Le droit de la propriété littéraire et artistique applicable aux œuvres de presse a été bouleversé, voire révolutionné par la loi HADOPI du 12 juin 2009 (voir : C. Alleaume, « Droit d’auteur des journalistes : la révolution en marche » : Légipresse, oct. 2009, 265, II, p. 121, et, du même, « Présentation de la loi nouvelle sur le droit d’auteur des journalistes », Actes du Forum du 8 octobre 2009, Droit de la communication. Les réformes en marche, Légicom, à paraître. – P. Lantz, C.-H. Dubail, L. Berard-Quelin, P. Jannet, « Vers une réforme du droit d’auteur dans la presse écrite » : Légipresse, 2008, 251, I, p. 55. - L. Drai, « La réforme du droit d’auteur des journalistes par la loi n°2009-669 du 12 juin 2009 » : Comm. Comm. électr. 2009, Étude 18, p. 8).
Rompant catégoriquement avec les solutions antérieures, l’article L.132-36 du Code de la propriété intellectuelle (CPI) pose désormais que : « la convention liant un journaliste professionnel ou assimilé […] qui contribue, de manière permanente ou occasionnelle, à l'élaboration d'un titre de presse, et l'employeur emporte, sauf stipulation contraire, cession à titre exclusif à l'employeur des droits d'exploitation des œuvres du journaliste réalisées dans le cadre de ce titre, qu'elles soient ou non publiées ».
L’étendue des droits des employeurs dépendra dorénavant de la période et des modalités de l’exploitation. Les principes seront les suivants : lorsque la publication d’une œuvre d’un journaliste-salarié aura lieu à l’intérieur d’une période à définir par accord d’entreprise ou autre accord collectif, l’employeur pourra librement l’exploiter, et la ré-exploiter, au sein du même titre de presse, sans verser de rémunération autre que le salaire prévu au contrat de travail ; si un accord d’entreprise le prévoit expressément, l’employeur pourra même exploiter et ré-exploiter l’œuvre au sein d’un autre titre de presse appartenant à la société ou au groupe l’ayant publiée une première fois, dès lors que les deux titres appartiendront à une même famille cohérente de presse. Dans ce dernier cas, une rémunération complémentaire sera due « sous forme de droits d’auteur ou de salaire » (art. L.132-39 alinéa 3, CPI). Comme par le passé, l’employeur pourra exploiter les œuvres en dehors du titre de presse et/ou en dehors d’un autre titre appartenant à une même famille cohérente de presse, mais il devra, préalablement, obtenir « l’accord exprès et préalable » du journaliste-salarié dans un « accord individuel ou collectif » (art. L.132-40 CPI) sachant que, le cas échéant, des « droits d’auteur » seront dus.
La loi nouvelle utilise donc beaucoup de notions nouvelles (« titre de presse », « famille cohérente de presse », etc.) qu’il sera prudent de définir dans les accords collectifs à venir.
Cela étant, il est essentiel de noter que la nouvelle notion de « titre de presse » couvre autant les supports traditionnels (papier) – payants ou gratuits – que les sites électroniques de presse : en effet, la loi vise expressément « l’ensemble des déclinaisons du titre » ce qui englobe assurément le journal traditionnel et ses prolongements sur l’Internet. D’ailleurs, l’article L.132-35 CPI assimile à la publication dans le titre de presse « la diffusion de tout ou partie de son contenu par un service de communication au public en ligne ou par tout autre service édité par un tiers, dès lors que cette diffusion est faite sous le contrôle éditorial du directeur de la publication dont le contenu diffusé est issu ou dès lors qu’elle figure dans un espace dédié au titre de presse dont le contenu diffusé est extrait ».
Ainsi que cela a été développé (Droit de la communication. Les réformes en marche : préc.), la notion de titre de presse comprend donc le journal traditionnel, le site internet de ce journal traditionnel, tout autre site internet contrôlé par le directeur de publication du titre, et tout autre site internet non contrôlé par le directeur de publication du titre mais situé sur un espace réservé au titre.
De nombreux accords collectifs sont désormais à renégocier : d’abord, car la loi du 12 juin 2009 précise qu’« à défaut d'accord dans un délai de deux ans à compter de la publication de la loi […] un décret fixe les conditions de détermination de ce salaire minimum » ; ensuite, car ce texte ajoute que « Durant les trois ans suivant la publication [13 juin 2009] les accords relatifs à l’exploitation sur différents supports des œuvres des journalistes signés avant l’entrée en vigueur de la présente loi continuent de s’appliquer jusqu’à leur date d’échéance, sauf cas de dénonciation de l’une des parties », ce qui signifie que les accords collectifs antérieurs s’appliqueront jusqu’à leur terme, ou jusqu’à leur dénonciation, ou jusqu’à l’entrée d’un nouvel accord qui peut intervenir dans les trois ans mais qui devra être intervenu à cette date.
L’atteinte aux solutions classiques du droit d’auteur de la presse est certaine. Elle est favorable aux entreprises de presse même si certains droits des journalistes-salariés ont été maintenus : leurs droits moraux (art. L.131-40 CPI) et leur droit de compilation ou de recueil (art. L.121-8 CPI). En outre, les droits des journalistes professionnels auteurs d’images fixes collaborant occasionnellement à un titre de presse font l’objet d’un statut dérogatoire (à moins que les images ne soient commandées par l’entreprise de presse).