Loyers Covid et clause de force majeure : arrêts de la Cour de cassation du 23 novembre 2022

Publié le Modifié le 25/11/2022 Vu 2 607 fois 0
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Nouvelles décisions de la Cour de cassation qui condamne des gestionnaires de résidences de tourisme à payer les loyers Covid aux bailleurs, malgré la présence d'une clause de force majeure dans le bail commercial.

Nouvelles décisions de la Cour de cassation qui condamne des gestionnaires de résidences de tourisme à paye

Loyers Covid et clause de force majeure : arrêts de la Cour de cassation du 23 novembre 2022

La Cour de cassation, saisie par un locataire commercial, a rendu une nouvelle décision le 23 novembre 2022 qui permet d’affiner sa jurisprudence concernant l’exigibilité des loyers appelés par les bailleurs durant les périodes de fermetures administratives des commerces liées à la pandémie de Covid-19.

Le pourvoi n° S 22-12.753 concernait les loyers commerciaux dus par un gestionnaire de résidences de tourisme, la société RESIDE ETUDES APPARTHOTELS, pendant la crise sanitaire (du 1er avril 2020 au 31 décembre 2021).

Dans sa décision du 30 juin 2022 concernant un autre exploitant de résidences de tourisme, la société ODALYS RESIDENCES, la Cour de cassation avait déjà eu pour mission de statuer sur les moyens de défense soulevés par le preneur : force majeure, exception d’inexécution, perte temporaire de la chose louée.

Dans la présente affaire, l’exploitant invoquait le fait que la cour d’appel, statuant en référé, avait interprété, à tort, le bail commercial pour faire droit aux demandes de paiement par provision des loyers :

« saisi d’une demande de condamnation à provision, le juge des référés ne dispose pas du pouvoir d’interpréter les termes d’un contrat ou d’une de ses clauses ;

en l’espèce les baux commerciaux conclus entre la société Réside études apparthôtels et chacun des propriétaires bailleurs contenait une clause de suspension du versement des loyers qui stipulait à l’article « dispositions diverses » que

« Dans le cas où la non sous-location du bien résulterait : (…)

– soit de la survenance de circonstances exceptionnelles et graves (telles qu’incendie de l’immeuble, etc.) affectant le bien et ne permettant pas une occupation effective et normale, après la date de livraison, le loyer, défini ci-avant, ne sera pas payé jusqu’au mois suivant la fin du trouble de jouissance » ;

en application de ces stipulations, les circonstances exceptionnelles liées à la pandémie de covid-19 et les mesures gouvernementales prises pour en juguler son expansion, qui avaient imposé l’état d’urgence sanitaire, entraient dans les prévisions contractuelles ainsi stipulées en tant qu’elles interdisaient la sous-location des appartements, devenue impossible ou entravée avec une telle ampleur et de telle manière que de telles sous-locations ne permettaient pas une occupation effective et normale du bien ; que, pour refuser cependant de faire application de ces stipulations contractuelles, la cour d’appel a retenu que les circonstances exceptionnelles ainsi visées devaient être intrinsèques au bien lui-même, c’est-à-dire à l’immeuble ou bâtiment, entendu stricto sensu ;

en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a interprété la notion contractuelle de circonstances exceptionnelles affectant le bien en excluant que ces circonstances pussent affecter la sous-location du bien, objet du contrat, pour la rendre impossible, la cour d’appel a tranché une contestation sérieuse relative à la portée de la clause de suspension du versement du loyer et violé l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile. »

En défense, les copropriétaires bailleurs considéraient que la société RESIDE ETUDES APPARTHOTELS ne démontrait pas la survenance de « circonstances exceptionnelles et graves » affectant le bien de chaque bailleur et ne permettant pas une occupation effective et normale, c’est-à-dire les lots des bailleurs.

Si l’activité touristique a pu être altérée du fait des conséquences de la Covid-19, encore que les locataires commerciaux ont perçu des aides d’Etat (fonds de solidarité, PGE), aucune circonstance n’a affecté le bien lui-même.

Le local loué n’a pas subi d’incendie, d’inondation, de tremblement de terre, … il permettait une occupation effective et normale.

L’article précité du bail était donc inopérant, sans qu’il nécessite une interprétation du juge des référés. Interpréter c’est « l’opération qui consiste à discerner le véritable sens d’un texte obscur » (Vocabulaire Juridique Capitant, PUF). Ici la clause est claire et non obscure. Elle est inapplicable au cas d’espèce.

La réponse de la Cour de cassation confirme la position des bailleurs :

« d’une part, la clause précise de suspension du loyer prévue au bail ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible soit par le fait ou la faute du bailleur, soit en raison de désordres de nature décennale ou de la survenance de circonstances exceptionnelles affectant le bien loué lui-même,

d’autre part, la locataire ne caractérisait pas en quoi les mesures prises pendant la crise sanitaire constituaient une circonstance affectant le bien,

la cour d’appel, qui n’a pas interprété le contrat, n’a pu qu’en déduire que l’obligation de payer le loyer n’était pas sérieusement contestable. »

 

Actualité : dans un autre arrêt du 23 novembre 2022 (Pourvoi n° C 21-21.867), la Cour de cassation a aussi condamné la société ODALYS RESIDENCES à payer les loyers commerciaux dus pendant la crise sanitaire (du 14 mars au 2 juin 2020) :

Argument d'Odalys : « la société Odalys faisait valoir qu'il résultait des stipulations du bail qu'en cas d'indisponibilité du bien loué à raison notamment de circonstances exceptionnelles ne permettant pas une occupation effective et normale du bien, le versement du loyer serait suspendu, mais serait couvert soit par la garantie perte de loyers souscrite par le syndic de l'immeuble, soit par la garantie perte d'exploitation du preneur ; qu'en énonçant que cette clause ne visait que des manquements personnels du bailleur, ou des circonstances affectant le bien, ce qui n'était pas le cas, et qu'elle mentionnait clairement que la suspension des loyers était conditionnée par la couverture des loyers par les assureurs et que cette condition n'était pas remplie, la cour d'appel qui a interprété la portée de cette clause qui nécessitait une interprétation, a derechef tranché une contestation sérieuse et violé l'article 835 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour de cassation : « (la cour d'appel) a ensuite constaté, sans interpréter le contrat, que la clause de suspension du loyer prévue au bail ne pouvait recevoir application que dans les cas où le bien était indisponible par le fait ou la faute du bailleur ou en raison d'un désordre ou d'une circonstance exceptionnelle affectant le bien loué et que la condition de suspension, clairement exigée, de couverture des loyers par les assureurs, n'était pas remplie. »

 

Ainsi, tous les copropriétaires bailleurs qui ont conclu un bail commercial avec un locataire, dans lequel il est prévu une clause de force majeure de non paiement des loyers relative à « une circonstance affectant le bien », sont en droit de réclamer le paiement de 100 % de leurs loyers durant la crise sanitaire.

En conclusion, les propriétaires bailleurs sont en droit de réclamer le paiement de 100% de leurs loyers pendant la crise sanitaire (COVID-19).

Nous pouvons vous aider à y parvenir face à votre gestionnaire de résidence. 

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