Le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 7 février 2023 est définitif les parties n’ayant pas interjeté appel.
Le salarié obtient 27 683 euros.
1) EXPOSÉ DU LITIGE
Par jugement du 27 février 2015, le conseil des prud’hommes de Paris a requalifié les contrats à durée déterminée de monsieur X en contrat à durée indéterminée.
Monsieur X occupait en dernier lieu les fonctions de chef monteur au sein de la rédaction de l’information de la SA X.
Le 5 septembre 2018, monsieur X a été victime d’un accident du travail.
Il a été placé en arrêt de travail sans discontinuité. À l’issue d’une visite reprise du 2 décembre 2019, il a été déclaré inapte à son poste avec les recommandations suivantes : “peut effectuer un travail sans pression temporelle forte”.
Licencié par lettre du 29 mai 2020, pour inaptitude et impossibilité de reclassement, monsieur X a saisi le 26 octobre 2020 le conseil de prud’hommes de Paris pour obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappels de salaire, d’indemnités de rupture et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
À l’audience de départage du 7 décembre 2022, monsieur X a formulé les demandes précédemment rappelées.
La société France Télévisions conclut au débouté de ces demandes et sollicite, à titre reconventionnel, la condamnation de monsieur X à lui payer la somme de 3.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.
2) MOTIFS DE LA DÉCISION du 27 février 2023
Le Conseil, présidé par le juge départiteur statuant seul après avis des conseillers présents, publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe,
. condamne la société France Télévisions à payer à monsieur X les sommes suivantes :
- 9. 712,92 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
- 971,29 euros bruts au titre des congés payés afférents ;
- 15. 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
. condamne la société France Télévisions à payer à monsieur X la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
. rappelle que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes, soit le 2 novembre 2020 et les créances indemnitaires à compter du jugement,
. ordonne à la société France Télévisions de remettre à monsieur X une attestation Pôle Emploi rectifiée,
. ordonne l’exécution provisoire,
. condamne la société France Télévisions aux dépens,
***
Monsieur X soutient que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement.
La société France Télévisions considère à l’inverse qu’elle a satisfait à son obligation de reclassement en proposant au salarié un emploi d’assistant de projet/études au sein de la direction des reportages et des moyens de l’information.
Il résulte de l’article L. 1226-2 du Code du travail que l’employeur doit procéder, en cas d’inaptitude du salarié à son poste, à la recherche d’un poste de reclassement prenant en compte les recommandations du médecin du travail, qu’il doit au besoin solliciter.
Le reclassement doit être recherché à partir du moment où le licenciement est envisagé et jusqu’à sa notification. Cette recherche doit être effective et active.
Il appartient à l’employeur de démontrer qu’il s’est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyen, et de rapporter la preuve de l’impossibilité de reclassement qu’il allègue.
Sur la base de l’avis du médecin du travail, la société France Télévisions a transmis au salarié une proposition de reclassement par courrier du 24 janvier 2020, préalablement soumise au médecin du travail le 7 janvier 2020, à savoir un poste d’assistant de projet/études.
Par courrier recommandé du 12 février 2020, monsieur X a informé l’employeur qu’il déclinait cette proposition de reclassement aux motifs qu’il n’était en rien comparable à l’emploi précédemment occupé, qu’il modifiait sa qualification et ne correspondait pas à ses capacités.
Concluant à une impossibilité de reclassement, la société France Télévisions a convoqué le salarié à un entretien préalable à son licenciement.
Il ne résulte pas des éléments produits que la société aurait recherché d’autre possibilité de reclassement alors même que des emplois de chefs monteurs étaient disponibles dans une autre direction que celle à laquelle appartenait monsieur X et plus spécifiquement des postes de chefs monteurs orientés vers le montage de documentaires, captations et fictions sur lesquels monsieur X avait demandé à être affecté qui ne connaissaient pas les mêmes contraintes de temps que celles de la rédaction de l’information.
En outre, la société France Télévisions n’a pas sollicité du médecin du travail des précisions afin de vérifier si ces postes étaient ou non compatibles avec les restrictions posées.
Il y a lieu de considérer que l’employeur n’a pas procédé à une recherche sérieuse de reclassement de sorte que le licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
2.1) Sur les conséquences de la rupture
Du fait de l’arrêt de travail pendant la période de référence, et au vu des bulletins de salaires, il convient de retenir comme salaire de référence, le salaire des trois derniers mois précédant cet arrêt, soit la somme de 4. 856,46 euros bruts.
Le licenciement étant dépourvu de cause réelle et sérieuse en raison du manquement de l’employeur à son obligation de reclassement consécutive à l’inaptitude, il convient de faire droit à la demande formée par monsieur X au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de condamner la société France Télévisions à lui verser à ce titre la somme de 9. 712,92 euros, outre les congés payés afférents d’un montant de 971,29 euros.
