Tarifs réglementés de vente d’électricité – Un coup d’épée dans l’eau pour le bouclier tarifaire ?
Pour reprendre les termes du Professeur Lamoureux, « [l]a question des tarifs de vente au client final apparait comme l’un des principaux sujets de crispation suscité par l’ouverture à la concurrence des marchés de la fourniture d’électricité et de gaz ».Â
Pourtant, la libéralisation des industries de l'électricité et du gaz, et notamment l'ouverture à la concurrence des services de fourniture, suggérait toutefois une rupture avec ce modèle et une transition vers un marché où les fournisseurs auraient la liberté de fixer leurs propres tarifs. Les directives concernant les secteurs de l'électricité et du gaz pouvaient ainsi énoncer que les droits que les traités européens garantissent aux citoyens de l'Union - tels que la libre circulation des marchandises, la liberté d'établissement et la prestation de services non entravée - ne peuvent être véritablement exercés que dans un marché complètement ouvert, permettant à tous les consommateurs de choisir librement leurs fournisseurs et à tous les fournisseurs d'offrir leurs produits à leurs clients (Dir. 2009/72/CE du 13 juill. 2009 concernant des régles communes pour le marché intérieur de "Electricité et dir. 2009/73/CE du 13 juill. 2009 concernant des régles pour le marché intérieur du gaz lature], cons. 3).Â
C’est en ce sens que s’ancre pleinement la décision commentée.Â
Dans cette affaire, la société EkWateur a demandé l'annulation pour excès de pouvoir de l'arrêté du 28 janvier 2022 qui concerne les tarifs réglementés de vente d'électricité pour les consommateurs non résidentiels en France métropolitaine. Cet arrêté a établi un "bouclier tarifaire" à partir du 1er février 2022 en faveur des entreprises.Â
Deux moyens appuient ce recours pour excès de pouvoir :Â
·       le premier porte sur l'incompétence du pouvoir réglementaire,Â
·       le second concerne le non-respect des obligations de maintien de la concurrence tarifaire effective des fournisseurs sur le marché européen, telles que prévues par les directives européennes, et transposées en droit interne.
En ce qui concerne la compétence du pouvoir réglementaire, le Conseil d'État souligne que le pouvoir législatif a autorisé les ministres responsables de l'économie et de l'énergie à fixer des tarifs de vente d'électricité inférieurs à ceux établis par la CRE que pour les tarifs réglementés "bleus" applicables aux consommateurs résidentiels, conformément à l'article 181 de la loi de finances pour 2022. Par conséquent, ces ministres n'avaient pas l'autorité pour établir les tarifs réglementés de vente d'électricité "bleus" pour les consommateurs non résidentiels en se basant sur ces dispositions.
Concernant les obligations liées à la concurrence énoncées dans la directive européenne du 5 juin 2019 concernant le marché intérieur de l'électricité, le Conseil rappelle que l'article 5 de cette directive dispose que les interventions publiques dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité aux microentreprises doivent garantir un traitement équitable des fournisseurs et établir des prix supérieurs aux coûts, permettant une concurrence tarifaire effective. Cette disposition a été transposée en droit français aux articles L. 337-5 et L. 337-6 du code de l'énergie, en utilisant une méthode basée sur l'empilement des coûts. Cependant, le Conseil estime que, même en prenant en compte les coûts de fourniture d'électricité aux tarifs réglementés par les fournisseurs historiques, le législateur a exclu la fixation de tarifs réglementés à un niveau artificiellement bas qui serait inférieur aux coûts complets de fourniture, y compris les frais financiers, sans garantir une rémunération adéquate des capitaux investis.
Ensuite, le Conseil explique que les ministres en charge de l'économie et de l'énergie ont rejeté la proposition tarifaire de la CRE du 18 janvier 2022, qui prévoyait une augmentation de 44,7% hors taxes des tarifs réglementés de vente d'électricité "bleus" pour les consommateurs non résidentiels. Ils ont fixé, par le biais de l'arrêté contesté, des tarifs correspondant à  une augmentation limitée à 4% toutes taxes comprises par rapport aux tarifs en vigueur au 31 décembre 2021. Cela a conduit à des tarifs significativement plus bas que ceux proposés par la CRE.
À la suite de cette explication, le Conseil met en évidence que la fixation des tarifs réglementés de vente d'électricité "bleus" pour les consommateurs non résidentiels à un niveau bien inférieur à celui recommandé par la CRE, entravant ainsi une concurrence tarifaire effective sur le marché de la fourniture d'électricité, est contraire aux conditions énoncées à l'article 5 de la directive européenne du 5 juin 2019. Par conséquent, le moyen selon lequel l'arrêté contesté viole l'article 5 de cette directive est justifié.
En conséquence, le Conseil décide d'annuler l'arrêté litigieux.Â
Concernant les conséquences de cette annulation, le juge rappelle que la portée rétroactive de l'annulation peut être limitée, mais cela ne peut se faire que de manière exceptionnelle et en cas de nécessité impérieuse. Le Conseil souligne que les pertes financières causées par la suspension des tarifs ont été compensées pour les fournisseurs. L'annulation rétroactive de l'arrêté aurait pour conséquence d'augmenter considérablement les tarifs pour les consommateurs, et les fournisseurs devraient rembourser les compensations perçues. Par conséquent, en raison des charges financières importantes et des incertitudes quant aux conséquences de l'annulation, le Conseil décide exceptionnellement que les effets produits par l'arrêté en question sont considérés comme définitifs, à l'exception des actions en justice déjà engagées à la date de cette décision.
