Le principe du droit à la vie privée s’applique indéniablement à la vie professionnelle.
Toutefois, ce droit consacré par l’article 9 du Code Civil ainsi que par l’article 8 de la CEDH, trouve ses limites dans le cadre de la relation de travail.
Si le salarié bénéficie de ce droit sur le lieu et à l’occasion de l’exercice de son travail, son employeur a la possibilité de lui opposer certaines restrictions.
C’est notamment le cas lorsqu’un dispositif de vidéosurveillance ou de géolocalisation est mis en place au sein de l’entreprise.
Ceci vaut également pour la consultation d’un ordinateur mis à la disposition du salarié, sous certaines conditions.
Juridiquement, le salarié est subordonné à son employeur qui dispose d’un pouvoir de direction et de contrôle. A ce titre, l’employeur surveille l’activité des salariés et, le cas échéant, sanctionne les comportements fautifs.
Le contrôle de l’activité des salariés peut s’opérer par la mise en place de surveillances humaines ou de dispositifs techniques.
LA SURVEILLANCE TECHNIQUE DES SALARIÉS
Avant toute mise en place d’un dispositif de vidéosurveillance ou de géolocalisation, l’employeur doit en informer préalablement et individuellement chaque salarié ainsi que le comité d’entreprise.
Depuis le 25 mai 2018, les systèmes de vidéosurveillance qui filment un lieu fermé au public (entrepôts, zones réservées au personnel, salle des coffres) et permettent l'enregistrement et la conservation des images, ne sont plus déclarés à la CNIL.
L’installation d’un dispositif de surveillance doit revêtir un intérêt légitime comme la protection des biens et des personnes de l’entreprise ou la sécurité de certaines zones sensibles.
En aucun cas, ce dispositif ne doit avoir pour finalité, la surveillance des salariés. C’est le principe de loyauté.
Ce dispositif peut être utilisé par l’employeur, comme mode de preuve, si un salarié commet une faute alors même que le dispositif de surveillance n’avait pas pour finalité le contrôle des salariés. (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 7 novembre 2018, 16-26.126)
Très récemment, la Cour européenne des droits de l’homme, réunie en Grande Chambre, a admis qu’il n’y avait pas eu violation de l’article 8 de la CEDH (CEDH, 17 octobre 2019, affaires López Ribalda et autres c. Espagne – 1874/13 et 8567/13), alors même que l’employeur avait dissimulé des caméras pour surveiller les caissières d’un supermarché soupçonnées de vol, sans en avoir informé les salariées au préalable.
La Cour a justifié sa décision en relevant qu’il existait « des soupçons raisonnables que des irrégularités graves avaient été commises », et que le dispositif de surveillance installé par l’employeur était conciliable avec le droit au respect de la vie privée, sans y apporter d’atteinte excessive.
La Haute Cour Européenne a donc validé cette décision en retenant que la mise en place d’un tel dispositif était nécessaire, proportionnel et en adéquation avec le but recherché, à savoir la protection des intérêts de l’employeur.
Cette décision est intéressante, car elle suppose une application au droit français et à une évolution de la jurisprudence en matière de surveillance des salariés.
LA SURVEILLANCE PHYSIQUE DES SALARIÉS
A l’instar des dispositifs techniques, la surveillance humaine des salariés requiert une information préalable du personnel et une consultation du Comité d’entreprise.
En ce sens, la Cour de Cassation a rendu un arrêt en date du 23 novembre 2005, en cassant un arrêt de la Cour d’Appel d’Aix en Provence qui avait validé la surveillance d’une salariée par un détective privé en l’absence de toute information préalable.
L’employeur ne peut mandater un détective privé qu’à la condition d’avoir informé les salariés et le comité d’entreprise, de la possibilité de recourir à ce type de surveillance.
A contrario, un employeur qui soupçonne que l’auteur des vols dans son entreprise est d’origine externe, peut solliciter un détective privé pour effectuer des surveillances. Si l’enquête révèle que ces vols sont commis par un salarié de l’entreprise, celui-ci ne pourra pas lui opposer l’absence d’information préalable du dispositif de surveillance.
Si l’origine des vols est interne, l’employeur ne peut mandater un détective privé qu’à la condition d’avoir informé les salariés et le comité d’entreprise, de la possibilité de recourir à ce type de surveillance.
La prudence s’impose alors à l’employeur tenté de faire appel à un détective privé.
Le professionnel de l’enquête peut réaliser les investigations seulement si les intérêts de l’employeur justifient une telle mesure. Le détective privé agit dans le strict respect du droit à la vie privée du salarié. Ce qui induit qu’aucune surveillance ne peut être réalisée au départ et au retour du domicile de celui-ci.
C’est donc le principe de loyauté, de proportionnalité et de nécessité qui prévaut dans ce mode de surveillance.
Jusqu’à présent, il était de règle qu’une telle surveillance impliquait nécessairement une atteinte à la vie privée du salarié, insusceptible d'être justifiée, eu égard à son caractère disproportionné, par les intérêts légitimes de l'employeur.
Si on se réfère à la décision de la CEDH du 17 octobre 2019, qui a admis l’utilisation d’un système de vidéosurveillance sans information préalable, pour rapporter la preuve de la faute du salarié, on peut supposer qu’une surveillance réalisée par un détective privé pourrait être recevable s’il existe des soupçons raisonnables d’irrégularités graves commises par un salarié et que la surveillance mise en place soit conciliable avec le droit au respect de la vie privée, sans y apporter d’atteinte excessive.
Cette décision de la CEDH, pourrait tempérer le principe posé par la chambre sociale de la Cour de cassation, selon lequel, les preuves produites résultant d'une surveillance et d’une filature doivent être écartées des débats.
Dans l’idéal, l’employeur soucieux de la bonne marche de son entreprise, a la possibilité de recourir aux services d’un détective privé pour mettre en évidence la faute d’un salarié avant de solliciter l’intervention d’un huissier de justice qui constatera ladite faute.
Si l’huissier de justice n’a pas vocation à procéder à des enquêtes, surveillances et filatures, il peut néanmoins dresser un constat.
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 10 octobre 2007, a débouté un salarié en relevant que le constat d'huissier ne constitue pas un procédé clandestin de surveillance nécessitant l'information préalable du salarié.
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Les instances prud’homales sont particulièrement attentives à la protection du salarié même lorsque ce dernier commet une faute à l’occasion de l’exécution du contrat de travail. Ces juridictions disposent d’un large pouvoir souverain d’appréciation quant à la recevabilité des preuves qui lui sont exposées.
L’employeur, qui reste maître de l’opportunité d’engager une procédure disciplinaire contre un salarié, doit s’attacher à prouver la faute tout en respectant certaines règles.
La preuve d’un comportement fautif peut être rapportée par un détective privé dès lors qu’elle ne porte pas atteinte à la vie privée du salarié.
En complément de l’enquête effectuée par le détective, il est judicieux de faire établir un constat par un huissier de justice.
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