Afin de poursuivre notre analyse des Ordonnances du 22 septembre 2017, nous vous proposons cette fois de nous intéresser aux Institutions Représentatives du Personnel (IRP).
A peine plus de deux ans après l’entrée en vigueur de la loi Rebsamen qui avait créé la « nouvelle Délégation Unique du Personnel », les règles sont de nouveau modifiées par l’Ordonnance n°2017-1386 du 22 septembre 2017 relative à la nouvelle organisation du dialogue social et économique dans l’entreprise et favorisant l’exercice et la valorisation des responsabilités syndicales.
Quelles sont les nouvelles règles applicables aux IRP et comment devront-elles être appliquées ?
Voici quelques réponses non exhaustives dans cette première partie qui concerne la mise en place du Comité Social et Economique (CSE).
1.La fusion des IRP : le Comité Social et Economique
Le Comité d’Entreprise (CE) cède sa place au CSE. Celui-ci remplace les IRP élues (DP, CE, CHSCT, DUP ancienne et nouvelle formule et instances regroupées issues de la loi Rebsamen). Les Délégués Syndicaux (DS) sont maintenus.
Le Comité de Groupe, le Comité d’Entreprise Européen et le Comité de la Société Européenne ne sont pas concernés par la réforme.
1.1.La mise en place du CSE
Le CSE est mis en place dans les mêmes entreprises que les DP et le CE selon les dispositions antérieures (respectivement au moins 11 et 50 salariés). Le CSE aura attributions différentes selon la taille de l’entreprise (cf. supra).
Quelques différences néanmoins sont à noter en comparaison avec les dispositions antérieures.
- Le CSE peut être mis en place à différents niveaux (Article L2313-1 du Code du travail) :
- L’entreprise, lorsqu’elle ne comporte qu’un seul établissement.
- Les établissements distincts.
Dans les entreprises comportant au moins deux établissements distincts, des CSE d’établissements et un CSE central d’entreprise sont constitués.
Le nombre et le périmètre des établissements distincts sont désormais déterminés par accord collectif d’entreprise (et non plus par le protocole d’accord préélectoral) ou, à défaut, par un accord entre l’employeur et le CSE ou, à défaut, par l’employeur qui tient compte de l’autonomie de gestion du responsable d’établissement, notamment en matière de gestion du personnel (nouveau critère). En cas de litige, c’est l’autorité administrative qui doit trancher.
Auparavant, c’est la jurisprudence qui avait précisé la notion d’« établissement distinct ».
Selon la Cour de cassation, l’établissement distinct permettant l’élection de DP se caractérisait par le regroupement d’au moins 11 salariés constituant une communauté de travail ayant des intérêts propres, susceptibles de générer des réclamations communes et spécifiques et travaillant sous la direction d’un représentant de l’employeur. Peu importait que celui-ci ait le pouvoir de se prononcer sur ces réclamations.
Selon le Conseil d’Etat, les critères suivants devaient être réunis pour l’élection du CE : stabilité dans le temps, autonomie de gestion suffisante et implantation géographique distincte.
Il semble que le critère retenu par les nouvelles dispositions (autonomie de gestion du personnel) soit plus restrictif que les critères exposés ci-dessus.
La perte de la qualité d’établissement distinct selon les mêmes modalités entraîne la cessation des fonctions du CSE sauf accord collectif d’entreprise ou à défaut accord entre l’employeur et le CSE permettant l’achèvement des mandats.
- L’Unité Economique et Sociale (UES), lorsqu’elle a un effectif d’au moins 11 salariés et qu’elle est reconnue par accord d’entreprise ou décision de justice.
Le régime est le même que pour la constitution du CSE dans une entreprise avec établissements multiples (Article L2313-8 du Code du travail)
- Entre plusieurs entreprises, par accord entre plusieurs employeurs et syndicats représentatifs au niveau interprofessionnel ou au niveau départemental. Un tel CSE peut être mis en place lorsque la nature et l’importance de problèmes communs aux entreprises d’un même site ou d’une même zone le justifient.
Les représentants de proximité
Les DP disparaissent mais il est possible de désigner des représentants de proximité. L’idée est intéressante dès lors que le CHSCT est intégré au CSE, ce qui fait perdre à l’entreprise une compétence particulière des élus en matière d’hygiène et de sécurité.
Les représentants de proximité sont des membres du CSE ou désignés par lui pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du CSE.
