1. En cette matière où les sentiments et la pudeur doivent être dépassés pour présenter au Juge des tutelles une situation familiale bien souvent douloureuse, ou au contraire s’opposer à une démarche ressentie à tort ou à raison comme une atteinte à sa dignité et une volonté de captation de son patrimoine, il est précieux que les parties en présence – le majeur concerné, d’une part, les membres de sa famille, d’autre part – puissent s’appuyer sur un avocat, dont la présence garantit l’effectivité des droits de la défense en permettant une articulation juridique étayée et un échange dépassionné, respectueux, utile.
Et ce d’autant plus que l’avocat de la personne visée par la procédure dispose en la matière de prérogatives renforcées.
2. Le Code civil (art. 432) rappelle que le majeur concerné par la procédure peut être accompagné par un avocat lors de son audition devant le Juge des tutelles : l’audition étant un acte procédural déterminant, qui va permettre au Juge de se forger une conviction au-delà du rapport médical du médecin expert, il importe, non seulement que cette audition ait lieu, mais aussi que le majeur concerné y soit assisté d’un avocat.
Une audition se prépare : j’ai pour habitude de préparer mes Clients, afin de dissiper l’appréhension d’un rendez-vous judiciaire au cours duquel l’émotion intense provoquée par le fait de parler de soi, de ses proches, ou d’y être confronté, sous le regard d’un magistrat et d’une greffière, peut conduire à entraver le verbe, à paralyser l’expression, ce dont le Juge pourrait tirer toutes conséquences dommageables.
Si une audition se prépare, une audition se réclame : il n’est pas rare qu’un certificat médical d’un médecin-expert conclue hâtivement à la dispense d’audition du majeur concerné, alors même que celui-ci, qui s’était fermé lors de l’irruption du médecin-expert à son domicile ou dans sa chambre d’hôpital, ou dont l’état de santé ne se prêtait pas, lors de l’examen, à une audition, pourrait quelques semaines plus tard être auditionné sans difficulté. Il revient alors à l’avocat de solliciter au plus tôt une audition, afin de démontrer au Juge le niveau de lucidité de son Client. Cette démarche peut aboutir à un non lieu à mesure de protection, voire à un simple placement sous curatelle (lorsqu’une altération des facultés est toujours présente et constatée), alors même que la dispense d’audition, préconisée par le médecin-expert, aurait conduit le Juge à privilégier une tutelle.
3. Au cours de la procédure, le majeur concerné peut saisir un avocat de son choix à tout moment. S’il n’en connaît pas, ou s’il n’a pas pris attache spontanément avec un avocat (internet permettant aujourd’hui de contacter facilement un avocat intervenant en la matière), il peut demander au juge des tutelles la désignation d’un avocat commis d’office, cette désignation intervenant sous huitaine.
Un avocat commis d’office n’est pas un avocat gratuit mais un avocat mis à disposition, de sorte que des honoraires librement fixés avec cet avocat seront dus à ce dernier, sauf si la personne concernée ne dispose pas de ressources suffisantes : l’avocat commis d’office interviendra alors au titre de l’aide juridictionnelle. Pour l’année 2012, si les ressources du justiciable sont inférieures à 929 euros par mois, ce dernier n’aura rien à débourser, la rétribution de l’avocat commis d’office étant intégralement prise en charge par l’État.
4. L’objet du procès devant le Juge des tutelles touchant à l’état des personnes (leur état-civil, leur capacité civile), je conseille fortement aux majeurs concernés d’être assistés par un avocat, tant l’enjeu d’un tel procès est important, et tant il est malaisé de se défendre devant un juge à la première personne (« je »), de surcroît contre des membres de sa famille (un enfant, un frère) a fortiori lorsque ces derniers sont eux-mêmes assistés par un avocat, qui relaie avec énergie leurs demandes de placement sous curatelle ou tutelle.
