Le point sur la légalité du cbd

Publié le 02/07/2021 Vu 787 fois 0
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la Cour de justice de l'Union européenne (" CJUE ") s'est prononcée sur l'interdiction française du cannabidiol (" CBD ") extrait de plantes entières de chanvre dans une affaire relative à sa commercialisation.

la Cour de justice de l'Union européenne (" CJUE ") s'est prononcée sur l'interdiction française

Le point sur la légalité du cbd

2020, la Cour de justice de l'Union européenne (" CJUE ") s'est prononcée sur l'interdiction française du cannabidiol (" CBD ") extrait de plantes entières de chanvre dans une affaire relative à la commercialisation et à la distribution d'huile de chanvre contenant du CBD . La décision qui en découle a permis à de plus en plus de magasins en ligne comme Kanaleg, de commercialiser des produits à base de CBD en France avec moins de craintes et en toute légalité.

Retour sur l'affaire Kanavape en détails :

Le Code de la santé publique français autorise la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale du Cannabis sativa L. (chanvre), à condition que seules les fibres et les graines de la plante soient utilisées et que la plante contiennne moins de 0,2% de delta-9-tétrahydrocannabinol ("THC"). La limitation à l'utilisation des fibres et des graines équivaut de facto à une interdiction du CBD puisque ce dernier est principalement produit à partir des feuilles et des fleurs de la plante.

Il a été demandé à la Cour si cette interdiction de la CDB enfreint (1) les règlements de l'UE n° 1307/2013 et n° 1308/2013 relatifs au marché commun agricole ou (2) le principe de libre circulation des marchandises énoncé aux articles 34 et 36 du traité sur le fonctionnement de l'UE (TFUE).

La réponse de la Cour à la première question était "non". La CJUE a jugé que le CBD en cause ne pouvait pas être qualifié de produit agricole et qu'il n'entrait donc pas du tout dans le champ d'application des règlements 1307/2013 et 1308/2013.

La Cour s'est ensuite penchée sur la deuxième question, à savoir si l'interdiction française du CBD porte atteinte au principe de la libre circulation des marchandises. Une question préliminaire était de savoir si le CBD peut être qualifié de stupéfiant au sens de la Convention unique des Nations unies sur les stupéfiants (" Convention unique "), car cette qualification empêcherait de revendiquer la libre circulation du CBD au sein de l'UE. La Cour a décidé que, bien que la CBD entre dans la définition légale de stupéfiant, il serait contraire à l'objectif et à l'esprit général de la Convention unique de considérer la CBD comme un stupéfiant puisque, sur la base des preuves scientifiques disponibles, la CBD n'a pas d'effet psychotrope ou d'effet nocif sur la santé humaine.

Ensuite, en ce qui concerne le principe de la libre circulation des marchandises, la Cour a décidé que la restriction française était une mesure restrictive quantitative à l'importation au titre des articles 34 et que, conformément à l'article 36 TFUE, la restriction pouvait être justifiée par la protection de la santé publique. La Cour a conclu qu'il appartenait à la juridiction nationale de renvoi de déterminer si la restriction était ou non justifiée par la protection de la santé publique, mais elle a fourni quelques orientations à la juridiction de renvoi.

Cette alerte explique brièvement le contexte juridique pertinent. Elle examine ensuite la décision européenne et son impact potentiel sur le marché du CBD en Europe.

Cet arrêt est important en raison de l'utilisation croissante de la CDB dans différents secteurs du marché, tels que les produits pharmaceutiques, les cosmétiques et les aliments. D'une manière générale, l'arrêt devrait amener les États membres de l'UE à revoir les interdictions et restrictions actuelles concernant la commercialisation de la CDB et à remplacer celles qui ne sont pas adéquates et/ou proportionnelles par d'autres moins restrictives, ce qui devrait conduire à l'ouverture du marché européen au CDB et aux produits dérivés du CDB.

Cette alerte se concentre sur le CBD et ne concerne ni l'utilisation du cannabis à des fins médicales ou expérimentales, ni les autres produits, composés et cannabis dérivés du chanvre.

A. CONTEXTE JURIDIQUE

Le cannabis est réglementé à la fois au niveau européen et national.

Réglementation de l'UE.

Au niveau de l'UE, le cannabis est réglementé par la législation sur les stupéfiants et sur le marché commun agricole.

D'une part, la décision-cadre 2004/757 du Conseil de l'UE et la convention d'application de l'accord de Schengen font référence à la convention unique et à la convention sur les substances psychotropes de 1971 qui classent toutes deux le cannabis comme un stupéfiant et exigent des États membres qu'ils adoptent toutes les mesures nécessaires pour prévenir et punir le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes.

