Vers une nouvelle vision de la retraite

Publié le 28/01/2015 Vu 1 914 fois 0
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-30%, -50%, -70%, vive les soldes? Sauf quand il s'agit de nos retraites, ou plus exactement, de ce qu'on va dans le meilleur des cas pouvoir en retirer. J'ai commencé à analyser les différents régimes de retraite (pharmaciens, avocats à la demande de mes clients, médecins s'ils me le demandent gentiment, ...). Je vous laisse prendre connaissance de mon dernier article, paru dans le Gestion de Fortune de janvier 2015.

-30%, -50%, -70%, vive les soldes? Sauf quand il s'agit de nos retraites, ou plus exactement, de ce qu'on va d

Vers une nouvelle vision de la retraite

Opération moins 30% ! Que les fashionistas se rasseyent, il ne s’agit pas ici de soldes, hélas, mais de l’amputation que vont subir, à compter du 1er janvier prochain, les pensions de retraite des fonctionnaires ayant cotisé à certains régimes de retraite complémentaire facultatifs, en l’occurrence, le CREF et le COREM, tous deux gérés aujourd’hui par l’UMR.

Mauvaise gestion, détournement de fonds[1], ou, plus préoccupant encore sur un plan économique, non viabilité du régime, les causes ayant présidé à la faillite du fonds n’ont pas manqué.

La nouvelle est d’autant plus surprenante qu’elle touche des agents de la fonction publique, ceux-là même qu’on pensait préservés des incertitudes et difficultés traditionnellement attribuées au secteur privé.

Le dispositif en question a une telle assise qu’il bénéficie de sa propre case, dans le formulaire de déclaration de revenus, au niveau des charges déductibles : on peut y lire « épargne retraite PERP et produits assimilés (PREFON, COREM et CGOS) ».

Un rapide coup d’œil au site du COREM (« Complément de retraite mutualiste ») finira d’ébranler les dernières certitudes. On y trouve, bien en vue: « L’UMR gère aujourd’hui le principal régime français de retraite complémentaire facultatif tant sur le plan du nombre -400 484- que sur le plan du volume d’actifs placé sous gestion : 8,3 milliards d'euros[2] ».

Voilà donc le « principal régime de retraite complémentaire facultatif » traduit en justice pour tromperie, ne pouvant assurer les prestations promises à ses adhérents[3].

Le coup est certes, très rude  pour les fonctionnaires, souvent de catégorie C ou B donc peu rémunérés, qui se sont saignés dans la perspective d’améliorer leur pension de retraite.

Mais il n’est rien à comparer de ce qui nous attend tous : nous n’en sommes qu’aux prémices de la défaillance des régimes de retraite. On nous l’a tellement annoncée qu’on s’en forme une mauvaise idée. On imagine que, soudain, le robinet des retraites sera à sec, parce que les caisses seront vides.

Or la réalité sera beaucoup plus insidieuse. Le paysage de la retraite français est terriblement morcelé, entre retraite de base, caisses de retraite complémentaires obligatoires, caisses de retraite facultatives. Les défaillances ne vont pas être uniformes : elles ne vont pas se faire dans le même temps ni concerner les mêmes personnes. Certains vont tout perdre là où d’autres, en fonction de la santé de leur caisse, de la pyramide des âges de leur profession, sauveront une partie de ce qu’ils auraient cru avoir.

Evidemment, la question cruciale que chacun se pose est de savoir qui sera le plus concerné par le phénomène.

Pour y répondre, définissons au préalable ce qu’est la retraite, c’est-à-dire de quoi se composent ces revenus de remplacement des revenus du travail, dont l’obtention est liée à l’âge.

La retraite est la combinaison de 4 éléments (« 4 piliers [4]») : le socle vieillesse, la restitution des cotisations versées, l’épargne individuelle, et les revenus du travail (cumul emploi-retraite).

Lorsqu’on parle de retraite, dans le débat politique, on fait allusion au 2ème élément, lié aux cotisations passées. Il existe deux systèmes de restitution des cotisations versées : par répartition et par capitalisation.

D’une part, le régime par répartition est mutualiste, il repose sur un principe de solidarité. Les actifs paient pour les pensionnés. Lorsque l’on cotise, on n’épargne pas pour soi, on nourrit les retraités, en espérant que la nouvelle génération nous rendra la pareille.

En France, la retraite de base, qui dépend de la Sécurité sociale, repose sur le principe de la répartition, et nombre de régimes complémentaires en suivent également les règles. Si l’on reprend l’exemple initial, du CREF, il était à l’origine en 1949 totalement géré par répartition, puis, au détour des années 2000, il a introduit une part de capitalisation, avant de basculer complètement en capitalisation, sans doute trop tard.

D’autre part, le régime par capitalisation est, comme son nom le suggère, capitaliste : on épargne uniquement pour soi. On constitue un pécule, tout au long de sa période d’activité, avec pour objectif de conserver au moins ce qui a été cotisé, en euros constants, voire de le valoriser. Ensuite, lorsque l’on prend sa retraite, ce capital est redistribué sous forme de rente.

Historiquement, le régime par capitalisation fut abandonné en France, dans l’entre-deux-guerres. Les plus férus d’histoire se souviennent qu’il a causé la ruine des retraités pendant la guerre, puis la crise de 1929 : les placements choisis pour gérer le régime par capitalisation, fonciers (immeubles, terrains) ou financiers (principalement des titres, à l’époque) sont brusquement devenus illiquides. L’incertitude de l’avenir gela les transactions. Il fallut donc brader à vil prix les richesses accumulées pour assurer le versement des pensions de retraite, à un niveau dégradé.

Suite à ce désastre, et pour recréer une cohésion au sein de la société française, le gouvernement d’après-guerre choisit d’instaurer un régime par répartition, généralisé à tous en 1946.