Monsieur X avait une ancienneté de 21 ans et 7 mois dans l’entreprise. Aux termes de l’accord collectif conclu au sein de la société France Télévisions le 13 juin 2013, le salaire qui doit être pris en considération pour la détermination de l’indemnité conventionnelle de licenciement est le suivant :
“Le salaire annuel de référence comprend les éléments suivants :
Salaire de base (non indexé), prime d’ancienneté, les compléments de salaire à caractère permanent (non indexées dont le supplément familial et la part variable sur objectifs de l’année n-1), hors primes exceptionnelles et éléments variables liés à l’activité le cas échéant”.
Rentrent ainsi dans l’assiette du salaire de référence, le salaire de base et la prime d’ancienneté.
En retenant la moyenne des trois derniers mois, le salaire conventionnel de référence s’élève à la somme de 3. 813,82 euros.
Les modalités de calcul n’étant pas autrement contestées, monsieur X pouvait prétendre à une indemnité d’un montant de 71. 666,03 euros. La somme de 71.668,03 lui ayant été versée, il convient de le débouter de sa demande formée au titre du reliquat d’indemnité conventionnelle de licenciement.
Au regard de son ancienneté, à la perception d’une indemnité conventionnelle de licenciement, de sa situation personnelle, de sa rémunération (salaire de 4. 856,46 euros), de ce qu’il a été contraint de faire valoir ses droits à la retraite ne pouvant bénéficier des allocations chômage, il convient de lui allouer la somme de 15. 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
2.2) Sur la demande indemnitaire pour manquement à l’obligation de prévention
Monsieur X soutient que la société France Télévisions n’a pas respecté son obligation de prévention ce qui a entraîné l'accident du travail dont il a été victime, puis son inaptitude. Il ajoute que son employeur l’aurait fait reprendre son travail sans aucune mesure pour préserver sa santé à la suite de l’accident du travail qu’il a subi et qu’il aurait été victime d’une rechute le 30 septembre 2018.
A la suite de son accident du travail, monsieur X a été placé en arrêt de travail jusqu’au 1er décembre 2018.
Le médecin conseil de la CPAM estimait qu’à cette date il était apte à reprendre une activité professionnelle.
À la suite d’une visite de pré-reprise, le médecin du travail préconisait néanmoins une prolongation de son arrêt maladie estimant qu’une reprise sur son poste “semble difficile avec le niveau de stress existant pouvant majorer fortement sa Ta”.
Il a fait l’objet d’un nouvel arrêt maladie à compter du 5 décembre 2018.
A la suite d’une visite de reprise, le médecin du travail l’a dirigé à nouveau vers son médecin traitant qui lui a prescrit un nouvel arrêt maladie à compter du 2 avril 2019.
Le 9 septembre 2019, à la suite d’une visite de reprise et après une étude de poste, le médecin du travail a déclaré monsieur X inapte à son poste.
S’agissant de son accident du travail, monsieur X n’établit pas en quoi la société France Télévisions aurait manqué à son obligation de prévention lors de la survenue de ce malaise sur son lieu de travail.
S’il est incontestable que monsieur X était soumis à une forte pression temporelle du fait de son emploi à la rédaction de l’information, ce dernier ne faisant état d’aucune alerte sur sa situation avant l’accident du travail dont il a été victime en lien avec ses conditions de travail et notamment sur une éventuelle surcharge de travail ou sur d’éventuelles difficultés rencontrées notamment au sein de ce service.
Compte tenu de ses antécédents médicaux (hypertension artérielle, tabagisme sevré) et le médecin du travail ne se prononçant pas de manière affirmative sur l’existence d’un lien de cause à effet entre les conditions de travail et les problèmes de santé à l’origine de la décision d’inaptitude, indiquant que les conditions de travail “ont vraisemblablement majoré” ses problèmes de santé, et de chronologie des faits telle que précédemment rappelées, il convient de débouter monsieur X de sa demande au titre de l’obligation de prévention prévue par les dispositions de l’article L. 4121-1 du Code du travail.
2.3) Sur les autres demandes
Il convient d’enjoindre à l’employeur de remettre à monsieur X une attestation Pôle Emploi conforme au présent jugement sans qu’il y ait lieu d’assortir cette injonction d’une astreinte.
Il est rappelé que les créances salariales portent intérêts au taux légal à compter de la date de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation du conseil de prud’hommes et les créances indemnitaires à compter du jugement.
La société France Télévisions, qui succombe, supportera les dépens de la présente instance et sera déboutée de sa demande au titre des dispositions des articles 700 du Code de procédure civile.
Elle sera en revanche condamnée à payer à monsieur X une somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
L’ancienneté du litige ainsi que sa nature justifient d’ordonner l’exécution provisoire de la décision sur le fondement de l’article 515 du Code de procédure civile.
Frédéric CHHUM avocat et ancien membre du conseil de l’ordre des avocats de Paris (mandat 2019-2021)
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