La mise en place de ces représentants relève de l’accord d’entreprise (et donc nécessite que l’entreprise soit en mesure de conclure un accord collectif). Il peut néanmoins s’agir d’un levier de négociation intéressant pour les employeurs qui souhaiteraient engager d’autres négociations en parallèle.
L’accord devra définir le nombre de représentants, leurs attributions, les modalités de leur désignation, leurs moyens de fonctionnement. (Article L2313-7 du Code du travail).
- Le seuil d’effectif requis pour la mise en place du CSE est modifié : le seuil de 11 et de 50 salariés est apprécié sur une période de 12 mois consécutifs (contre 12 mois consécutifs sur une période de 3 ans auparavant). (L.2311-2 du Code du travail)
- Les conséquences des variations d’effectif
Les attributions du CSE diffèrent selon qu’il est mis en place dans une entreprise de 11 ou de 50 salariés. Schématiquement, le CSE exercera les attributions des anciens DP dans la première tandis qu’il exercera les attributions de l’ancien CE dans la seconde.
- Passage d’un CSE à attributions réduites à un CSE à attributions étendues :
Si l’entreprise dans laquelle est mise en place un CSE voit son effectif atteindre au moins 50 salariés pendant 12 mois consécutifs : le CSE prendra les attributions étendues à l’expiration d’un délai de 12 mois suivant l’atteinte de ce seuil. Attention : si ce seuil a été atteint moins d’un an avant le renouvellement de l’institution, le délai de 12 mois court à compter du renouvellement. (Article L2312-2 du Code du travail)
- Le cas de la baisse d’effectifs :
Lorsque l’effectif de 50 salariés n’a pas été atteint pendant les 12 mois précédant le renouvellement de l’instance, les attributions du CSE sont réduites à celles du CSE des entreprises de moins de 50 salariés.
A l’expiration du mandat des membres de la délégation du personnel du CSE, l’instance n’est pas renouvelée si l’effectif de l’entreprise est resté en dessous de 11 salariés pendant au moins 12 mois consécutifs (Article L2313-10 du Code du travail).
1.2.La composition du CSE
Le CSE comprend l’employeur et une délégation du personnel.
- Présidence : l’employeur préside toujours le CSE, assisté éventuellement de 3 collaborateurs ayant voix consultative (au lieu de 2 jusqu’à présent – Article L.2315-23 du Code du travail).
Les autres règles relatives au président du CSE ne changent pas (représentation possible de l’employeur).
- Nombre de membres de la délégation du personnel et nombre d’heures de délégation
A date, selon le texte du projet de décret transmis aux partenaires sociaux le 20 octobre 2017, le nombre de membres du CSE et le nombre d’heures de délégation associé serait fixé comme suit (à défaut d’accord différent dans le protocole d’accord préélectoral selon des conditions prévues supra) :
COMPOSITION DU CSE ET CRÉDITS D'HEURES |
|||
Effectif (nombre de salariés) (1) |
Nombre de titulaires |
Nombre mensuel d'heures de délégation (2) |
Total heures de délégation |
11 à 24 |
1 |
10 |
10 |
25 à 49 |
2 |
10 |
20 |
50 à 74 |
4 |
18 |
72 |
75 à 99 |
5 |
19 |
95 |
100 à 124 |
6 |
21 |
126 |
125 à 149 |
7 |
21 |
147 |
150 à 174 |
8 |
21 |
168 |
175 à 199 |
9 |
21 |
189 |
200 à 249 |
10 |
22 |
220 |
250 à 299 |
11 |
22 |
242 |
300 à 399 |
11 |
22 |
242 |
400 à 499 |
12 |
22 |
264 |
500 à 599 |
13 |
24 |
312 |
600 à 699 |
14 |
24 |
336 |
700 à 799 |
14 |
24 |
336 |
800 à 899 |
15 |
24 |
360 |
900 à 999 |
16 |
24 |
384 |
