Le principe du double degré de juridiction a été institué par l’Assemblée constituante, le 2 mai 1790, en réaction aux excès de l’Ancien Régime qui lui connaissait quatre à cinq degrés de juridiction.
Le principe de double degré de juridiction est une garantie contre les erreurs possibles des juges du premier degré, il offre à tout justiciable, s’il n’est pas satisfait par la première décision, la possibilité de voir son affaire rejugée par une autre juridiction, supérieure à celle initialement saisie.
Ce mécanisme prend la forme d’une voie de recours ordinaire : l’appel.
Dans le contentieux administratif, l’appel se définit comme la voie de recours instituée contre toute décision rendue en premier ressort par une juridiction administrative afin de contrôler l’adéquation ou la régularité de ce jugement initial. Contrairement à l’ordre judiciaire, il n’y a pas une, mais des juridictions d’appel pouvant être soit générales (Cour administrative d'appel « CAA »et Conseil d’état dans certains cas), ou spéciales (par exemple la Cour des comptes).
Les Cour administrative d'appel ont été créées par la loi du 31 décembre 1987 portant réforme du contentieux administratif afin d'alléger la charge du Conseil d'État. Cinq cours administratives d'appel sont créées le 1er janvier 1989 à Paris, Lyon, Nancy, Nantes et Bordeaux. D'autres se sont ajoutées depuis à Marseille, Douai et Versailles.
Dans le domaine du droit routier où trop souvent nos Juges favorisent la morale au détriment du droit, l’exercice de la voie de recours qu’est l’appel est régulièrement l’occasion de rectifier cette anormalité puisqu’en appel, les Magistrats se contentent d’appliquer le droit et rien que le droit.
Je salue d’ailleurs à ce sujet les compositions de la Chambre 10 – Pôle 4 de la Cour d’appel de Paris dans lesquelles les Conseillers et le Parquet général savent régulièrement, et rapidement, rappeler le droit bafoué en première instance.
En matière administrative, trop souvent les Juges de première instance ne prêtent pas aux documents fournis par le Ministre de l'intérieur une attention suffisante et se contentent d’enregistrer les positions souvent aberrantes de ce dernier en matière de droit routier. Je ne compte plus les violations délibérées de la jurisprudence du Conseil d’état ou l’application partielle – pour ne pas encore dire partiale – de certains arrêts ou avis fondamentaux dans cette matière.
Le salut des permis de conduire de nos clients passait donc régulièrement par l’appel devant la Cour administrative d'appel…
Il n’en sera désormais plus ainsi !
En effet, par un Décret n° 2013-730 du 13 août 2013 portant modification du code de justice administrative (partie réglementaire), l’article R 811-1 du Code de justice administrative a été modifié en ce sens :
L'article R. 811-1 est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa est remplacé par les dispositions suivantes :
« Toutefois, le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort :
6° Sur les litiges relatifs au permis de conduire ; 7° Sur les litiges en matière de pensions ».
En d’autres termes, la Ministre de la justice vient de retirer aux conducteurs dont le permis de conduire a été invalidé le droit au double degré de juridiction…
En effet, les procédures étant déjà particulièrement longues, il faudra – lorsque le droit n’aura pas été respecté – aller devant le Conseil d’état avec ce que cela impliquera en termes de frais et d’allongement des procédures !
Un véritable scandale à dénoncer…
Olivier Descamps
Avocat associé
www.avocats-renaissance.fr