I-Le cadre juridique encadrant le marché de la fourniture en électricité
A-Première tentative : le début de la libéralisation, la cohabitation des TRV et des prix de marché et sa contestation
Comme vu en introduction, le marché de la fourniture de l’électricité a fait l’objet d’une libéralisation, ce dont il en résulte un recours plus important aux mécanismes de marché classiques.
Toutefois, des mécanismes interventionnistes ont été maintenus. Bien que les prestataires d'électricité soient autorisés à présenter des offres de fournitures d’électricité au prix du marché, la libéralisation n'a pas entraîné la disparition complète (du moins jusqu'à présent) des tarifs réglementés de vente. Par conséquent, la fourniture d'électricité ou de gaz fait partie de ces secteurs couverts par l'article L. 410-2 du Code de commerce, qui, contrairement au principe de fixation libre des prix, sont sujets à des tarifs réglementés en vertu d'une dérogation.
Par voie de conséquence, à partir du 1er juillet 2007, date à laquelle tous les consommateurs d'électricité et de gaz ont obtenu le droit de choisir leur fournisseur, deux principales catégories d'offres ont coexisté sur les marchés de la fourniture d'électricité et de gaz. Les consommateurs étaient alors appelés à faire un choix entre ces deux options (ce choix n'est maintenant disponible que pour les consommateurs qui ont encore la possibilité, selon la loi, de souscrire à une offre aux tarifs réglementés) :
·       D'une part, il y avait les offres aux tarifs réglementés, présentées uniquement par les fournisseurs historiques (EDF et les entreprises locales de distribution pour l'électricité, Engie et les entreprises locales de distribution pour le gaz naturel). Ces offres de fourniture reposaient sur un tarif défini par les autorités publiques, prenant en considération les coûts du parc énergétique d’EDF, ce qui signifiait que les fournisseurs historiques n'avaient pas de marge de manÅ“uvre pour ajuster les prix, étant tenus de les offrir au tarif imposé. Néanmoins, du fait des caractéristiques du parc énergétique historique, les TRV étaient très faibles, par rapport aux prix proposés par les fournisseurs alternatifs.Â
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·       D'autre part, il y avait les offres de marché, caractérisées par des tarifs fixés de manière libre, et accessibles à tous les fournisseurs, qu'ils soient alternatifs ou historiques. Les TRV avait également pour objectif de faire diminuer ces prix proposés alternativement.Â
Cette dichotomie tarifaire n’était cependant pas propice à la naissance d’une vraie concurrence effective sur le marché de la fourniture. Ainsi, la Commission européenne a initié plusieurs procédures à l'encontre de la France. Une enquête formelle avait notamment été lancée concernant les aides d'État liées aux tarifs réglementés de vente accordés aux entreprises, mais cette démarche avait été finalement retirée en 2012 (Décision du 12 juin 2012 concernant l'aide d’Etat SA.21918 (C 17/07)). Ce retrait s’explique par les deux engagements pris par la France :Â
- 1.     Premièrement, l'établissement de l'Accès Régulé à l'Électricité Nucléaire Historique (ARENH), qui vise à stimuler la concurrence sur le marché de la fourniture en modifiant les modalités d'approvisionnement des fournisseurs ;Â
- 2.     Deuxièmement, la suppression des tarifs réglementés de vente pour une partie des consommateurs finals, spécifiquement pour une fraction des consommateurs finals non domestiques.
B-Deuxième tentative : les modifications opérées par la loi NOME à la suite de la première procédure ouverte par la Commission européenne pour aides d’Etat
Le secteur des TRV a toutefois diminué en 2010,  puisqu’avec la loi NOME du 7 décembre 2010, le législateur français a prévu le maintien sans limite de durée des TRV au profit des consommateurs finals domestiques et non domestiques pour leurs sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampéres, ainsi que pour les consommateurs finals domestiques et non domestiques pour leurs sites situés dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, les TRV disparaissant pour les autres consommateurs à l’issue d’une période transitoire.Â
C-Troisième tentative : les modifications opérées par la loi énergie et climat à la suite de la condamnation du mécanisme par le Conseil d’Etat pour aides d’Etat
Les TRV ont connu une nouvelle évolution avec la loi relative à l’énergie et au climat du 8 novembre 2019, entrée en vigueur en 2020. Une décision du Conseil d’Etat de 2018 (CE, ass., 18 mai 2018, n° 413688, Sré Engie et Anode), expliquée plus bas, a appelé l’Etat a modifié le champ d'application des tarifs réglementés de vente et le caractère permanent de la réglementation :Â
·       Tout d'abord, le champ d'application des TRV d'électricité a été une nouvelle fois restreint. Désormais, selon l'article L. 337-7 du Code de l'énergie, ces tarifs s'appliquent, à leur demande, aux sites souscrivant une puissance inférieure ou égale à 36 kilovoltampères pour les :
o   consommateurs finals domestiques, y compris les propriétaires uniques et les syndicats de copropriétaires d'un seul immeuble à usage d'habitation ;
o   consommateurs finals non domestiques employant moins de dix personnes, et dont le chiffre d'affaires, les recettes ou le total de bilan annuels ne dépassent pas 2 millions d'euros.
