Blog : l’imputation d’être alcoolique ne serait pas une diffamation

Publié le Modifié le 31/01/2014 Vu 26 302 fois 0
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Par jugement en date du 17 octobre 2011, la 17ème Chambre Civile du Tribunal de Grande Instance de Paris a jugé que l’imputation d'alcoolisme faite à l’endroit de M.A. n’était pas diffamatoire. Les passages poursuivis imputaient à M. A. d’avoir « effectué trois cures de désintoxication par sevrage dans un établissement psychiatrique spécialisé dans le traitement des addictions. », l’auteur du blog, un retraité strasbourgeois de 71 ans, précisant que « tous les médias sont au courant de ses problèmes d’alcoolisme ». Cette décision est riche d’enseignements à plusieurs égards.

Par jugement en date du 17 octobre 2011, la 17ème Chambre Civile du Tribunal de Grande Instance de Paris a ju

Blog : l’imputation d’être alcoolique ne serait pas une diffamation

PRECISION IMPORTANTE :

Attention, une version tronquée de cet article circule sur internet. Il indique de manière totalement erronée que Me Ilana SOSKIN aurait été à l'origine des rumeurs à l'endroit de Martine AUBRY et que l'avocate aurait été assignée en justice par Martine AUBRY. Me Ilana SOSKIN n'a strictement rien à voir avec la procédure en diffamation initiée par Madame AUBRY. L'auteur du blog et des propos litigieux, objet de la procédure en diffamation, est un blogueur strasbourgeois retraité de 71 ans. Me Ilana SOSKIN s'est contentée, compte tenu de son expertise en droit de la presse, de commenter et d'analyser la décision de justice rendue par la 17ème chambre du TGI de Paris afin d'y apporter les éclaircissements suivants.

  • L’absence de diffamation

Il sera tout d’abord rappelé que la diffamation est définie par l’article 29 alinéa 1 de la Loi du 29 juillet 1881 comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ».

Ainsi, il doit s’agir d’un fait précis susceptible de faire l’objet d’un débat contradictoire sur la preuve de la vérité.

Or, selon le Tribunal, si ces faits sont bien précis, les propos seraient « relatifs à un état pathologique » et ne seraient donc pas diffamatoires.

Notons que le Tribunal avait préalablement pris la précaution de rappeler que l’alcoolisme « se définit comme un abus de boissons alcooliques, déterminant un ensemble de troubles. Cet état est considéré comme une maladie et est évoqué comme tel dans l’article, qui précise notamment les traitements médicaux qui auraient été suivis ».

En conséquence, pour la 17ème Chambre, l’auteur des propos n’aurait pas cherché à décrire des comportements publics contraire à l’honneur ou la considération.

Pour autant, la Cour de Cassation a déjà eu l’occasion de juger que l’imputation relative à l’état de santé d’une personne décrite comme ayant « des troubles du comportement qui lui avaient valu une hospitalisation au centre spécialisé et qu'elle confirme par ses nombreux arrêts de travail pour état dépressif » était diffamatoire (Cass. Crim 8 juin 2004 n° 03-85600).

En effet, le fait que les propos touchent à la vie privée de la personne n’exclu pas la possibilité d’être poursuivi sous le chef de la diffamation si ces derniers portent atteinte à son honneur ou sa considération. Ce d’autant que dans de telles hypothèses, l’exception de vérité (exonératoire de responsabilité en cas de poursuites pour diffamation) n’est pas admise en application de l’article 35 de la Loi.

La Cour de Cassation avait ainsi rappelé que «  la référence à une hospitalisation en centre spécialisé constituant, ainsi que déjà rappelé, une imputation relative à la vie privée et donc un fait par nature diffamatoire dont la preuve de la vérité est légalement impossible, seule subsiste la présomption de mauvaise foi qui frappe l'auteur d'une telle imputation » (Cass. Crim 8 juin 2004 précité).

En outre, on se rappellera d’une décision de la 17ème Chambre du Tribunal de Grande Instance de Paris qui avait jugé le 22 septembre 2005 que l’imputation faite à l’encontre d’une animatrice de télévision de consommer de la cocaïne (« elle s’en foutait plein le pif ») constituait une diffamation.

Si la dépendance - réelle, supposée ou fausse - à la cocaïne est très certainement une maladie tout aussi reconnue que l’alcoolisme, la différence de qualification juridique tient sans doute au caractère délictueux de la consommation de stupéfiants, ce qui n’est pas le cas de la consommation d’alcool.

Les circonstances de narration du texte ont sans doute également justifié la décision. En effet, « l’animosité du prévenu envers la partie civile » avait été relevée par le Tribunal en 2005, ce qui ne paraît pas être le cas dans la décision de 2011.

  • Des propos potentiellement attentatoires à la vie privée 

Bien que la déboutant du grief de diffamation, le Tribunal précise que la diffusion des propos serait susceptible d’être attentatoire à la vie privée.

A ce stade de la procédure, la demanderesse ne pouvait poursuivre lesdits propos cumulativement pour diffamation et pour atteinte à la vie privée, sauf à risquer une nullité de son assignation pour violation de l’article 53 alinéa 1 de la Loi du 29 juillet 1881 aux termes duquel « la citation précisera et qualifiera le fait incriminé, elle indiquera le texte de la loi applicable à la poursuite ».

En effet, il résulte de cet article et de la jurisprudence constante que des mêmes faits ne sauraient recevoir une double qualification sans créer d’incertitude dans l’esprit de la personne poursuivie.

En revanche, en application de l’arrêt récent de la Cour de Cassation rendu le 3 février 2011, la condamnation de ces propos au regard de l’atteinte à la vie privée aurait toutefois pu être sollicitée à titre subsidiaire, ce qui n’a vraisemblablement pas été le cas, seuls les propos relatifs à ses prétendues préférences sexuelles ayant été poursuivis sur le fondement de l’article 9 du Code Civil.

En effet, si un même propos ne peut être poursuivis cumulativement sous deux fondements différents, la Cour de Cassation considère désormais que l'article 1382 du Code civil peut être invoqué à titre subsidiaire, c'est-à-dire à défaut d’application de la loi du 29 juillet 1881. S’il estime que la diffamation ou l’injure n'est pas établie, le juge peut ainsi statuer sur une demande d'indemnisation sur le fondement du droit commun invoqué à titre subsidiaire (Cass. Civ. 1ère ; 3 février 2011 pourvoi n° 09-71711).

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