Les juges judiciaire et constitutionnel français ont eu de nombreuses occasions, depuis ces quarante dernières années, de rappeler que l'assistance d'un avocat est un droit essentiel pour toute personne mise en cause (j'y reviendrai dans un billet ultérieur).
En revanche, les missions de l'avocat, qui constituent ce pour quoi son intervention est fondamentale, sont plus rarement évoquées.
La Cour Européenne des Droits de l'Homme, dans un arrêt Dayanan contre Turquie, rendu le 13 octobre 2009, nous permet d'étudier les missions de l'avocat, éclairées par le juge européen.
Jean Gicquel, Professeur émérite de l'Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, aimait commencer son cours en affirmant, à travers une astuce que je n'ose reproduire ici, que le juriste se base avant tout sur des textes. La Cour de Strasbourg applique ce principe, et rappelle tout d'abord l'article 6§3c de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l'Homme et des Libertés Fondamentales:
« 3. Tout accusé a droit notamment à : [...]
c) se défendre lui-même ou avoir l'assistance d'un défenseur de son choix et, s'il n'a pas les moyens de rémunérer un défenseur, pouvoir être assisté gratuitement par un avocat d'office, lorsque les intérêts de la justice l'exigent »
Ensuite, la Cour énonce les missions principales de l'avocat, en tant que corollaire de l'article 6§3c de la Convention.
Ainsi, l'accusé doit « obtenir toute la vaste gamme d'interventions qui sont propres au conseil ».
L'avocat doit pouvoir discuter de l'affaire avec son Client, préparer les interrogatoires, rechercher des preuves favorables à l'accusé, et organiser sa défense. Cela suppose donc la faculté de disposer d'un temps suffisant. Aujourd'hui, par exemple, le droit français ne prévoit qu'un entretien d'une demie-heure pendant la garde-à-vue, sans accès au dossier. Il paraît difficilement concevable, dans ces conditions, de remplir ses missions. Espérons que la déclaration d'inconstitutionnalité du régime général de garde-à-vue conduira à une réforme conforme aux exigences conventionnelles.
Le conseil doit également soutenir « l'accusé en détresse ». La mission psychologique de l'avocat est ainsi expressément reconnue. La Cour souligne ainsi l'importance de la prise en considération de l'individu privé de liberté. Il paraît toutefois essentiel de ne pas limiter cette prise en considération. L'avocat joue également un rôle important dans les affaires non-pénales dont la durée dépasse la moyenne. Sa mission de soutien et d'encouragement peut être très importante pour un divorce qui dure depuis six ans, une succession qui dure depuis sept ans, ou l'expulsion d'un appartement.
Enfin, l'avocat doit contrôler les conditions de détention. Nous pouvons y voir la crainte des traitements inhumains et dégradants, ou des tortures, que la Cour avait eu à condamner, notamment dans les arrêts Tomasi contre France du 27 août 1992 et Selmouni contre France du 28 juillet 1999.
En conclusion, derrière ces missions apparaît la reconnaissance de la qualité de professionnel du droit. C'est parce qu'il a suivi une formation exigeante (j'y reviendrai dans un billet) que l'avocat peut apporter une aide précieuse. Et c'est parce que cette aide est précieuse que les juges veillent, de bon coeur, au respect de l'effectivité du droit à un avocat.