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·       Ensuite, afin de répondre à l'exigence d'une révision périodique de la nécessité et des modalités d'une intervention publique sur les prix, l'article L. 337-9 du Code de l'énergie, dans sa version issue de la loi sur l'énergie et le climat, prévoit une évaluation régulière du dispositif, visant notamment à déterminer si celui-ci contribue toujours à la réalisation d'objectifs d'intérêt économique général. À la suite de chaque évaluation, les ministres compétents doivent prendre une décision concernant le maintien, la suppression ou l'adaptation des TRV.
D-Quatrième tentative : nouvel encadrement des TRV provisoires par la directive D. 2019/944
Enfin, la directive 2019/944 sur le marché intérieur de l'électricité, qui a été adoptée dans le cadre du paquet « Énergie propre », confirme la possibilité pour les États membres de maintenir, au moins temporairement, les tarifs réglementés de vente d'électricité. Cependant, cette possibilité est assortie de nombreuses conditions, et il est clairement envisagé qu'il s'agisse d'une période transitoire (bien que la durée de ces périodes puisse parfois être indéterminée...). L'article 5 de cette directive est entièrement consacré à cette question et établit deux scénarios dans lesquels des interventions publiques peuvent intervenir dans la fixation de ces prix.
II-L’utilisation du bouclier tarifaire et la méthode de calcul des TRV
Avec le mécanisme du « bouclier tarifaire », le gouvernement n'a pas opté pour un gel des tarifs réglementés de vente d'électricité, mais plutôt pour une augmentation maîtrisée par rapport à l'évolution qui aurait eu lieu sans son intervention. Cette décision était motivée par les prévisions de fortes hausses de ces tarifs, et il est à noter que ces tarifs restent applicables à une part significative des clients domestiques ainsi qu'à certains clients professionnels à faible consommation d'électricité.Â
En conformité avec les cadres légaux et réglementaires en vigueur, la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE) a transmis ses propositions d'évolution des TRVE à compter du 1er février 2022 aux ministres en charge de l'économie et de l'énergie. Pour établir ces propositions, la CRE a employé la méthode dite de « l'empilement des coûts ».Â
La méthode dite de l’empilement des coûts est définie par l’article L. 337-6 du code de l’énergie :Â
«  par addition du prix d'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, du coût du complément d'approvisionnement au prix de marché, de la garantie de capacité, des coûts d'acheminement de l'électricité et des coûts de commercialisation ainsi que d'une rémunération normale de l'activité de fourniture tenant compte, le cas échéant, de l'atteinte du plafond mentionné au deuxième alinéa de l'article L. 336-2. »
La méthode de l’empilement des coûts a remplacé l’utilisation des coûts de production d’EDF qui déterminait avant les TRV, à la suite de la loi NOME de 2010. Or, comme le souligne le Professeur Lamoureux « l’objectif initial était de fixer un niveau de tarif qui permette de couvrir l’ensemble des coûts supportés par les fournisseurs historiques (coûts de production, d’utilisation des réseaux publics, de commercialisation...), tout en leur offrant une « marge raisonnable ». Par conséquent, dès lors que ces coûts demeuraient mesurés, les TRV devaient eux-mêmes demeurer relativement bas, le consommateur final bénéficiant ainsi de la compétitivité du parc de production d’EDF. Aujourd’hui, avec la méthode de « l’empilement » des coûts, l‘objectif apparait tout autre » (Précis de Droit de l’énergie – 2ème édition – LGDJ).Â
L’empilement des coûts consiste à additionner :Â
- ·       le coût de production nucléaire (Arenh),Â
- ·       le complément à la fourniture d'électricité,Â
- ·       les coûts commerciaux d'EDF,Â
- ·       les coûts d'acheminement (Turpe) calculés par la Commission de régulation de l'énergie (CRE),
- ·       ainsi qu'une rémunération d'EDF.
En effet, l’objectif aujourd’hui n’est plus de permettre aux consommateurs de bénéficier d’un tarif bas de l’électricité, mais de permettre aux fournisseurs de rentrer en concurrence avec les opérateurs historiques. Cela a d’ailleurs été critiqué par l’Autorité de la concurrence elle-même (ADLC, 25 mars 2019, avis n°19-A-07).Â
Le Professeur Lamoureux a synthétisé ce changement de paradigme de la manière suivante : « Aujourd’hui, avec la méthode de « l’empilement » des coûts, l’objectif apparait tout autre. De manière très schématique, les coûts dont il s’agit ne sont plus seulement ceux supportés par les fournisseurs historiques (et en particulier EDF), mais surtout les coûts moyens supportés par un fournisseur d’électricité pour fournir à un tarif de marché, notamment ses coûts d’approvisionnement (d’où la prise en compte du prix de l’ARENH, du coût du complément d’approvisionnement au prix de marché établi en fonction des prix constatés sur les marchés de gros, etc.). Cette méthode vise donc 4 ce que le montant des TRV soit représentatif des charges supportées par tout fournisseur d’électricité. Par