La réforme du droit des contrats a été formalisée par la publication d'une ordonnance du 10 février 2016. Les dispositions entreront en vigueur le 1er octobre 2016.
Conformément aux règles d’application de la loi dans le temps, les contrats conclus avant cette date demeurent soumis à la loi ancienne.
Cependant, les dispositions transitoires prévoient que les actions interrogatoires prévues par les articles 1123, 1158 et 1183 sont applicables dès l’entrée en vigueur de l’ordonnance.
Le rapport explique ce choix par le fait qu’il s’agit « de dispositifs d’ordre procédural destinés à permettre à une partie de mettre fin à une situation d’incertitude, qui ne portent nullement atteinte aux contrats en cours et dont l’emploi est à la discrétion des intéressés ».
L'ordonnance modernise le droit civil à travers certaines innovations. .
I. LA CLARIFICATION DE LA JURISPRUDENCE
A première vue, la marque de ce texte n’est pas le changement mais plutôt la clarification du droit écrit.
Il codifie la jurisprudence en grande partie, faisant apparaître dans le marbre de la loi ce que seuls les habitués des recueils de jurisprudence pouvaient connaître. Ainsi, il rend les règles de notre droit des contrats plus accessibles.
A. Le devoir d’information (art. 1112-1 s.), le régime des restitutions (art. 1352 s.) font véritablement leur entrée dans le code civil, ainsi que la distinction traditionnelle entre nullité relative « lorsque la règle violée a pour seul objet la sauvegarde d’un intérêt privé » et absolue « lorsque la règle violée a pour objet la sauvegarde de l’intérêt général » (art. 1179), la caducité (art. 1186 s.) ou la prohibition des engagements perpétuels (art. 1210 s.).
Sont également consacrées les notions de bonne foi à tous les stades de la vie du contrat, d'exception d'inexécution et de promesse unilatérale de vente.
B. Dans un souci de clarification, on notera en particulier les dispositions sur l’inexécution du contrat qui succèdent à un traitement assez épars dans les dispositions actuelles, entre obligations de faire, de donner…
Désormais, les articles 1217 et suivants énumèrent cinq possibilités pour la partie au détriment de laquelle une obligation n’a pas été exécutée, ensuite détaillées dans plusieurs sous-sections :
- refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation (art. 1220) ;
- poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation (art. 1222) ;
- solliciter une réduction du prix (art. 1223) ;
- provoquer la résolution du contrat (art. 1224 s.) ;
- demander réparation des conséquences de l’inexécution (art. 1231 s.).
Il est immédiatement précisé que les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées et que des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter.
C. En ce qui concerne la jurisprudence, le rapport parle littéralement de « codification à droit constant de la jurisprudence, reprenant des solutions bien ancrées dans le paysage juridique français bien que non écrites » (l’offre et l’acceptation, sous réserve de certains choix, le pacte de préférence et la promesse unilatérale, la réticence dolosive, l’enrichissement injustifié, la violence économique, etc.).
L’article 1170 codifie la jurisprudence Chronopost et l’article 1363 précise que « nul ne peut se constituer de titre à soi-même ».
II. LES MODIFICATIONS DU DROIT DES CONTRATS
Ceci étant précisé, ce texte contient aussi des modifications importantes. Et notamment un changement en profondeur sur deux éléments fondamentaux.
Des dispositions ont disparu, dès la définition du contrat, « accord de volontés entre deux ou plusieurs personnes destiné à créer, modifier, transmettre ou éteindre des obligations », sans référence à l’énumération classique des obligations de donner, faire ou ne pas faire (art. 1101 C. civ.).
Cependant, le texte s’ouvre par trois articles (C. civ., art. 1100 à 1100-2) dressant une typologie des différentes sources d’obligations (loi, faits juridiques, actes juridiques, en reconnaissant au passage l’acte unilatéral et même le « devoir de conscience envers autrui »).
A. Pour le plan, on relève trois titres : les sources d’obligations (le contrat, la responsabilité extracontractuelle, les autres sources d’obligation) puis le régime général des obligations et enfin la preuve des obligations.
Ainsi, les règles de preuve, qui figuraient précédemment dans le titre consacré aux contrats et obligations conventionnelles, se voient désormais hissées au niveau de règles de preuve de toutes les obligations dans le plan même du code, solution d’ailleurs dégagée depuis longtemps par les juges.
La lisibilité du plan passe par exemple, pour le sous-titre consacré au contrat, par une organisation chronologique, de la négociation à l’inexécution.
B. Ont été introduites dans le code des notions soit théoriques, pour leur portée pratique, soit issues du monde des affaires ou de la jurisprudence.