1000 à 1249 |
17 |
24 |
408 |
1250 à 1499 |
18 |
24 |
432 |
1500 à 1749 |
20 |
26 |
520 |
1750 à 1999 |
21 |
26 |
546 |
2000 à 2249 |
22 |
26 |
572 |
2250 à 2499 |
23 |
26 |
598 |
2500 à 2749 |
24 |
26 |
624 |
2750 à 2999 |
24 |
26 |
624 |
3000 à 3249 |
25 |
26 |
650 |
3250 à 3499 |
25 |
26 |
650 |
3500 à 3749 |
26 |
27 |
702 |
3750 à 3999 |
26 |
27 |
702 |
4000 à 4249 |
26 |
28 |
728 |
4250 à 4299 |
27 |
28 |
756 |
4500 à 4749 |
27 |
28 |
756 |
4570 à 4999 |
28 |
28 |
784 |
5000 à 5249 |
29 |
29 |
841 |
5250 à 5499 |
29 |
29 |
841 |
5500 à 5749 |
29 |
29 |
841 |
5750 à 5999 |
30 |
29 |
870 |
6000 à 6249 |
31 |
29 |
899 |
6250 à 6499 |
31 |
29 |
899 |
6500 à 6749 |
31 |
29 |
899 |
6750 à 6999 |
31 |
30 |
930 |
7000 à 7249 |
32 |
30 |
960 |
7250 à 7499 |
32 |
30 |
992 (3) |
7500 à 7749 |
32 |
30 |
960 |
7750 à 7999 |
32 |
32 |
1024 |
8000 à 8249 |
32 |
32 |
1024 |
8250 à 8499 |
33 |
32 |
1056 |
8500 à 8749 |
33 |
32 |
1056 |
8750 à 8999 |
33 |
32 |
1056 |
9000 à 9249 |
34 |
32 |
1088 |
9250 à 9499 |
34 |
32 |
1088 |
9500 à 9749 |
34 |
32 |
1088 |
9750 à 9999 |
34 |
34 |
1156 |
10000 |
35 |
34 |
1190 |
(1) Les effectifs s’apprécient dans le cadre de l’entreprise ou dans le cadre de chaque établissement distinct. (2) Le nombre d’heures pourrait être augmenté en cas de circonstances exceptionnelles. (3) Le projet de décret mentionne par erreur un total de 992 heures de délégation au lieu de 960 heures. |
Une limite est prévue pour le CSE central dont le nombre de titulaires et de suppléants ne pourra dépasser 25.
- Un représentant syndical peut y être désigné.
Les règles relatives à l’ancien CE ont été transposée par l’Ordonnance :
Dans les entreprises de moins de 300 salariés et dans les établissements appartenant à ces entreprises : le délégué syndical est de droit représentant syndical au CSE (Article L2143-22 du Code du travail) ;
Dans les entreprises de 300 salariés et plus, les organisations syndicales représentatives peuvent désigner un représentant syndical au CSE parmi les membres du personnel de l’entreprise éligible au CSE (Article L2314-2 du Code du travail).
NOTA BENE : la mise en place au sein du CSE de certaines commissions thématiques est par ailleurs obligatoire dans les entreprises de 300 salariés.
1.3.Limitation du nombre de mandats
- La durée du mandat ne change pas : les mandats sont toujours prévus pour une durée de 4 ans sauf accord collectif de branche, de groupe ou d’entreprise fixant une durée entre 2 et 4 ans. (Article L2314-34 du Code du travail)
- En revanche, les possibilités de renouvellement sont limitées : le nombre de mandats successifs est désormais limité à 3, sauf si le protocole d’accord préélectoral en dispose autrement ou pour les entreprises de moins de 50 salariés. (Article L2314-33 du Code du travail)
Une telle règle doit vouloir dire qu’il serait possible d’exercer 3 mandats successifs au CSE puis, après une absence de mandat pendant un cycle électoral, d’en exercer de nouveau 3 successifs.
Ces dispositions ne concernent que les représentants élus, les délégués syndicaux pouvant exercer des mandats de manière illimitée.
Le projet de décret prévoit que ce dispositif de limitation du nombre de mandats successifs ne s’appliquera qu’aux mandats prenant effet postérieurement au 1er janvier 2018.
1.4.Peu de changements concernant les élections professionnelles
Les règles habituelles relatives aux élections professionnelles du CE doivent être suivies.