conséquent, il ne s’agit plus de faire bénéficier le consommateur final des coûts de production d’EDF, en vue de contenir les prix, mais de permettre aux concurrents de proposer des offres au moins aussi attractives que les offres aux TRV des fournisseurs historiques, ce qui change radicalement la manière de concevoir les TRV. Dit autrement, il s’agit d’atteindre la « contestabilité » des TRV, au sens économique du terme, c’est-à -dire leur aptitude à être concurrencés par les prix de marché. Comme a pu le constater le Conseil d’Etat lui-même, la méthode de « l’empilement des coûts » vise à garantir « la faculté pour un opérateur économique concurrent d’Electricité de France présent ou entrant sur le marché de la fourniture d’électricité de proposer, sur ce marché, des offres a des prix égaux ou inférieurs aux tarifs réglementés» (CE, ord., 7 janvier 2015, req. n°386076, Anode). Dés lors, il s’agit moins de protéger le consommateur que le concurrent, quitte à ce que les TRV représentent désormais un prix plafond » (ibid.).Â
En d’autres termes, la méthode de l’empilement des coûts vise à rendre le marché contestable, au sens des écrits de William Baumol. C’est-à -dire que les fournisseurs alternatifs doivent pouvoir contester le marché du monopoleur historique EDF.Â
Or, comme cela sera détaillé ci-dessous les TRVE sont fixés par arrêtés ministériels, après proposition (liant quasiment les ministres) de la CRE. Par voie de conséquence, eu égard les significantes variations des tarifs présentes sur le marché, une augmentation considérable des Tarifs Réglementés de Vente d'Électricité était prévue dès le mois de février. La CRE avait estimé cette hausse à environ + 44,5 % pour les TRVE destinés aux clients résidentiels et + 44,7 % pour les clients professionnels éligibles aux tarifs réglementés. Pour lutter contre ces fortes augmentations, le gouvernement a choisi d’instaurer un mécanisme de "bouclier tarifaire" dans le secteur de l'électricité. Ce mécanisme implique en premier lieu une limitation de l'augmentation des tarifs réglementés de vente d'électricité, plafonnée à une moyenne d'environ + 4 % en 2022. Cette mesure est en accord avec les dispositions énoncées dans la loi de finances pour l'année 2022, ainsi qu'avec divers textes règlementaires adoptés en janvier 2022. La CRE, en 2023, est responsable d'évaluer la nécessité d'éventuels ajustements aux TRVE, et des stratégies de compensation pour les pertes encourues par les fournisseurs suite à cette initiative ont été anticipées.
Dorénavant, c’est l’article 181 de la loi de finances pour 2023 qui permet au Gouvernement de s’opposer aux propositions tarifaires de la CRE dans le cas où celles-ci conduiraient à une hausse de plus de 15 % TTC des TRV par rapport à leur niveau de 2022.
Les derniers TRVE ont été fixé par des arrêtés du 28 juillet 2023. Selon les calculs de la CRE, la hausse des TRV aurait dû être de 74,5 % TTC en moyenne au 1er août par rapport aux barèmes en vigueur depuis le 1er février dernier. Le gouvernement a donc décidé par les arrêtés commentés de limiter une nouvelle fois la hausse du TRV applicable aux clients résidentiels et non résidentiels au 1er août 2023 à 10 % TTC en moyenne par rapport au TRV en vigueur.
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Ainsi, après avoir exposé l’histoire et le régime des TRVE et du bouclier tarifaire, il est nécessaire de se pencher sur leur cadre juridique, et leurs justifications économiques.Â
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III-Conditions de légalité des TRV
A-Droit des aides d’EtatÂ
Les tarifs réglementés de vente dans le secteur énergétique sont susceptibles de constituer des aides d’Etat. Pour rappel, se fondant sur la définition de l’article 107§1 TFUE, la Cour de justice a posé quatre conditions cumulatives (CJCE, 21 mars 1990, Belgique c/ Commission) pour qualifier une mesure d’aide d’Etat :Â
·       la mesure doit procéder d’une intervention de l’Etat ou au moyen de ressources d’Etat ;Â
·       la mesure procure un avantage au bénéficiaire ;Â
·       l’intervention est susceptible d’affecter les échanges entre Etats membres ;Â
·       et elle fausse ou menace de fausser la concurrence.Â
Par ailleurs, le bénéficiaire doit avoir la qualité d’entreprise au sens du droit de la concurrence.Â
En outre, comme le rappelle le Professeur Nicinski :Â
« Le droit communautaire ne prend en considération ni la forme de la mesure ni les objectifs de la mesure (subvention, décision de collectivités publiques actionnaires, etc.) ».
Les tarifs réglementés de vente sont susceptibles de constituer des aides d’Etat, comme le souligne la Commission dans sa décision du 12 juin 2012 concernant l’aide d’État SA.21918 (C 17/07) (ex NN 17/07) mise à exécution par la France — Tarifs réglementés de l'électricité en France. Celle-ci conclue que « Les deux systèmes de tarifs objets de la présente procédure mis en œuvre sans notification préalable sont, par conséquent, illégaux. ». Néanmoins, au regard de l’encadrement des TRVE mis en place à l’époque, la Commission a finalement abandonné les poursuites engagées.