D’autres notions éparses dans le code ont été clarifiées, comme la cession de créance ou la représentation (art. 1153 s.), l’inexécution du contrat (art. 1217), le paiement (art. 1342).
Le contrat se voit désormais doté de dispositions liminaires, avec l’insertion des principes de la liberté contractuelle, de la force obligatoire du contrat et de la bonne foi.
Ces deux derniers principes reprennent en substance l’article 1134 du code civil actuel mais avec la considérable différence qu’ils valent désormais pour toute la vie du contrat et non seulement pour son exécution.
C. Il prévoit la consécration de la possibilité pour le juge de supprimer toute clause qui lui paraîtra créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties.
Ce texte dénote une conception de la justice contractuelle qui exprime une défiance générale en la capacité des individus à décider pour eux-mêmes:
- Soit on considère qu’un contrat librement et lucidement débattu exprime un équilibre que les tiers doivent respecter car les parties sont les mieux à même de juger ce qui est bon pour elles.
- Soit on estime que les parties ne sont pas les mieux placées pour le faire, et que, quand bien même leur consentement serait lucide et libre, c’est l’avis d’un tiers qui doit s’imposer quant à ce qu’aurait dû être le juste équilibre de leur accord.
D. L'autre point extrêmement important est la possibilité pour le juge de refuser l’exécution forcée quand le coût de l’exécution est manifestement déraisonnable.
Jusqu’à présent, on pouvait toujours obtenir, sous réserve du possible évidemment, une exécution forcée en nature ou au moins le prononcé d’une astreinte à l’encontre du débiteur défaillant.
La notion de « coût manifestement déraisonnable » n’est pas spécialement restreinte : s’appréciera-t-elle par rapport à l’intérêt de l’exécution pour le créancier ou par rapport aux facultés du débiteur ?
Quoi qu’il en soit, la force obligatoire du contrat s’en trouvera tempérée d’une manière intéressante, qui nous rapprochera du droit anglais.
Dans un nombre potentiellement significatif de cas, une partie pourra refuser d’exécuter et se trouver seulement débitrice de dommages et intérêts sans que l’on puisse la forcer à exécution.
C’est novateur et symbolique d’une évolution profonde du droit français et, à nouveau, de la soumission de la force obligatoire du contrat à une modération judiciaire.
L’accueil de la théorie de l’imprévision va dans le même sens en ce qu’il autorise le juge à mettre fin au contrat dont l’exécution est devenue excessivement onéreuse pour le débiteur à raison d’un changement imprévisible des circonstances.
E. La disparition de la cause parmi les conditions de validité du contrat est aussi une modification importante.
Cependant, si la notion disparaît ses fonctions demeurent, relayées par des institutions nouvelles.
A ce sujet, on relèvera un paradoxe :
- cette suppression paraît justifiée notamment par l’usage tous azimuts et relativement imprévisible, qui peut être fait de la cause en droit français.
- Mais dans le même temps, sont pris des textes qui autorisent une intervention du juge, destructrice des prévisions des contractants sur des motifs qui ne sont pas davantage prévisibles.
Si l’on abandonne la cause pour multiplier les possibilités d’attenter à la force obligatoire des contrats et pour finalement aggraver le sentiment d’insécurité, l’échange est-il bon ?
F. Un autre changement manifeste également cette faculté pour le juge d’intervenir dans le contrat.
Il s’agit de la possibilité qui lui est offerte, dans tous les contrats prévoyant une faculté de fixation unilatérale du prix, de réviser ce prix.
C’est une innovation dans la mesure où la jurisprudence jusqu’ici admettait seulement que l’on puisse sortir d’un contrat dans lequel l’une des parties abusait de son droit de fixer unilatéralement le prix ou obtenir d’elle des dommages et intérêts. Ici le contrat pourra, en théorie du moins, se poursuivre au prix fixé par le juge.
G.A également été créé un autre vice du dénommé abus de faiblesse.
Cette idée repose sur le refus de laisser une partie exploiter excessivement le besoin dans lequel autrui se trouve de contracter. L'idée est plutôt bonne et reprend la notion de consentement éclairé.
Cependant, il ne faudrait pas que ce changement se paye par une imprévisibilité du seuil dont le franchissement caractérise l’excès.
En l’état, la prévisibilité est - pour le dire gentiment - améliorable. Il conviendrait, soit de restreindre le champ d’application du texte, soit de trouver un critère permettant de savoir quand il y a abus de l’état de nécessité ou de dépendance ce qui n'est pas prévu par le texte. La jurisprudence aura donc matière à discuter...