La loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques prévoit expressément que les contrats conclus entre les hôteliers et les plateformes Internet de réservation devront prendre une certaine forme et ne pourront plus contenir de clause de parité.
De nouvelles dispositions pour les contrats entre hôteliers et OTA
Une nouvelle section du code du tourisme est désormais consacrée aux « rapports entre hôteliers et plateformes de réservation en ligne » et comprend quatre nouveaux articles, comme suit :
Article L.311-5-1 : Le contrat entre un hôtelier et une personne physique ou morale exploitant une plateforme de réservation en ligne portant sur la location de chambres d'hôtel aux clients ne peut être conclu qu'au nom et pour le compte de l'hôtelier et dans le cadre écrit du contrat de mandat mentionné aux articles 1984 et suivants du code civil.
Nonobstant le premier alinéa du présent article, l'hôtelier conserve la liberté de consentir au client tout rabais ou avantage tarifaire, de quelque nature que ce soit, toute clause contraire étant réputée non écrite.
Article L.311-5-2 : Le contrat prévu à l'article L.311-5-1 fixe les conditions de rémunération du mandataire ainsi que les prix de la location des chambres et de tout autre service.
La rémunération du mandataire est déterminée librement entre l'hôtelier et la plateforme de réservation en ligne.
Article L.311-5-3 : Est puni d'une amende de 30.000 €, pouvant être portée à 150.000 € s'il s'agit d'une personne morale, le fait pour le représentant légal de la plateforme de réservation en ligne d'opérer sans contrat conclu conformément à l'article L.311-5-1.
Le non-respect de l'article L.311-5-2 est puni d'une amende de 7.500 €, pouvant être portée à 30.000 € pour une personne morale.
Les infractions précitées sont constatées par les agents mentionnés à l'article L.450-1 du code de commerce et dans les conditions prévues au même article.
Article L.311-5-4 : La présente sous-section s'applique quel que soit le lieu d'établissement de la plateforme de réservation en ligne dès lors que la location est réalisée au bénéfice d'un hôtel établi en France.
Les contrats entre hôteliers et plateformes de réservation en ligne conclus avant la publication de la loi n°2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques cessent de produire leurs effets dès l'entrée en vigueur de la même loi.
Ces dispositions sont le résultat d’une longue et laborieuse bataille de la part des hôteliers qui ont enfin été entendus par le législateur.
Petit rappel des épisodes précédents !
Les hôteliers se plaignaient de certaines pratiques imposées par des plateformes de réservation en ligne d’hôtels. Parmi ces pratiques contestées figurait l’introduction de «clauses de parité» dans les contrats.
Ces clauses de parité imposaient aux hôteliers de faire bénéficier aux OTA de tarif, de nombre de nuitées et/ou de conditions (condition de réservation, inclusion ou d’un petit-déjeuner, etc.) au moins équivalents à ceux proposés non seulement via d’autres plateformes concurrentes mais aussi à ceux proposés par le biais du propre canal de distribution de l’hôtel (que ce soit en ligne ou hors ligne).
Pourtant en pratique, les hôteliers étaient dans l’impossibilité de saisir les juridictions françaises pour qu’elles se prononcent sur la légalité de ces clauses, puisque le plus souvent, les contrats (soumis à un droit étranger) renvoyaient tout litige ou toute demande d’interprétation vers une juridiction située hors de France.
Dans un premier temps, la CEPC (Commission d’examen des pratiques commerciales) avait rendu un avis le 16 septembre 2013 dans lequel elle précisait notamment que « les clauses dites sa parité, prévoyant un alignement automatique de différentes conditions consenties à des concurrents, sont contraires à l’article L.442-6-II-d du code du commerce et sont expressément frappées de nullité par cette disposition ».
 ►   Voir l’Avis de la CEPC n°13-10:                                                                                  http://www.economie.gouv.fr/files/directions_services/cepc/avis/avis_13_10.pdf
Dans un second temps, c’est l’Autorité de la concurrence qui rendait une décision le 21 avril 2015 suite à la saisine de syndicats hôteliers à l’encontre de certains OTA. Dans sa décision, l’Autorité acceptait les engagements pris par Booking.com de supprimer les clauses de parité tarifaire et de parité de conditions que ce soit vis-à -vis des OTA concurrentes ou dans le cadre du canal « hors ligne » de l’hôtelier. Par contre, il était possible aux OTA de continuer d’exiger des hôteliers une parité tarifaire « en ligne ».
 ►   Voir la décision de l’Autorité de la concurrence n°15-D-06:                                         http://www.autoritedelaconcurrence.fr/pdf/avis/15d06.pdf
Certains OTA ont alors volontairement modifié certaines de leurs clauses…
…seulement pour l’avenir,
…sans pour autant exclure le canal « hors ligne ».
Dans un troisième temps, saisi par le Ministre de l’économie, le Tribunal de Commerce de Paris jugeait dans une décision rendue le 7 mai 2015 à propos des clauses de parité de tarifs et de conditions apparaissant dans les contrats signés entre 2006 et 2011 entre Expedia et un certain nombre d’hôteliers, que ces clauses devaient être considérées comme nulles en ce qu’elles constituaient un déséquilibre significatif selon l’article L.442-6-1-2° du code du commerce.
Le tribunal allait donc encore plus loin que l’Autorité de la concurrence.
Néanmoins, les difficultés pratiques des hôteliers en ce domaine face aux OTA (en particulier celles basées à l’étranger) n’étaient pas pour autant résolues. Il fallait donc l’intervention du législateur français.
L’apport de la loi…
Depuis la loi, les clauses dites « de parité » sont réputées non écrites.
La loi ne reprend pas la distinction opérée par l’Autorité de la concurrence selon le canal de distribution « en ligne » ou « hors ligne » de l’hôtel. L’hôtelier peut ainsi appliquer toute réduction à ses propres clients, que ceux-ci le contactent via Internet, par téléphone ou tout autre moyen.
Les nouvelles dispositions du code du tourisme s’appliquent non seulement aux nouveaux contrats conclus entre les hôteliers et les OTA mais aussi aux contrats en cours.
La loi prend également le soin de préciser que ces nouvelles dispositions auront un effet quand bien même les contrats avec les OTA seraient soumis à un droit étranger. Ces dispositions sont d’ordre public dès lors que l’hôtel est situé en France…
Les contrats conclus entre les hôteliers et les OTA doivent prendre la forme d’un contrat de mandat écrit, lequel doit fixer les conditions de rémunération de l’OTA mais aussi le prix de la location des chambres ainsi que de tout autre service annexe.
Tout manquement à ces dispositions par un OTA pourra être pénalement réprimé.
Propos conclusifs ?
Pour autant la loi ne résout pas toutes les difficultés rencontrées par les hôteliers français face à certaines OTA, même si les nouvelles dispositions ainsi adoptées sont les bienvenues.
Les hôteliers se voient toujours appliquer d’autres clauses qu’ils jugent disproportionnées ou doivent encore faire face à des utilisations contestées de leurs marques sur Internet par les OTA.
La nouvelle loi constitue néanmoins un succès pour les hôteliers mettant ainsi un terme à la parité imposée par des OTA.
V.A.