B-Directives européennes
Le cadre juridique de la légalité des TRV a été énoncé par la CJUE en 2010 (CJUE, 20 avril 2010, C-265/08, Federulity (concernant des TRV sur le gaz en Italie, mais la solution a été transposée au secteur énergétique). Sur le fondement des textes européens applicables dans le secteur du gaz, la CJUE énonce que pour être légaux les TRV doivent :Â
- ·       être pris dans l’intérêt économique général, afin, notamment, d’assurer que le prix de fourniture au consommateur final soit maintenu à un niveau raisonnable eu égard à la conciliation qu’il appartient aux États membres d’opérer, en tenant compte de la situation du secteur, entre l’objectif de libéralisation et celui de la nécessaire protection du consommateur final poursuivis ;
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- ·       être proportionnés et limités dans le temps. La CJUE indique par ce qu’elle entend comme « proportionné » :Â
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·       « Premièrement, une telle intervention doit être limitée, pour ce qui concerne sa durée, à ce qui est strictement nécessaire pour atteindre l’objectif qu’elle poursuit afin, notamment, de ne pas pérenniser une mesure qui, par sa nature même, constitue une entrave à la réalisation d’un marché intérieur […]. À cet égard, la mention dans le droit national en cause du caractère transitoire de l’intervention ne peut, à elle seule, suffire pour constater son caractère proportionné du point de vue de sa durée. Il appartient au juge national d’apprécier si une réglementation nationale telle que celle en cause au principal qui permet de déterminer le niveau du prix de fourniture […] par l’adoption de prix de référence, tels que ceux en cause au principal, indépendamment du libre jeu du marché, remplit une telle exigence. Dans ce cadre, il convient pour la juridiction de renvoi d’examiner si et dans quelle mesure l’administration est soumise par le droit national applicable à une obligation de réexamen périodique, à des périodes rapprochées, de la nécessité et des modalités de son intervention en fonction de l’évolution du secteur […]. |
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·       Deuxièmement, la méthode d’intervention mise en œuvre ne doit pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif d’intérêt économique général poursuivi. Troisièmement, l’exigence de proportionnalité doit également être appréciée au regard du champ d’application personnel de la mesure et, plus précisément, de ses bénéficiaires. » Sur ce dernier point, il faut comprendre que les tarifs ne doivent pas être fixés de la même façon pour les particuliers et les entreprises. |
- ·       être clairement défini, transparent, non discriminatoire et contrôlable.Â
Cette solution a été reprise dans le cadre du secteur de l’électricité, et notamment par le juge français (CE, ass., 18 mai 2018, n° 413688, Sré Engie et Anode).Â
Cependant, dans cette décision de 2018, à la différence de ce qui se passe dans l'industrie gazière, le Conseil d'État a établi que les tarifs réglementés de vente (TRV) étaient conformes au droit de l'Union européenne. Cette déduction découle de la justification explicite de ces tarifs par un objectif lié à l'intérêt économique global, particulièrement axé sur le maintien de la stabilité des prix. Le Conseil d'État a observé que « dans un contexte de forte volatilité des prix du marché de gros de l'électricité, et alors que cette énergie est, comme il ressort de l'article L. 121-1 du code de l'énergie, un produit de première nécessité non substituable, l'objectif de stabilité des prix est également de nature à justifier une entrave au développement de la concurrence sur le marché de détail de l'électricité ». Le Conseil d'État en a conclu que les tarifs réglementés de vente (TRV) d'électricité ne sont donc pas remis en question dans leur principe même, en opposition aux TRV de gaz.
Cependant, la question de la proportionnalité posait un problème, et le Conseil d'État a donc conclu que le système des tarifs réglementés de vente (TRV) en vigueur à l'époque n'était pas entièrement en conformité avec le droit de l'Union européenne. Plus précisément, le Conseil d'État a identifié deux points problématiques : premièrement, le caractère permanent de la réglementation concernant les TRV d'électricité, et deuxièmement, l'étendue de son application personnelle.
·       En ce qui concerne le premier point, le Conseil d'État a remarqué que la réglementation prévoyait uniquement une révision annuelle du tarif, mais pas un « réexamen périodique de la nécessité et des modalités de l'intervention publique sur les prix en fonction de l'évolution du marché de l'électricité ». Par conséquent, il a déduit que le caractère permanent de la réglementation contestée n'était pas proportionné à l'objectif de stabilité des prix, ce qui la rendait incompatible avec les buts énoncés dans la directive 2009/72/CE sur le marché intérieur de l'électricité.
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·       En ce qui concerne le deuxième point, les TRV s'appliquaient aux consommateurs finals, qu'ils soient domestiques ou non, dont la puissance souscrite sur le site concerné était inférieure ou égale à 36 kilovoltampères (ainsi qu'à tous les consommateurs situés dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain continental, ce point n'étant pas contesté). Cependant, après avoir rappelé que les dispositions de la directive susmentionnée, interprétées par la Cour de justice, établissent que le critère de proportionnalité n'est pas respecté si les tarifs réglementés de vente (TRV) bénéficient de manière indifférenciée aux particuliers et aux entreprises, le Conseil d'État a précisé que « la similarité des profils de consommation et des enjeux justifie uniquement que les consommateurs domestiques et les professionnels ayant une faible consommation d'électricité, comme les artisans, commerçants et professions libérales, soient traités de manière identique. Cependant, le critère de puissance retenu ne semble pas pertinent pour les sites non résidentiels appartenant à de grandes entreprises, qui sont éligibles aux tarifs réglementés de vente lorsqu'ils souscrivent une puissance par site inférieure ou égale à 36 kilovoltampères ». Par conséquent, étant donné que la réglementation s'appliquait à l'ensemble de ces catégories de consommateurs d'électricité, cette réglementation a été considérée comme « dépassant ce qui est nécessaire pour atteindre les objectifs d'intérêt général qu'elle poursuit », et par conséquent incompatible avec les buts de la directive 2009/72/CE.
