06/2016 à 11:09, vu 40 fois, 0 commentaire(s), Auteur : blog BPRD

Bernard Prudhon, Avocat, Docteur d'Etat en Science Economique,  Ancien maître de conférences aux Universités de Paris I et Paris XII,      

Note de la rédaction: Cette courte réflexion critique est la première d'une série de quatre qui seront publiées pendant un mois. L'objectif de leur diffusion est de faire réfléchir à la gouvernance de l'euro, à son rôle dans la cohésion européenne et d'imaginer de nouvelles pistes pour les consolider. Comme chacun le devine, l'économie est devenue un facteur clé de l'autorité stratégique au XXI siècle et les outils monétaires sont autant des révélateurs implacables que des armes efficaces. La RDN ne pouvait manquer de les évoquer --  (10 janvier 2011).

Pour ne pas s’interroger sur les sources conceptuelles et fondamentales de la dérive de l’euro et de ses conséquences, les autorités de l’U E invoquent,  pour en rendre compte et s’en justifier d’autres circonstances dont celles d’un défaut de moyens ou de pouvoirs, et la nécessité pour y pourvoir d’user de voies nouvelles, celles de la gouvernance.

Des outils de cette gouvernance, les plus emblématiques tiennent aux transferts financiers intracommunautaires d’Etat à Etats de nature à mutualiser les échéances d’endettement public, les budgets des uns en excédent de trésorerie faisant aux autres, menacés de cessation de paiement, l’avance des fonds dont ils ont besoin.

Et les défenseurs de l’euro, -- en quête d’auto réhabilitation, -- de soutenir que la nécessité de ces transferts avait bien été prise en compte, mais que n’avait pas été prévue l’opposition de certains Etats membres à les mettre en œuvre. Argumentation non dépourvue d’intérêt mais néanmoins irrecevable, car ces transferts de budgets à budgets n’ont cessé de faire l’objet d’interdiction formelle, aux termes  des traités fondateurs dont l’euro tient ses statuts.

Les consulter peut n’être pas inopportun non plus, -- après qu'ait été créé en mai 2010 le Fonds Européen de Stabilisation, -- de 750 milliards dont 410 en garanties  d’Etat. Se peut il qu’un projet d’une telle importance fasse l’objet de l’interdiction tant du traité de Maastricht que de Lisbonne dont M. Sarkozy et Mme Merkel ont déclaré à Berlin ce 14 juin 2010, qu’ils ne sauraient être  modifiés.

Qu’y lit on donc ?

Les traités de Maastricht et de Lisbonne ont fait l’objet d’une refonte publiée au Journal Officiel de l’union Européenne du 9 05 2008 (C 115 / 47) sous l’intitulé Version consolidée du traité sur le fonctionnement de l’Union européen (T F U E ). C’est à ce texte, qu’il y a lieu  de se reporter pour y lire les articles 125,122 et 126

L’article 125 est ainsi rédigé ;

L’Union ne répond pas des engagements des administrations centrales des autorités régionales ou locales, des autres autorités publiques ou d’autres organismes ou entreprises publiques d’un Etat membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d’un projet spécifique. Un Etat membre ne répond pas des engagements des administrations centrales des autorités régionales ou locales des autres autorités publiques ou d’autres organismes ou entreprises publics d’un autre Etat membre, ni ne les prend à sa charge, sans préjudice des garanties financières mutuelles pour la réalisation en commun d’un projet spécifique …

Toutes dispositions d’une portée claire tant par la lettre que par l’esprit, l’objectif poursuivi consistant à poser que pour satisfaire à ses obligations communautaires, -- dont celles tenant au respect des critères de convergence, -- un Etat membre ne peut compter ni directement ni indirectement sur le soutien financier d’un autre Etat membre ni non plus sur le soutien financier de l’Union elle-même, et ce pour toute charge budgétaire y inclus celles collatérales relatives aux conséquences sociales des restrictions budgétaires auxquelles les règles communautaires viendraient  à le contraindre.

