Le fait de dissimuler sa mise en examen à son employeur peut constituer un acte de déloyauté

Publié le 23/12/2014 Vu 4 837 fois 0
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La jurisprudence sanctionne le manquement du salarié à son obligation de loyauté envers son employeur et l'arrêt rendu par la Cour de Cassation le 29 septembre 2014 illustre bien les contours de cette notion.

La jurisprudence sanctionne le manquement du salarié à son obligation de loyauté envers son employeur et l'

Le fait de dissimuler sa mise en examen à son employeur peut constituer un acte de déloyauté

Le fait de dissimuler sa mise en examen à son employeur peut constituer un acte de déloyauté

L'article L.1232-1 du Code du travail dispose que tout licenciement personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, relevant d’éléments objectifs imputables au salarié.

Ainsi, un salarié peut être licencié pour faute simple, faute grave ou faute lourde, au terme d'une procédure disciplinaire. En revanche, le salarié ne peut pas être licencié pour une faute légère, c’est à dire, sans conséquences sérieuses sur le fonctionnement de l'entreprise.

Néanmoins, cette notion de cause n'est pas clairement définie par la loi,  c'est donc la jurisprudence qui va  rechercher, au cas par cas, les motifs et conditions justifiant la rupture individuelle du contrat de travail.

Dans cette mission, les juges peuvent notamment s’appuyer sur l'obligation de loyauté lorsque le code du travail ne prévoit aucune disposition particulière dans le cadre d'un litige

L’obligation de loyauté résulte des termes de l'article 1135 du Code civil selon lequel « les conventions obligent non seulement à ce qui y est exprimé, mais encore à toutes les suites que l'équité, l'usage ou la loi donnent à l'obligation d'après sa nature ».

Autrement dit elle découle de l’obligation d’exécuter de bonne foi le contrat de travail, elle impose au salarié à ne pas causer de tort à son employeur, par conséquent, ils doivent s'abstenir de tout acte déloyal contraire à l'intérêt de l'entreprise. C’est en somme un impératif moral et contractuel qui peut prendre plusieurs formes et dont le manquement est sévèrement réprimandé par la jurisprudence.

Un arrêt récent de la Chambre Sociale de la Cour de Cassation du 29 septembre 2014 (n° 13-13.661) permet d’apprécier l’un des principes qui découlent de l’obligation de loyauté, à savoir qu’un salarié et son employeur doivent s’échanger les informations nécessaires à la bonne exécution du contrat de travail.

En l'espèce, une salariée médecin,  a été mise en examen en octobre 2007 pour escroquerie en bande organisée sur les cartes vitales, parallèlement, son patron a été averti par le procureur de la République de la procédure en cours.

L’employeur décide alors de licencier cette salariée pour faute grave, procédure qui sera confirmée en appel aux motifs que « la mise en examen de la salariée avait été caché à l'employeur alors qu'elle était en rapport avec les fonctions professionnelles de la salariée et de nature à en affecter le bon exercice. »

Malgré le pouvoi en cassation de la salariée, la chambre sociale de la Haute-Cour va confirmer l’arrêt pris en appel aux motifs suivants «  attendu que la cour d'appel, qui n'a pas fondé sa décision sur la seule mise en examen de la salariée, laquelle bénéficiait de la présomption d'innocence, mais a retenu que ce fait avait été caché à l'employeur alors qu'il était en rapport avec les fonctions professionnelles de la salariée et de nature à en affecter le bon exercice, a ainsi caractérisé un manquement de l'intéressée à ses obligations professionnelles ;

Mais attendu que la dissimulation par le salarié d'un fait en rapport avec ses activités professionnelles et les obligations qui en résultent peut constituer un manquement à la loyauté à laquelle il est tenu envers son employeur, dès lors qu'il est de nature à avoir une incidence sur l'exercice des fonctions. »

Une des conséquences du principe de loyauté inhérente au contrat de travail est que chaque partie  le devoir d'avertir l'autre des informations utiles qu'il a intérêt à connaître pour l'exécution du contrat, il y a donc une obligation d’information réciproque entre employé et employeur.

Cependant, pour le salarié cette obligation ne signifie pas qu’il doit tout dire à son employeur.

Evidemment, l’employé a le droit de garder le silence sur sa vie privée, en effet, cette obligation d'information, comme nous l’apprend cet arrêt, doit nécessairement présenter un lien avec son activité professionnelle. De fait, il n’est pas tenu d’informer son employeur de son divorce, mariage, … par conséquent celui-ci ne peut s’appuyer sur un de ses événements d’ordre privé pour licencier son employé.

Ce principe s’applique aussi vis-à-vis des sanctions pénales infligées au salarié dans sa vie privée, principe encore confirmé par la Haute-Cour dans un arrêt de 2003 où elle a jugé que « le comportement du salarié était intervenu en dehors du travail et n'avait aucun lien avec l'activité professionnelle et que l'incarcération du salarié n'avait entraîné aucun trouble dans l'organisation et le fonctionnement de l'entreprise, (...), que ce fait tiré de la vie personnelle ne constituait pas une cause réelle et sérieuse de licenciement.» (Cass. soc., 26 févr. 2003).

Autrement dit le salarié ne peut se voir, en principe, licencier si le fait qu’on lui reproche relève de sa seule vie privé.

Cela étant, l’employeur peut légitimement licencier un salarié pour faute si celui-ci a commis une infraction pénale dans le cadre de son travail, comme par un exemple un vol de marchandise. (Cass. soc., 25 sept. 2013)

Dans cet arrêt, la Cour de cassation est devant une situation particulière car le fait que la salariée ait été mise en examen relève de sa vie privée, et ne peut être en temps normal un facteur de licenciement notamment à cause de la présomption d’innocence.

Néanmoins elle retient la tentative de  dissimulation de ce fait comme un manquement à l'obligation de loyauté pesant sur la salariée.

Pour pouvoir apprécier pourquoi cet événement, bien qu’étant d’ordre privé, a été retenu par la Cour de cassation comme étant un motif valable de licenciement, les juges se sont attachés à trois critères :

  • il doit être en rapport avec l'objet des obligations nées du contrat.
  • il doit être utile à l’employeur, il lui permet de l'éclairer dans ses décisions
  • sa révélation ne doit pas porter atteinte au secret de la vie privée du salarié

Effectivement, la mise en examen est consécutive d’une fraude portant sur les cartes vitales de la part de la salariée médecin. Dès lors, celle-ci ne relève pas uniquement de sa vie privée étant donné qu’elle a été exécutée lors de son activité professionnelle.

De plus, étant salariée dans une entreprise médicale, la chambre sociale à légitimement jugé que si son employeur avait été au courant de la fraude en cour dans son établissement, il aurait pris des initiatives pour la faire cesser afin de ne pas porter atteinte à l’image et au fonctionnement de celui-ci.

Pour conclure dès lors que le fait litigieux peut être rattaché à la vie professionnelle et qu'il est de nature à avoir une incidence sur l'exercice des activités professionnelles, l'employeur doit en être informé ; le droit au silence du salarié n’est donc pas absolu, et un manquement à son obligation d’information peut rendre son licenciement légitime.

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Joan DRAY

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