En ce qui concerne les autres critères établis par la jurisprudence de la Cour de justice, le Conseil d'État a jugé que l'intervention de l'État dans la fixation des prix de fourniture d'électricité était nettement définie, transparente, non discriminatoire et soumise à des mécanismes de contrôle. De plus, il a constaté que cette intervention garantissait un accès équitable aux consommateurs pour les entreprises de l'Union européenne, en particulier grâce à la méthode de calcul des tarifs réglementés de vente (TRV) adoptée.
Aujourd’hui, l'article 5 de la directive 2019/944 du 5 juin 2019 est entièrement consacré à cette problématique et établit deux scénarios dans lesquels des interventions publiques peuvent jouer un rôle dans la fixation de ces prix :Â
o   Le premier scénario concerne la protection des clients résidentiels vulnérables et en situation de précarité énergétique. Bien que la directive dispose que les États membres doivent assurer la protection de ces individus « grâce à des politiques sociales ou à d'autres moyens que des interventions publiques dans la fixation des prix », de telles interventions sont autorisées de manière exceptionnelle, pour autant qu'elles respectent les conditions énoncées à l'article 5, paragraphe 4 de la directive. Ces conditions reflètent les enseignements tirés de la jurisprudence de la Cour de justice, notamment l'obligation que ces interventions visent un objectif d'intérêt économique général, qu'elles soient proportionnées à cet objectif, qu'elles soient transparentes, non discriminatoires et vérifiables, et qu'elles n'entraînent pas de coûts supplémentaires de manière discriminatoire pour les acteurs du marché. De plus, elles ne doivent pas empêcher un accès équitable des entreprises d'électricité de l'Union européenne aux clients, et elles doivent être limitées dans le temps et proportionnées par rapport à leurs bénéficiaires.
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o   Le second scénario envisage la possibilité pour les États membres d'établir ou de maintenir des tarifs réglementés pour les clients résidentiels et les microentreprises, mais encadre strictement cette possibilité. Si les États membres peuvent intervenir dans la fixation des prix pour la fourniture d'électricité à ces clients, c'est uniquement « dans le but d'assurer une période transitoire permettant d'établir une concurrence effective entre les fournisseurs pour les contrats de fourniture d'électricité et de parvenir à une fixation pleinement effective des prix de détail de l'électricité fondée sur le marché » (article 5, paragraphe 6). Le considérant 23 souligne même que les interventions tarifaires des États membres devraient se limiter aux circonstances exceptionnelles. En vue du caractère transitoire ainsi affirmé, la directive ajoute que la Commission européenne réévaluera cette question d'ici fin 2025 et pourrait alors, le cas échéant, émettre une proposition législative incluant une date de fin pour les tarifs réglementés. Par ailleurs, ces interventions publiques dans la fixation des prix doivent respecter l'ensemble des conditions prévues par la directive. Outre le respect des conditions énoncées à l'article 5, paragraphe 4 et applicables à toutes les interventions publiques dans la fixation des prix de fourniture, qu'elles concernent des consommateurs vulnérables ou non, ce deuxième scénario doit répondre aux conditions énoncées à l'article 5, paragraphe 7, à savoir :
o   être accompagnées de mesures favorisant une concurrence effective et d'une méthode d'évaluation des progrès ;
o   être déterminées au moyen d'une méthode garantissant un traitement non discriminatoire des fournisseurs ;
o   être fixées à un niveau supérieur aux coûts et permettant une concurrence tarifaire effective ;
o   être conçues de manière à minimiser tout impact négatif sur le marché de gros de l'électricité ;
o   garantir à tous les bénéficiaires de ces interventions la possibilité de choisir des offres concurrentielles et de recevoir des informations sur ces offres et les économies possibles, au moins trimestriellement ;
o   assurer leur droit de disposer de compteurs intelligents installés sans frais préalables supplémentaires ;
o   ne pas entraîner de subventions croisées directes entre les clients fournis aux prix du marché libre et ceux fournis aux prix réglementés.
C-Répartition des compétences entre le pouvoir législatif et réglementaire
Les tarifs réglementés de vente pour l'électricité sont établis par un arrêté ministériel, qui est adopté sur la base de la proposition de la Commission de Régulation de l'Énergie (CRE). La CRE joue un rôle déterminant dans ce processus, car une fois ses recommandations transmises aux ministres responsables de l'Économie et de l'Énergie, la décision est considérée comme acceptée à moins qu'un des ministres ne s'y oppose dans un délai de trois mois (conformément à l'article L. 337-4 du code de l'énergie).Â
Ces tarifs réglementés de vente doivent être examinés au moins une fois par an.
IV-L’analyse économique des TRVE
A-La contestation de l’efficience du monopole naturel
L’ouverture du marché de la fourniture de l’électricité repose sur une critique du monopole opéré par les économistes durant la seconde partie du XXè siècle.Â
Ainsi, l’ouverture du secteur de la fourniture à la concurrence (1), a pour but de remettre en cause le monopole naturel et historique d’EDF (2). Toutefois, les bases économiques visant à promouvoir la concurrence sont discutables (3).Â
1.)Notion de concurrence pure et parfaite
Pour un producteur, l'objectif primordial est de maximiser son bénéfice, une quête qui demeure fructueuse tant que la recette marginale (Rm) surpasse le coût marginal (Cm). Cette maximisation du bénéfice se concrétise lorsque la recette marginale équivaut au coût marginal, marquant ainsi un équilibre. La recette marginale dépend de la dynamique propre au marché, tandis que le coût marginal demeure insensible à la structure de ce dernier.
