Il appert régulièrement une certaine confusion de la part des collectivités territoriales en cas d'une cession effectuée dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire ou dans celui d'une liquidation judiciaire, en particulier depuis l'ordonnance du 1er juillet 2014.
La question qui se pose est celle d'une entreprise située dans une zone soumise à déclaration d'intention d'aliénation (DIA) du droit de préemption, reprise sur décision du tribunal de commerce, dans le cadre d'une procédure collective.
Pour ce faire, nous aborderons d'une part le droit commun de l'exercice du droit de préemption ( I ) avant de considérer, d'autre part, son application dans le cadre d'une procédure collective ( II )
I – Le droit commun de l'exercice du droit de préemption
Nous aborderons en premier lieu l'atteinte apparente au droit de propriété ( A ) avant de considérer la prééminence de l'intérêt général ( B )
A - L'atteinte apparente au droit de propriété
L'article L.214-1 du code de l’urbanisme dispose qu'une personne publique, généralement la commune, peut acquérir en priorité, dans certaines zones préalablement définies par elle, un bien immobilier mis en vente par une personne privée ou morale.
L'article A.214-1 du même code précise que l'acquéreur intentionné doit en effectuer la déclaration préalable au moyen du formulaire CERFA 13644*01 qu'il doit adresser en 4 exemplaires par pli recommandé avec demande d’avis de réception, au maire de la commune concernée ou de la déposer en mairie contre récépissé.
Donc, le propriétaire du bien n'est pas libre de céder son droit de propriété à l'acquéreur de son choix et aux conditions qu'il souhaite, car il peut être confronté à l'intérêt général.
B - La prééminence de l'intérêt général
Cette situation juridique pourrait apparaître comme une violation du droit de propriété, garanti par l'article 2 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen du 26 août 1789.
Pour autant, l'article 17 de ce même texte repris par le Préambule de notre actuelle Constitution dispose que « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n’est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l’exige évidemment, et sous la condition d’une juste et préalable indemnité. »
Ainsi, d'une part, le droit de préemption ne peut être exercé qu'en vue de la réalisation d'opérations d'aménagement urbain d'intérêt général comme la création d'équipements collectifs, la création de logements sociaux, la lutte contre l'insalubrité ou le renouvellement urbain, etc … et donc, en aucun cas, la collectivité ne peut l'utiliser à d'autres fins.
D'autre part, en se substituant à l'acquéreur initial, la collectivité doit acheter à la place de celui-ci et, en conséquence, elle doit en payer le prix.
Il convient maintenant d'aborder le cas où, le droit de propriété de cessionnaire débiteur, préempté par la collectivité, se heurte à celui de ses créanciers, c'est à dire la situation de procédure collective.
II – L'application du droit de préemption en situation de procédure collective
Nous examinerons d'abord l'exception de l'application du droit de préemption en situation de redressement judiciaire ( A ) avant de considérer son retour vers le droit commun en cas de liquidation judiciaire ( B )
A – L'exception de l'application du droit de préemption en cas de redressement judiciaire
La vocation de la procédure de redressement judiciaire est de permettre la poursuite de l'activité de l'entreprise tout en sauvegardant les intérêts des créanciers.
Si l'entreprise peut être redressée, l'article L626-1 du code de commerce dispose que « Lorsqu'il existe une possibilité sérieuse pour l'entreprise d'être sauvegardée, le tribunal arrête dans ce but un plan qui met fin à la période d'observation. Le plan de sauvegarde comporte, s'il y a lieu, l'arrêt, l'adjonction ou la cession d'une ou de plusieurs activités. »
Dans le cas contraire, c'est à dire si le débiteur n'apparaît pas en mesure de redresser l'entreprise, l'article L631-22 du même code dispose qu' « A la demande de l'administrateur, le tribunal peut ordonner la cession totale ou partielle de l'entreprise si le ou les plans proposés apparaissent manifestement insusceptibles de permettre le redressement de l'entreprise ou en l'absence de tels plans. »
Dans les deux cas, le législateur fait preuve de logique en attribuant cette mission à l'administrateur judiciaire puisque le but poursuivi est la « survie » de l'entreprise et la préservation de l'emploi, le cas échéant.
A cet effet, le deuxième alinéa de l'article L626-1 précise que « L'administrateur reste en fonction pour passer tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession. »
de même, l'article L631-21-1 dispose à son tour que « Lorsque le tribunal estime que la cession totale ou partielle de l'entreprise est envisageable, il désigne un administrateur, s'il n'en a pas déjà été nommé un, aux fins de procéder à tous les actes nécessaires à la préparation de cette cession et, le cas échéant, à sa réalisation. »
Pour autant, se pose alors la question de l'urgence de la situation confrontée au temps légal de réponse de la collectivité en cas de droit de préemption.
Sur ce point également, le législateur est très clair puisque le cinquième alinéa de l'article L626-1 ci-dessus dispose que « Les droits de préemption institués par le code rural et de la pêche maritime ou le code de l'urbanisme ne peuvent s'exercer sur un bien compris dans une cession d'une ou de plusieurs activités décidée en application du présent article. »
La collectivité ne peut donc s'opposer à la décision du tribunal de commerce ou du tribunal de grande instance, compétent selon la qualité du débiteur.
En conséquence, la déclaration préalable au moyen du formulaire CERFA 13644*01 n'a pas lieu d'être effectuée.
Se pose alors le cas où la survie de l'entreprise n'est pas possible, c'est à dire la situation de liquidation judiciaire.
B – Le retour au droit commun en cas de liquidation judiciaire
La différence fondamentale avec la situation de redressement judiciaire est que, dans ce cas, l'entreprise cesse son activité.
Donc, le temps de la vie économique ne s'oppose plus au temps légal de réponse de l'administration.
En conséquence, l’article R 214-8 dispose que la déclaration préalable auprès de la collectivité, au moyen du formulaire CERFA 13644*01 émane alors du liquidateur.
En retour et logiquement, en cas d’acquisition par celle-ci, ce dernier en informe alors l’acquéreur évincé.