Les conséquences de l'absence de réponse à l'entretien de prévention

Publié le Modifié le 10/10/2014 Vu 14 505 fois 0
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Que se passe-t-il si le chef d'entreprise ou le représentant de la personne morale en difficulté ne répond pas à cette convocation ?

Que se passe-t-il si le chef d'entreprise ou le représentant de la personne morale en difficulté ne répond

Les conséquences de l'absence de réponse à l'entretien de prévention

Dans le cadre de la prévention des difficultés de l'entreprise, lorsque le Président du tribunal de commerce constate par divers documents ou procédures qu'une entreprise connait des difficultés susceptibles de compromettre l'exploitation, il peut convoquer tout chef d'entreprise à un entretien en vue d'envisager des mesures propres au redressement de la situation. 

Cette compétence résulte de l'article L. 611-2, I du Code de commerce, qui dispose que :

"Lorsqu'il résulte de tout acte, document ou procédure qu'une société commerciale, un groupement d'intérêt économique ou une entreprise individuelle commerciale ou artisanale connaît des difficultés de nature à compromettre la continuité de l'exploitation, ses dirigeants peuvent être convoqués par le président du tribunal de commerce pour que soient envisagées les mesures propres à redresser la situation"

Le Président territorialement compétent est celui du tribunal du lieu siège du débiteur (ou de l'entreprise). 

La convocation est adressée au chef d'entreprise ou au représentant légal de la personne morale par le Président du tribunal, au moins un mois avant la date fixée pour cet entretien. A cette convocation est jointe une note dans laquelle le Président expose les faits qui motivent son initiative.

Que se passe-t-il si le chef d'entreprise ou le représentant de la personne morale en difficulté ne répond pas à cette convocation ? 

Tout d'abord, le Président du tribunal décider de suivre le dossier; il peut obtenir des renseignements pour établir la situation économique et financière exacte du débiteur (I). 

Ensuite, une procédure d'enquête préalable peut être ouverte par le tribunal afin de cerner l'état de cessation de paiement du débiteur et ouvrir, le cas échéant, une procédure collective à son encontre (II). 

Enfin, et de façon non-négligeable, le chef d'entreprise ou le représentant légal qui refuse de répondre à la convocation à cet entretien préalable peut entraîner une faute de gestion du dirigeant, et par conséquent une condamnation pécuniaire (III). 

I/ L'obtention de renseignements sur la situation économique du débiteur par le Président du tribunal

Dans le cas où le représentant légal de la personne morale ou le chef de l'entreprise ne répondrait pas à la convocation, un procès-verbal de carence est dressé le jour même par le greffier aux fins d'application de la procédure de renseignements.
À ce procès-verbal est joint l'avis de réception de la convocation. Une copie de ce procès-verbal est notifiée sans délai par le greffier à la personne convoquée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception reproduisant les termes du second alinéa du I de l'article L. 611-2.

Aux termes de l'article L. 611-2, I alinéa 2 : 

"A l'issue de cet entretien ou si les dirigeants ne se sont pas rendus à sa convocation, le président du tribunal peut, nonobstant toute disposition législative ou réglementaire contraire, obtenir communication, par les commissaires aux comptes, les membres et représentants du personnel, les administrations publiques, les organismes de sécurité et de prévoyance sociales ainsi que les services chargés de la centralisation des risques bancaires et des incidents de paiement, des renseignements de nature à lui donner une exacte information sur la situation économique et financière du débiteur".

Ainsi, le Président du tribunal débute une enquête afin d'établir de façon certaine l'état de difficulté de l'entreprise. 

Cette demande de renseignements doit intervenir dans le délai d'un mois à compter de la date de l'entretien ou du procès-verbal de carence ; elle doit être écrite et accompagnée du procès-verbal d'entretien ou de carence (D. n° 2005-1677, art. 5, al. 1er).


II/ L'enquête préalable et l'ouverture d'une procédure collective 

L'absence de réponse à l'entretien de prévention ne permet pas, en soi, de prouver l'état de cessation de paiement du débiteur. 

Mais si ce refus de réponse s'ajoute à divers indices, de nature à caractériser l'état de cessation de paiement, le Ministère public est en droit de saisir le Tribunal de commerce d'une demande d'ouverture de redressement judiciaire. 