D'autre part, l'article 38 du TFUE autorise l'UE à définir et à mettre en œuvre une politique agricole commune. Les produits agricoles couverts par la législation agricole de l'UE sont énumérés à l'annexe I du TFUE. La partie VIII de l'annexe I comprend "le chanvre (Cannabis sativa L.) brut ou transformé mais non filé ; étoupes et déchets de chanvre (y compris les déchets de fils et les effilochés)". Deux règlements adoptés dans le cadre de l'agriculture commune sont pertinents pour le cannabis :

  • Le règlement 1307/2013, qui établit des règles communes en matière de paiements directs aux agriculteurs, autorise la production de variétés de chanvre dont la teneur en THC ne dépasse pas 0,2% ;

  • Le règlement n° 1308/2013, qui établit une organisation commune des marchés pour les produits agricoles, réglemente les importations de chanvre dans l'UE mais précise que des dispositions plus restrictives peuvent être adoptées par les EM.

Réglementations nationales.

L'objectif de l'UE est de créer un marché commun dans lequel les marchandises circulent librement en harmonisant, entre autres, les législations nationales dans les domaines relevant de ses compétences exclusives et partagées. L'harmonisation est réalisée par la législation de l'UE. En l'absence de législation européenne d'harmonisation, les États membres peuvent adopter des mesures nationales, dans le respect du principe de libre circulation des marchandises. Ce principe empêche les restrictions nationales à l'importation ou les mesures d'effet équivalent qui entravent le commerce intra-UE (art. 34 du TFUE), à moins qu'elles ne soient justifiées par des raisons d'intérêt public, y compris la protection de la santé publique (art. 36 du TFUE), et à condition qu'elles soient adéquates et proportionnées à leur objectif.

Par conséquent, les aspects de la production, de la commercialisation, de l'importation, etc. du cannabis et des produits connexes qui ne sont pas couverts par la politique agricole commune de l'UE peuvent être réglementés par les États membres.

Les règles nationales relatives au chanvre industriel et au CBD ou aux produits à base de CBD varient considérablement. La culture de chanvre industriel contenant 0,2 % ou moins de THC est légale dans la plupart des États membres de l'UE (0,3 % en Autriche et au Luxembourg), mais l'extraction/production nationale de CBD est strictement réglementée. Par exemple, aux Pays-Bas, la production de chanvre industriel pour l'utilisation de ses fibres et de ses graines est autorisée, mais la récolte des feuilles et des fleurs de chanvre et la production d'extraits de chanvre (comme le CBD) sont interdites. Ainsi, les plantes sont cultivées aux Pays-Bas, mais le CBD est extrait dans d'autres pays. En Suède, la Cour suprême considère les produits/préparations dérivés du chanvre contenant du THC comme des stupéfiants, quel que soit le taux de THC. En Slovaquie, le CBD et les extraits de chanvre sont illégaux. En Bulgarie, la production de CBD est interdite, mais les produits à base de CBD peuvent être importés et vendus librement. Dans l'ensemble, ce patchwork crée une incertitude juridique quant à la réglementation du cannabis et des produits connexes dans l'UE.

Réglementation française.

Le Code de la santé publique français réglemente la production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, la fourniture, la cession, l'acquisition et l'utilisation des plantes, substances ou préparations classées comme vénéneuses, c'est-à-dire stupéfiantes ou psychotropes. Le cannabis est classé comme stupéfiant, et l'article R. 5132 86 (1) du Code de la santé publique réglemente spécifiquement la production, la fabrication, le transport, l'importation, l'exportation, la détention, la fourniture, la cession, l'acquisition ou l'utilisation de cannabis, de plantes et de résine de cannabis, de produits contenant du cannabis ou obtenus à partir de celui-ci.

Cet article est mis en œuvre par l'arrêté du 22 août 1990 qui autorise la culture, l'importation, l'exportation et l'utilisation industrielle et commerciale (fibres et graines) de variétés de Cannabis sativa L., à condition que la teneur en THC de ces variétés ne dépasse pas 0,2 %. Une directive ministérielle du 23 juillet 2018 précise que seules les fibres et les graines de la plante peuvent être utilisées. Étant donné que le CBD se trouve principalement dans les feuilles et les fleurs de la plante plutôt que dans ses fibres et ses graines, l'extraction du CBD conformément au Code de la santé publique est très difficile techniquement et coûteuse.