Ce qui se conçoit aisément puisqu’à défaut de telles contraintes, tout Etat aurait la faculté de s’en remettre au voisin de prendre en charge les obligations internationales qui lui incombent. Mais objecte t’on, l’article122 du même texte permettrait ce qu’interdit l’article 125, ce qui est inexact. Que dit en effet l’article 122 ?

Sans préjudice des autres procédures prévues par le traité …  ou lorsqu’un Etat membre connaît des difficultés ou une menace sérieuse de graves difficultés, en raison de catastrophes naturelles ou d’évènements exceptionnels échappant à son contrôle, le Conseil, sur proposition de la Commission, peut accorder sous certaine conditions, une assistance financière de l’Union à l’Etat concerné. Le Président du Conseil informe le Parlement européen de la décision prise.

En résulte donc qu’à défaut de catastrophe naturelle, – que ne sont  pas les dettes souveraines et leurs conséquences, – l’U E n’est autorisée à se soustraire aux interdits de l’article 125 que si ces difficultés échappent  à son contrôle.  Est ce le cas ? Assurément non pour autant que la Commission en était précisément chargée  en vertu des dispositions de l’article 126 du même texte.

Il y est en effet spécifié au § 2 a, entre autres multiples dispositions similaires,

que la Commission surveille l’évolution de la situation budgétaire et du montant de la dette publique dans les Etats membres en vue de déceler les erreurs manifestes. Elle examine notamment si la discipline budgétaire a été respectée…

et en outre, plus après précisé, au § 3

que la Commission peut également élaborer un rapport et qu’en cas de déficit ou de menace de déficit, elle adresse un avis à l’Etat membre et en informe le Conseil …

Ainsi la dérive des dettes souveraines ne peut avoir échappé au contrôle de la Commission car à supposer même qu’elle ne l’ait pas effectué, -- ce qu’on n’ose imaginer, -- elle n’a cessé d’en être chargée aux termes mêmes de son statut.

  Tel était l'état du droit lors de la crise dite des "subprimes survenue en 2008. Les dettes publiques de certains Etats-membres  explosèrent du fait de l'aide qu'il leur fallait alors apporter à leurs banques en difficulté. Ils évoquèrent alors l'art.122 du traité, mais n'obtinrent pour l'essentiel que la création  extracontractuelle du FESF (Fonds Européen de Solidarité Financière) en charge,  pour  une durée de trois ans, d'avoir à prêter aux banques et autres  qui en faisaient la demande une part  des  ressources de financement plafonnées mises à sa disposition.

Le FESF a été dès 2012 remplacé par le MES (Mécanisme Européen de Stabilité), intégré cette fois aux institutions du traité. . Mais Il fallut à cet effet recourir à  la procédure accélérée de révision des traités de l'article 48-6.  Et sur décision du 26 mars 2011du Conseil Européen a été ajoutée à l'art.136 du Traité une ligne pour stipuler que "l'octroi de facilité de financement à ce titre était subordonné à une "stricte conditionnalité".

Qu'il  s'agisse du FESF ou du MES, il est bien clair que l'une ou l'autre de ces deux innovations sont la négation même des principes fondamentaux de l'art.125 du TFUE. Tous détours et façons de faire qui ne sont pas sans poser problème de leur légalité. Ils pourraient les attraire l'U E  par devant les juridictions européennes crées en son sein  pour en connaître. Illégalités  qui sans doute ne font pas obstacle à ce qu'une gouvernance du type Sarkozy / Merkel s’inscrive de facto dans la durée, à la manière européenne dite des "petits pas", méthode toute de discrétion qui consiste, à laisser le temps passer pour prétendre ensuite à l'irréversibilité des situations de fait  et  conclure à leur légitimité.

Mais il n’est d’irréversibilité de fait qui vaille contre la loi ou les traités qui en tiennent lieu.

Reste en tout cas à apprécier ce qui peut advenir d’une U. E. qui pour tenter de démontrer son efficacité ait à violer ses textes fondateurs de sa propre existence.

Bernard PRUDHON          

              

Paris, les 15 novembre 2011 et  15 juin 2016  

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