Lettre ouverte à Madame TAUBIRA

Publié le 23/06/2014 Vu 1 876 fois 0
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Les majeurs protégés sont les victimes fréquentes du délit d'abus de faiblesse prévu et réprimé par l'article 223-15-2 du Code Pénal. Or, cette infraction n'est pas prévue par la Commission d'indemnisation des Victimes d'infraction ce qui empêche une raisonnable indemnisation des préjudices subis par les victimes et reconnus par les tribunaux se heurtant à des auteurs bien souvent insolvables.

Les majeurs protégés sont les victimes fréquentes du délit d'abus de faiblesse prévu et réprimé par l'a

Lettre ouverte à Madame TAUBIRA

Madame la Garde des Sceaux,

Je suis avocat au Barreau de Paris, spécialiste du droit des personnes et plus particulièrement du droit des majeurs protégés, placés sous mesures de protection (sauvegarde de justice, curatelle, tutelle).

Cette population particulièrement vulnérable est régulièrement victime d’abus de faiblesse, infraction prévue et réprimée par l’article 223-15-2 du Code Pénal.

Cette infraction se caractérise essentiellement par une atteinte au patrimoine de la victime. Les sommes en jeu détournées sont parfois très importantes.

L’abus de faiblesse du majeur vulnérable, en général commis avant la mise sous protection juridique et révélé par des tiers tels que les organismes bancaires au moment où le majeur présente une altération de ses facultés mentales, est poursuivi par le curateur ou le tuteur désigné par le juge des tutelles.

Si les condamnations des auteurs sont fréquentes, la question de l’indemnisation des préjudices de la victime reste posée.

En effet, les tribunaux condamnent les auteurs à rembourser le montant exact du préjudice subi et accordent en outre une indemnisation au titre du préjudice moral.

Cependant, l’insolvabilité quasi systématique des auteurs ne permet pas aux victimes d’être indemnisées de leurs préjudices.

Elles doivent alors se tourner vers un mécanisme d’indemnisation instauré par l’Etat, mais qui s’avère totalement insuffisant et inadapté pour ce type d’infraction.

La Commission d’indemnisation des victimes d’infractions (CIVI) n’est pas accessible aux victimes d’abus de faiblesse.

L’article 706-14 du code de procédure pénale établit de façon restrictive la liste des infractions entrant dans le champ d’application de la CIVI, telles que le vol, l’abus de confiance, ou l’escroquerie. L’abus de faiblesse, pourtant très proche de ces infractions, en est purement et simplement exclu.

La Cour de Cassation a d’ailleurs rappelé que « Civ., 2ème, 26 septembre 2002, n° 01-02.767 : « l'infraction d'abus de faiblesse au préjudice d'une personne vulnérable, même si elle est voisine de l'escroquerie, n'est pas visée par ce texte ».

Ainsi, la seule voie ouverte pour les victimes d’abus de faiblesse est de saisir le Service d’aide au recouvrement des victimes d’infraction (SARVI), créé en 2008 et qui permet aux victimes qui ne remplissent pas les conditions de recevabilité devant la CIVI, d'obtenir une aide pour obtenir le recouvrement des indemnités auxquelles l'auteur des faits a été condamné à lui payer par un Tribunal Correctionnel ou une Cour d'Assises.

Le SARVI paie à la victime une avance égale à 30 % du montant total des indemnités, avec un minimum de 1.000 € et un plafond limité  à 3.000 €. Il se charge ensuite d'obtenir le recouvrement des sommes auprès du condamné.

En pratique, les victimes d’abus de faiblesse peuvent donc être indemnisées jusqu’à 3.000 euros, avec peu de chance que ne soit poursuivi l’auteur, en général insolvable, pour les sommes très conséquentes restant dues.

Ce mécanisme d’indemnisation est préjudiciable pour ce type de victimes particulièrement exposées à cette infraction et dont les conséquences sur leur patrimoine sont considérables.

Ainsi, je constate une résignation des tuteurs ou curateurs qui renoncent à porter plainte pour abus de faiblesse et  à engager des frais d’avocat notamment, en sachant l’avance que l’indemnisation des préjudices et des frais avancés sera quasi inexistante.

Le majeur vulnérable subit donc une double peine : un abus ayant entraîné des préjudices graves tant sur le plan financier que sur le plan moral et une absence d’indemnisation raisonnable de ses préjudices.

L’infraction d’abus de faiblesse devrait donc figurer parmi la liste d’infractions de l’article 706-14 du Code de Procédure Pénale afin de permettre à la victime de saisir la CIVI qui offre des conditions d’indemnisation plus acceptables que celles prévues par le SARVI.

Je vous remercie infiniment de attention particulière que vous voudrez bien porter à cette inégalité de traitement entre les victimes d’infractions proches voire similaires.

Thierry Rouziès

Avocat au Barreau de Paris

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A propos de l'auteur
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Me Thierry Rouziès, Avocat au Barreau de Paris depuis 1999, est expert en Droit de la Protection des Majeurs. Il conseille et assiste tant des particuliers que des Professionnels (MJPM).

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