C'est ce que confirme un arrêt du Tribunal de commerce de Valenciennes en date du 7 octobre 2013.

En l'espèce, sur saisine du ministère public, le tribunal de commerce de Valenciennes a ouvert une procédure d'enquête préalable afin de mieux cerner la cessation des paiements de l'entreprise concernée.
Le Ministère public se fondait sur un faisceaux d'indices constitués par des injonctions de payer, des inscriptions de privilèges et le non-dépôt des comptes sociaux (Tribunal de commerce de Valenciennes, 7 octobre 2013, n° 2013004542).

Si le débiteur conteste l'état de cessation de paiement, une enquête préalable est ouverte. 
Le Président du Tribunal de Commerce nomme alors un enquêteur (administrateur judiciaire ou mandataire judiciaire) qui doit constituer un dossier et lui indiquer dans un bref délai (1 mois en général) si l’entreprise est ou non en état de cessation de paiements.
Si la réponse est positive, le Tribunal se saisi d’office pour l’ouverture d’une procédure collective (redressement judiciaire ou liquidation judiciaire).


III/ La condamnation pécuniaire du dirigeant

La carence du chef d'entreprise ou du représentant légal peut constituer une faute de gestion qui peut conduire à une condamnation pécuniaire. En effet, si le dirigeant, continuant une exploitation compromise et tardant à le reconnaitre, peut faire naître des dettes inutiles par sa négligence. Il engage alors sa responsabilité. 
Un arrêt de la Cour d'Appel de Grenoble en date du 20 juin 2013 illustre bien cette dangereuse conséquence.

En l'espèce, dans le cadre d'une procédure en responsabilité pour insuffisance d'actif, elle a confirmé le jugement de première instance qui avait fait droit à la condamnation pécuniaire du dirigeant poursuivi à hauteur de 150 000 € en visant la carence de réponse à la convocation à l'entretien.
"Attendu que malgré l'augmentation des pertes de 422 742 € en 2006 à 595 333 € en 2007 et la croissance des capitaux propres négatifs déjà relevée, M. X. a poursuivi l'exploitation déficitaire de la société et n'a été interrompu dans cette poursuite d'activité que par la saisine d'office du tribunal de commerce suite à l'échec de sa convocation à l'entretien avec le président de ce tribunal dans le cadre de la procédure de prévention" (Cour d'Appel de Grenoble, chambre commerciale, 20 juin 2013, n° 10/03483 : JurisData n° 2013-012887).

En conclusion, la convocation à un entretien de prévention n'est pas une simple mesure de courtoisie car la jurisprudence tend à faire un lien entre la prévention et une faute de gestion. C'est ainsi que le chef d'entreprise et le représentant légal doivent faire preuve d'une grande diligence dans leur mission de gestion, et envisager le plus tôt possible des mesures de prévention des difficultés, dans un but d'anticipation. En effet, les récentes législations en matière d'entreprise en difficulté visent à traiter ces difficultés le plus en amont possible, car il existe alors de meilleures chances de sauvegarde et de redressement de l'entreprise.

L'ordonnance du 12 mars 2014 est intervenu relativement au pouvoir d'alerte du Président du tribunal de grande instance. Elle créée l'article L.611-2-1 du Code de commerce qui dispose que :
 
"Les dispositions du I de l'article L. 611-2 sont applicables, dans les mêmes conditions, aux personnes morales de droit privé et aux personnes physiques exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante, y compris une profession libérale soumise à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé. Pour l'application du présent article, le tribunal de grande instance est compétent et son président exerce les mêmes pouvoirs que ceux conférés au président du tribunal de commerce. 

Par exception, lorsque la personne physique ou morale concernée exerce la profession d'avocat, d'administrateur judiciaire, de mandataire judiciaire ou d'officier public ou ministériel, le président du tribunal de grande instance ne procède qu'à l'information de l'ordre professionnel ou de l'autorité compétente dont elle relève, sur les difficultés portées à sa connaissance relativement à la situation économique, sociale, financière et patrimoniale du professionnel".

Je me tiens à votre disposition pour tous renseignements et contentieux.


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Joan DRAY
Avocat à la Cour
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