Plus récemment, les faillites des fonds de pension américains et britanniques n’ont pas vraiment plaidé pour le basculement de la répartition vers la capitalisation.

On sait pourtant qu’actuellement, les régimes par répartition ne sont plus en mesure de servir aux retraités d’aujourd’hui, et plus encore de demain, les prestations qu’ils sont en droit d’espérer.

Pour être viable, un régime par répartition exige deux conditions : il doit être obligatoire pour tous, et il faut un ratio de 4 cotisants pour 1 retraité.

C’était le cas pendant les Trente Glorieuses, mais aujourd’hui, entre la diminution drastique du nombre de cotisants et l’allongement de la durée de vie, ce ratio n’est plus que de 2 pour 1.

Pour autant, la déconfiture du régime par répartition ne proclame pas le triomphe du régime par capitalisation. Ce modèle n’est vainqueur que par forfait.

Nous ne citerons qu’un exemple pour illustrer nos propos.

L’une de nos clientes, pharmacienne, nous a récemment consultés sur l’attitude qu’elle devait adopter face aux changements qui affectent sa caisse de retraite, la CAVP (Caisse d’assurance vieillesse des Pharmaciens). Cette caisse, qui fonctionne principalement par capitalisation, s’est lancée dans une réforme qui rendra obligatoire, au 1er juillet 2015, des cotisations qui n’étaient jusqu’à présent que facultatives, au-delà de la classe 3.

Les pharmaciens aujourd’hui en activité ont en effet le choix de refuser pour eux l’application de la réforme, qui sera en revanche obligatoire pour les nouveaux adhérents au régime.

La lettre d’information de la caisse, très pédagogue, avance plusieurs arguments pour expliquer le changement : d’une part, la retraite des pharmaciens n’est pas à la mesure de celles que perçoivent les autres professions médicales, dont le niveau de cotisations est plus élevé (par exemple, les médecins ou les chirurgiens-dentistes). En augmentant le niveau des cotisations, on améliorerait ainsi d’autant sa retraite. D’autre part, la législation européenne serait défavorable à l’existence de régimes complémentaires partiellement ou totalement facultatifs, ce qui est le cas de la CAVP.

Concernant le premier argument, rappelons que les pharmaciens ont toujours connu un taux de remplacement très faible. Comme toutes les professions libérales, ils attendent assez peu des régimes obligatoires, préférant se constituer eux-mêmes un patrimoine à côté. Si l’on pousse plus avant nos réflexions, on constatera,  la lecture d’un document rédigé par le Conseil d’Orientation des Retraites, en 2009[5], qu’à niveau de cotisations égal, le taux de remplacement des pharmaciens libéraux est nettement plus faible que celui qui est pratiqué dans d’autres professions. On peut donc légitimement se demander si la réforme n’aurait pas pour unique but de remettre à flots un régime déséquilibré[6]. Ce ne serait pas la première faillite de caisse complémentaire.

Le deuxième argument n’est guère plus concluant : la CAVP aurait pu mettre fin au caractère facultatif de son régime en se recentrant sur le socle obligatoire, sans extension. Mais elle a préféré une fois de plus restreindre la liberté de ses adhérents.

Que faire alors ? Cacher son argent sous le matelas, et refuser de cotiser, comme on l’entend parfois ? Ce geste de désespoir ressemble à celui des électeurs qui, écœurés par les scandales politiques à répétition, finissent par déserter les urnes. Leur attitude les pénalise eux-mêmes, en plus de porter un second coup à la démocratie.

Nous nous situons à une époque charnière, lourde de changements à venir. La question qui se pose aujourd’hui aux pharmaciens se posera à tous. Il faudra impérativement prendre le temps de la décrypter.

Les actifs d’aujourd’hui doivent prendre conscience qu’ils ne reverront plus leurs cotisations, pour l’essentiel. Il vaut mieux partir du principe que l’on a cotisé en vain, plutôt que d’attendre une réforme dont on fera forcément les frais.

Partant de ce constat, tout l’enjeu est de restaurer les deux piliers oubliés. Dans le schéma dessiné plus haut, nous citions l’épargne individuelle et le cumul emploi-retraite.

Les mentalités, sur l’emploi des seniors, évolueront au fur et à mesure que la nécessité se fera sentir, faisant naître de nouvelles formes, de nouvelles modalités d’emploi.

Et, pour ce qui est de l’épargne individuelle, à nous d’en favoriser l’essor, et d’inciter nos clients à bâtir un patrimoine propre à leur générer des ressources futures. On en revient finalement à la logique de nos aïeux, qui voyaient dans leur patrimoine, principalement foncier, le moyen d’assurer leurs vieux jours, avec simplement une pointe de modernité : le monde s’étant complexifié, la tâche s’est professionnalisée. On murmure même que certaines revues lui seraient dédiées…

 

[1] Décision du TGI de Paris, 8 juin 2011, arrêt du CE 4 mai 2012, …

[2] Voir le site internet de la Corem http://www.corem.com/umr/corem-qui-sommes-nous/

[3] Voir notamment l’article de Gilles Pouzin, sur Deontofi « Retraite des fonctionnaires : l’UMR et ses dirigeants poursuivis pour tromperie » 19/11/2014, ainsi que le site de l’ARCAF http://www.epargneretraite.org/

[4] Voir l’excellent travail réalisé par l’école des Mines de Paris « Faut-il changer de système ? Répartition contre capitalisation »

[5] Conseil d’orientation des retraites, 8 avril 2009, « les régimes de retraite des indépendants : les problématiques spécifiques ».

[6] Voir le rapport de l’IGAS, Contrôle des placements de la CAP, mars 2013

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