Les Émirats Arabes Unis franchissent une étape inédite en intégrant l'intelligence artificielle (IA) dans leur processus législatif. En 2025, le pays a annoncé la création du Bureau de l'intelligence réglementaire, chargé de superviser l'élaboration, la révision et l'amendement des lois à l'aide de systèmes d'IA. Cette initiative vise à accélérer le processus législatif, améliorer la qualité des textes juridiques et aligner le droit émirien sur les meilleures pratiques internationales.
L'objectif affiché est ambitieux : réduire de 70 % le temps d'élaboration des lois, tout en assurant une adaptation continue aux évolutions sociétales et économiques. Les autorités entendent ainsi positionner leur pays à la pointe de la gouvernance numérique, en misant sur l'IA générative et le traitement automatique du langage naturel.
Cette démarche soulève néanmoins des questions éthiques et juridiques majeures. Cet article analyse ses implications, ses avantages et les préoccupations qu’elle suscite.
Des lois plus rapides et plus neutres
Le recours à l'IA dans le processus législatif permet d'accélérer la production des lois et d'en améliorer la qualité. Grâce à l'analyse de vastes bases de données juridiques, de jugements et de rapports publics, l'IA identifie les incohérences, propose des modifications et met à jour les textes existants. Cette capacité d'analyse assure une réactivité accrue face aux évolutions de la société et de l'économie.
Le système émirien repose sur des modèles d'IA entraînés sur plus de 100 000 textes juridiques. Ces outils génèrent, révisent et évaluent les projets de loi. L'intégration de ces technologies favorise l'harmonisation des normes et renforce la cohérence entre les lois fédérales, les règlements locaux et les décisions de justice.
L'IA offre également une opportunité de neutraliser certaines influences politiques ou idéologiques. En s’appuyant sur des données objectives, elle contribue à une législation plus impartiale et fondée sur des faits. Cependant, les biais potentiels présents dans les données d’entraînement risquent d’affecter cette neutralité, ce qui impose une vigilance continue.
Cette initiative soulève également l'importance d'apprendre à utiliser les outils d'IA générative au sein de l'Union Européenne, pour éviter de prendre trop de retard.
Et si la gouvernance devenait algorithmique ?
L'intégration de l'IA dans le travail législatif soulève la question de la place des algorithmes dans la gouvernance. En confiant à des systèmes automatisés des tâches réservées jusqu’ici aux législateurs, les Émirats explorent une forme de gouvernance algorithmique où les décisions sont partiellement prises ou suggérées par la machine.
Ce modèle offre des gains d'efficacité considérables et permet d’adapter les lois presque en temps réel. Toutefois, il interroge sur la légitimité démocratique des décisions issues de systèmes non humains. La transparence des algorithmes, la responsabilité en cas d’erreur et le droit des citoyens à comprendre et contester les décisions sont des enjeux cruciaux.
Il demeure indispensable de garantir une supervision humaine et de poser un cadre juridique clair. Sans cela, le risque d’érosion des principes démocratiques et des droits fondamentaux se profile.
Les conséquences de cette nouvelle approche
L’adoption de l’IA par les EAU dans la production normative pourrait marquer un tournant pour d’autres pays. Cette démarche pourrait inspirer des réformes similaires et moderniser des systèmes juridiques souvent jugés trop lents. Elle pourrait aussi creuser les inégalités technologiques entre États riches et États moins équipés.
Par ailleurs, l’intégration de l’IA dans un domaine aussi sensible pourrait transformer la perception générale de l’intelligence artificielle, en renforçant sa présence dans la gouvernance et la justice.
Le mot de la fin
Les Émirats Arabes Unis ouvrent une nouvelle voie en introduisant l’IA dans la législation. Cette initiative ambitieuse, qui vise efficacité et qualité, s’accompagne de défis éthiques majeurs.
Il faudra garantir que l’usage de l’IA respecte les principes démocratiques, assure la transparence et protège les droits fondamentaux. Seule une supervision humaine solide, adossée à un cadre juridique précis, permettra de tirer parti de cette avancée technologique sans sacrifier les valeurs fondamentales.