5. Il est d’autant plus important au majeur visé par la procédure d’être défendu que les prérogatives de l’avocat sont substantielles : au-delà de l’élaboration d’une stratégie de défense, et de la possibilité de demander au Juge des tutelles des actes (telle une contre-expertise médicale ou une demande d’audition d’un tiers), l’avocat peut obtenir une copie intégrale du dossier (a), est entendu en ses observations orales (b), et participe, en cas de placement sous curatelle ou tutelle, aux opérations d’inventaire (c).
a) Obtention d’une copie intégrale du dossier
6. C’est un point essentiel
Si l’avocat du Requérant et de tout autre membre de la famille du majeur visé par la procédure, dispose d’un accès complet au dossier du greffe (art. 1222 C.P.C.), l’avocat du majeur, non seulement peut consulter librement le dossier, mais surtout peut s’en faire obtenir une copie intégrale (art. 223 C.P.C.) – ce qui est fondamental pour étudier le dossier sereinement, sans avoir à prendre des notes fastidieuses.
Seul l’avocat du majeur concerné par la procédure peut donc obtenir une copie intégrale du dossier, à l’exclusion de son Client, et des avocats des autres Parties.
Ainsi, le majeur protégé n’ayant pas d’avocat dispose seulement d’un droit d’accès au dossier (et non du droit d’en obtenir copie), et encore, d’un droit d’accès limité, puisque le Juge des tutelles peut, par ordonnance motivée (susceptible d’appel), donner consigne au greffe de ne pas permettre l’accès du majeur à tout ou partie des pièces de son dossier, si le Juge estime que la consultation par le majeur desdites pièces pourrait lui causer un « préjudice psychique grave » (art. 1222-1 al. 2 C.P.C.). En pareil cas, l’ordonnance du juge pourra faire l’objet d’un recours, au nom des droits de la défense, qui commandent une parfaite connaissance des éléments à charge. La Cour d’appel arbitrera alors entre le nécessaire respect des droits de la défense, et la préservation de l’équilibre psychique de la personne concernée.
Le majeur concerné par la procédure a donc tout intérêt à être assisté d’un avocat, qui pourra recevoir une copie intégrale des pièces du dossier, comprenant les pièces médicales de son Client – à charge pour l’avocat de ne pas s’en dessaisir envers quiconque.
b) L’avocat du majeur visé par la procédure est entendu en ses observations orales
7. Lors de l’audience devant le Juge des tutelles, le requérant (le plus souvent, le parent au sens large à l’initiative de la procédure) s’exprime en premier ; le majeur protégé s’exprime ensuite ; si le Procureur de la République est présent, ce qui est rarement le cas, il donne son avis (art. 1226 C.P.C.). De sorte que la présence d’un avocat aux côtés du majeur protégé permet à sa défense d’être relayée et argumentée à l’oral (en sus des observations écrites que l’avocat peut remettre au Juge) après que les autres Parties se seront exprimées : la plaidoirie de l’avocat constituera donc pour le Juge des tutelles la dernière impression d’audience, ce qui n’est pas anodin.
c) Enfin, l’avocat est habilité à participer à l’inventaire des biens de son Client, effectué par un commissaire-priseur
8. En cas de placement sous tutelle, le tuteur a l’obligation de faire procéder à un inventaire des biens du majeur protégé (art. 503 c.c.) : le fait pour le majeur protégé d’être assisté de son avocat lors dudit inventaire contribue à un déroulement serein de ces opérations (art. 1253 C.P.C.), la venue de professionnels du chiffre et d’un tuteur professionnel au sein du domicile du majeur protégé étant bien souvent vécue difficilement.
Notre conseil : devant le Juge des tutelles, il est fortement recommandé au justiciable d’être assisté par un avocat versé en droit des curatelles et tutelles, garant du respect du contradictoire et de l’exercice effectif des droits de la défense : ne pas être assisté, voilà le danger.
Valéry MONTOURCY
Avocat au Barreau de Paris
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