Dans un environnement de concurrence parfaite, le prix du marché se maintient constant, et le bénéfice atteint son apogée lorsque le prix concorde avec le coût marginal. Cependant, à plus long terme, d'autres producteurs entrant en jeu augmentent l'offre globale, provoquant une baisse du prix jusqu'à ce qu'il rejoigne le coût moyen à long terme. Cette situation annule finalement les bénéfices accumulés à court terme.
D'autre part, un monopole, qui dispose d'une certaine marge de manœuvre sur le prix en raison de sa relation directe avec la demande totale, laquelle décroît en fonction du prix, a la capacité de se déplacer le long de la courbe de demande. Ainsi, le monopole a la liberté de fixer un prix supérieur au coût marginal, tout en ajustant la quantité produite pour maximiser ses gains. Cette pratique lui permet de maintenir des bénéfices exceptionnels sur le long terme, grâce à son pouvoir d'influence sur le marché.
Ainsi, les principes caractéristiques de la concurrence pure et parfaite sont les suivants (énoncés par Knight) :
- Ø  Atomicité : Une multitude considérable de producteurs et d'acheteurs est présente, empêchant ainsi les individus d'exercer une influence significative sur les résultats du marché.
- Ø  Libre entrée : Chaque acteur est en mesure de choisir de participer ou non à l'activité du marché, sans être soumis à des régulations restreignant les modalités de participation.
- Ø  Homogénéité : Les entreprises fabriquent des biens parfaitement identiques (sans distinction entre les entités productrices), de sorte que la concurrence se manifeste exclusivement à travers les différences de prix.
- Ø  Mobilité : Les biens et les facteurs de production sont dotés d'une mobilité parfaite, permettant au capital (K) et au travail (L) de circuler librement.
- Ø  Transparence : L'information est totalement transparente pour tous les intervenants du marché, accessible immédiatement et sans coût (chacun dispose d'une connaissance complète des éléments tels que les prix et la demande).
Lorsqu'on atteint le point d'équilibre dans un contexte de concurrence, un prix de marché unique (P*) se forme. Cependant, il est important de noter que les acheteurs seraient en réalité disposés à payer des prix différents, comme P1 pour acquérir une quantité Q1, ou P2 pour une quantité Q2, et ainsi de suite.
C'est essentiellement la dernière unité achetée qui est acquittée au prix que les acheteurs étaient prêts à payer initialement (les unités précédentes étant achetées à un prix plus bas). Cette disparité de prix est une mesure des avantages obtenus par le consommateur, également appelé « surplus du consommateur ». Ce surplus du consommateur représente la différence entre le prix auquel il était disposé à payer et le prix réel du marché.
Parallèlement, les producteurs vendent leurs unités au prix unique qui équilibre le marché, bien que pour les points situés à gauche de l'équilibre, ils auraient été prêts à accepter un prix inférieur. Pour chacune de ces unités vendues à un prix supérieur au coût marginal, les producteurs engrangent un profit équivalent à la différence entre le prix du marché et le prix auquel ils étaient initialement disposés à vendre.
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2.)Notion de monopole
Le concept de monopole se caractérise par une entreprise unique chargée de fournir un bien ou un service, comblant ainsi la totalité de la demande émanant du marché correspondant.
Dans ce cadre, l'hypothèse d'atomicité et d'accès libre au marché est abandonnée, tandis que les trois autres postulats de la concurrence pure et parfaite demeurent valables. On distingue différents types de monopoles : le monopole naturel, qui résulte de contraintes techniques et d'une taille de marché qui décourage la viabilité de concurrents ; le monopole d'innovation, théorisé par Schumpeter, qui survient lorsqu'une entreprise est la seule à distribuer un nouveau produit suite à une innovation technologique, toutefois temporairement ; et enfin, le monopole légal, lié à des barrières réglementaires ou légales.
En ce qui concerne l'équilibre du monopole, il se retrouve en directe confrontation avec l'intégralité de la demande, déterminant ainsi le prix par ses propres moyens plutôt que par les forces du marché. Contrairement à la concurrence, le prix cesse d'être une constante indépendante du volume de production et devient une variable décroissante en fonction de la quantité produite.
Prenons en considération la courte période : les bénéfices augmentent tant que la recette marginale croît plus rapidement que le coût marginal (Rm > Cm), atteignant leur maximum lorsque Rm égale Cm. Cependant, contrairement au contexte concurrentiel, la recette marginale (Rm) ne correspond plus à la recette moyenne (RM), car la demande se manifeste de manière décroissante par rapport au prix. Par conséquent, la Rm et la RM diminuent, la première étant inférieure à la seconde.
Le point d'équilibre du monopole, noté Em, est atteint lorsque Rm égale Cm. La quantité optimale pour maximiser les bénéfices, X*, peut être vendue au prix P*, marqué par la courbe de demande. Ce prix est supérieur au coût marginal, dépassant donc celui déterminé par un marché concurrentiel. Cette situation entraîne une moindre création de richesse et des coûts plus élevés pour la société.
En ce qui concerne la longue période, le monopole peut persister dans une phase de croissance, car son prix, nettement supérieur au coût marginal, ne le contraint pas automatiquement à atteindre le coût marginal minimum. En fin de compte, les baisses de prix et les augmentations de quantité seront moins prononcées en période prolongée que dans un environnement de marché concurrentiel.