- Délai d’attente entre le procès-verbal de carence et la demande d’élections : auparavant, la jurisprudence considérait qu’une telle demande pouvait intervenir à n’importe quel moment et notamment juste après un procès-verbal de carence. Désormais, les dispositions légales prévoient que la demande ne peut intervenir pendant 6 mois après l’établissement du procès-verbal de carence. (Article L2314-8 du Code du travail)
- Harmonisation des délais d’information du personnel : désormais, un délai maximal unique de 90 jours est fixé entre l’information des salariés de l’organisation des élections et le premier tour des élections, que l’on soit en situation de mise en place ou de renouvellement (contre 45 jours auparavant pour ce second cas - Article L.2314-4 du Code du travail)
- Dérogation à l’obligation d’invitation des organisations syndicales : dans les entreprises à l’effectif entre 11 et 20 salariés, l’employeur ne doit inviter les organisations syndicales que si au moins un salarié s’est porté candidat aux élections dans un délai de 30 jours à compter de l’information du personnel sur l’organisation des élections (Article L2314-5 du Code du travail)
Une telle disposition suscite de nombreuses interrogations qui devront être éclaircies. Certains auteurs y ont en effet vu la possibilité de ne pas mettre en place les élections professionnelles si aucun candidat ne s’est manifesté dans un délai de 30 jours, ce qui paraît un peu ambitieux au vu de la lettre du texte.
- Contenu du protocole d’accord préélectoral : l’Ordonnance introduit de nouveaux sujets facultatifs de négociation dans le protocole, tels que le nombre de sièges ou le volume des heures individuelles de délégation, ou encore le nombre de mandats successifs (Articles L2314-7 et L2314-33 du Code du travail).
2.Date d’entrée en vigueur des dispositions et gestion de la période transitoire.
La date de première mise en place du CSE varie selon que l’entreprise était ou non dotée d’IRP élues au 23 septembre 2017.
Quelle que soit la situation de l’entreprise, le CSE devra obligatoirement être mis en place au 1er janvier 2020.
Pour les entreprises ne disposant pas encore d’IRP élues ou disposant des anciennes IRP, il conviendra donc d’anticiper à compter de septembre 2019 pour pouvoir être dotée d’un CSE à cette date.
2.1.Entreprises pourvues d’IRP au 23 septembre 2017
Ces entreprises sont libres de choisir si elles souhaitent mettre en place un CSE dès que possible ou de prolonger provisoirement les anciennes instances.
5 cas sont à distinguer :
DATE DE FIN DES MANDATS |
REGLE APPLICABLE |
Protocole d’accord préélectoral antérieur au 23 septembre 2017 |
Les élections doivent se tenir conformément aux modalités décidées dans le cadre de ce protocole. Le CSE devra ensuite être mis en place au 1er janvier 2020 ou à une date antérieure fixée par accord collectif ou décision de l’employeur après consultation du CE (ou des DP). |
Mandats se terminant entre le 23 septembre et le 31 décembre 2017 |
Les mandats sont prorogés automatiquement jusqu’au 31 décembre 2017. Leur durée peut ensuite être prorogée d’un an maximum par accord collectif ou décision de l’employeur après consultation du CE (ou des DP). Dans cette hypothèse, le CSE devra être mis en place le 1er janvier 2019 au plus tard. |
Mandats se terminant en 2018 |
La durée des mandats peut être réduite ou prorogée d’un an maximum par accord collectif ou décision de l’employeur après consultation du CE (ou des DP). Dans cette hypothèse, pour des mandats expirant le 31 décembre 2018, le CSE devra être mis en place au plus tard le 1er janvier 2020. |
Mandats se terminant en 2019 |
Le CSE doit être mis en place au terme des mandats et au plus tard le 31 décembre 2019. |
Mandats se terminant après le 31 décembre 2019 |
Les mandats cesseront à cette date, de manière anticipée et un CSE devra être mis en place dès le 1er janvier 2020 |
Si la fin des mandats ne coïncide pas dans l’entreprise, leur durée peut être prorogée ou réduite soit par accord collectif, soit pas décision de l’employeur après consultation du CE ou, à défaut, des DP, afin que leur échéance coïncide avec la date de mise en place du CSE.
2.2.Entreprises dépourvues d’IRP au 23 septembre 2017
Dans les entreprises dépourvues d’IRP au 23 septembre 2017, le CSE doit être mis en place à la date de publication des décrets pris pour l’application des dispositions de l’Ordonnance et au plus tard au 1er janvier 2018.
Les textes sources de cet article sont les suivants :
https://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=JORFTEXT000035607348&categorieLien=id
http://revuefiduciaire.grouperf.com/plussurlenet/complements/Projet_decret_limitationmandats.GroupeRF.pdf
http://revuefiduciaire.grouperf.com/plussurlenet/complements/Projet_d%C3%A9cret_CSE_heures_d%C3%A9l%C3%A9gation.GroupeRF.pdf