Ainsi, le monopole vendrait en plus petite quantité, et à un prix plus élevé, ce dont il en résulterait que certains consommateurs devraient renoncer à leur consommation. Il en résulte une perte pour le surplus collectif (différence entre le prix auquel les acheteurs sont prêts à payer, et le prix réellement pratiqué), appelée « perte sèche »
3.)CritiquesÂ
Les théories néoclassiques considèrent que le poids de l’entreprise en concurrence parfaite est si petit qu’il peut être considéré comme nul. Elle n’exerce donc aucune influence sur le prix ce qui fait que la courbe de demande est horizontale. Elles ne réagissent pas non plus à une modification du comportement de leurs concurrents. Mais cela suppose également que si une entreprise modifie sa production d’une unité l’ensemble de la production est modifiée d’une unité. Or ces deux hypothèses sont incohérentes. Si la courbe de demande de marché est décroissante alors une augmentation de la production totale du marché doit signifier une chute du prix du marché. Puisque la théorie suppose que les autres entreprises ne réagissent pas à une augmentation de la production d’une entreprise, la production totale du marché doit augmenter. Le prix de marché doit donc baisser. Pour que le prix ne change pas il faudrait que les autres entreprises réduisent leur production, or les entreprises ne réagissent pas au comportement des autres entreprises.Â
La recette marginale pour les néoclassiques dépend du nombre d’entreprise : s’il y en a un grand nombre alors elle disparaît. Mais ils prétendent également que le prix est fixé en fonction de la rencontre de l’offre et la demande, sans aucune présence d’une courbe de recettes marginales. Mais en réalité elle demeure et est décroissante tout comme la courbe de demande, mais de façon distincte. En cas de concurrence la quantité produite est définie au croisement de l’offre et la demande, ainsi au niveau collectif la production comportera un coût marginal supérieur à la recette marginale. Une partie de la production est donc produite à perte.
Pour que la théorie néoclassique soit recevable il faut donc que des comportements rationnels au niveau individuel soient irrationnels au niveau collectif. C’est ce que reconnaît les modèles de Cournot et Bertrand. Au niveau individuel les entreprises produisent jusqu’à ce que recette marginale soit égale au coût margonal mais au niveau du marché le coût marginal collectif est supérieur à la recette marginale collective. Or les entreprises sont obligées de produire à perte… Cela vient de la négligence des quantités petites car si les entreprises produisaient là où le coût marginal est égal à la recette marginale alors elles produiraient au-delà de l’égalité. De plus la courbe d’offre n’est pas horizontale mais bien décroissante : de fait la recette marginale est inférieure au prix pour l’entreprise en situation de concurrence…
En fait en se débarrassant de cette idée que la hausse du prix ou de la production d’une entreprise n’a pas d’effet sur le marché on se rend compte que monopole et concurrence sont équivalents. Les néoclassiques expliquent que la courbe d’offre individuelle est la courbe des coûts marginaux. Puis celles-ci sont agrégées pour obtenir la courbe d’offre du marché. Mais qui vient en premier : le prix fixé par l’intersection de l’offre et la demande agrégées ou les entreprises égalisant le coût marginal avec le prix. Or en fait la courbe d’offre n’est que l’agrégation des courbes de coûts marginaux des entreprises. Rien ne prouve que ce soit une courbe d’offre… Dans le modèle du monopole prix et quantité ne sont pas fixés par l’intersection entre courbe de demande et courbe de coût marginal. En fait le prix que l’entreprise concurrentielle fixe en ajustant sa production n’est pas l’égalité du marché fixé par l’égalité du prix et du coût marginal mais un prix de marché fixé par l’égalité entre recette marginale et coût marginal.Â
B-La volonté de rendre le marché contestable
La théorie de la contestabilité propose d'accroître la concurrence au sein des industries de réseau. Cette théorie trouve ses origines dans les travaux de trois économistes des années 1970 : Baumol, Panzar et Willig.Â
Un marché est considéré comme contestable lorsque les coûts associés à l'entrée et à la sortie de ce marché sont négligeables (non irrécupérables). Dans ce cas, les entreprises déjà établies ne possèdent aucun avantage sur les nouveaux entrants, et le retrait d'une entreprise ne devrait pas entraîner de coûts permanents. Ces coûts irrécupérables ("sunk costs"), englobent non seulement les infrastructures, mais aussi la formation, le savoir-faire et les brevets. En présence de barrières à l'entrée (ce qui rend le marché non contestable), telles que des droits exclusifs, la concurrence potentielle ne peut pas influencer le comportement des entreprises déjà en place, créant ainsi une situation d' « insider ». C'est pourquoi ces entreprises doivent faire l'objet d'une réglementation incitative, notamment en introduisant la menace d'entrée de nouveaux concurrents, afin de prévenir les abus de position dominante.
La contestabilité d'un marché peut coexister avec un petit nombre d'acteurs. La menace d'entrée de concurrents sérieux empêche même les membres d'un oligopole de se livrer à des pratiques abusives et anticoncurrentielles. Le rôle de l'État consiste alors à surveiller l'absence de barrières juridiques à l'entrée.Â
Ainsi, en imposant un tarif réglementé de vente ne se basant pas sur les coûts de production du monopoleur historique EDF, mais sur ceux des fournisseurs alternatifs, EDF ne dispose plus d’avantages, jugés de façon très critiquable comme étant injustifiés.Â
Sources :Â
Ø  Précis de Droit de l’énergie, Pr. Lamoureux, LGDJ, 2è édition
Ø  Droit public des affaires, Pr. Nicinski, LGDJ, 7è édition