B. AFFAIRE JUDICIAIRE - FAITS

L'affaire concerne la commercialisation et la distribution de Kanavape, une cigarette électronique commercialisée par Catlab, dont les cartouches contiennent de l'huile de CBD. Le CBD a été légalement produit en République tchèque à partir de plantes entières de chanvre cultivées localement. Catlab a importé l'huile de CBD en France, l'a conditionnée dans des cartouches et a vendu les cartouches.

Les dirigeants de Catlab ont été poursuivis, entre autres, pour des infractions à la loi sur les substances vénéneuses. Dans le cadre de l'enquête pénale, l'Agence française du médicament (l'Agence nationale de sécurité sanitaire des produits de santé ou "ANSM") a testé les cartouches Kanavape et a conclu que le taux de THC était toujours inférieur au seuil légal et que Kanavape ne pouvait être qualifié de "médicament". Néanmoins, les dirigeants de Catlab ont été reconnus coupables par le tribunal correctionnel de Marseille car l'huile de CBD était produite à partir de la plante de chanvre entière et non de ses fibres et graines.

Ils ont fait appel de ce jugement devant la Cour d'appel d'Aix-en-Provence, en faisant valoir que la restriction française du CBD issu de la plante entière de chanvre était contraire au droit de l'UE. La Cour d'appel a décidé de poser une question à la Cour de justice de l'Union européenne : la question de savoir si les règlements n° 1307/2013 et n° 1308/2013 et le principe de libre circulation des marchandises (art. 34 et 36 TFUE) doivent être interprétés en ce sens qu'ils s'opposent à une réglementation nationale qui interdit la commercialisation du CBD lorsqu'il est extrait de la plante entière de chanvre et non de ses fibres et graines.

C. AFFAIRE JUDICIAIRE - DÉCISION

La Cour devait examiner, tout d'abord, si la restriction française violait les règlements relatifs au marché commun agricole et ensuite, dans la négative, si elle violait le principe de la libre circulation des marchandises au sein de l'UE.

Interprétation des règlements 1307/2013 et 1308/2013. - La CJUE a statué que le CBD utilisé dans les cartouches Kanavape ne peut être qualifié de produit agricole. L'annexe I du TFUE, qui énumère les produits agricoles, comprend " le chanvre véritable (Cannabis sativa), brut ou transformé mais non filé ; les étoupes et déchets de chanvre véritable (y compris les chiffons ou cordes arrachés ou grenés) ". L'huile de CBD en cause a été extraite de la plante Cannabis sativa par extraction au dioxyde de carbone (CO2), de sorte qu'il ne s'agissait ni de chanvre brut (il ne s'agissait pas de chanvre récolté, roui ou teillé) ni de fibres libériennes (le processus d'extraction n'a pas consisté à séparer la fibre du reste de la plante). Par conséquent, les règlements 1307/2013 et 1308/2013 ne sont pas applicables.

Interprétation des articles 34 et 36 du TFUE. - L'application du principe de la libre circulation des marchandises aux huiles de CBD de Kanavape a soulevé les questions suivantes.

Le CBD est-il un stupéfiant ? D'une manière générale, la nocivité des stupéfiants est reconnue et leur commercialisation, leur importation, etc. sont interdites dans tous les États membres, à l'exception des échanges strictement contrôlés pour des usages médicaux et scientifiques. Dans la mesure où les stupéfiants qui ne sont pas distribués par ces circuits strictement contrôlés sont interdits de sortie dans les circuits économiques et commerciaux de l'UE, les entreprises qui commercialisent du cannabis ne peuvent pas se prévaloir du principe de libre circulation des marchandises. La Cour doit donc d'abord déterminer si le CBD peut être considéré comme un stupéfiant.

La CJCE a noté que la CBD n'est pas couverte par la Convention sur les substances psychotropes ou par la décision-cadre 2004/757 de l'UE. Elle a ensuite décidé qu'elle n'est pas incluse dans les annexes I et II de la Convention unique (à laquelle font référence la décision-cadre 2004/757 de l'UE et la Convention d'application de l'accord de Schengen).

Selon la Cour, une interprétation littérale de la Convention unique pourrait conduire à la conclusion que le CBD extrait de la plante entière du genre Cannabis - y compris ses sommités fleuries ou fructifiées - constitue un extrait de cannabis et donc une "drogue" au sens de la Convention unique de l'annexe 1. Cependant, l'objectif de la Convention unique doit être pris en compte lors de son interprétation, et l'un de ses objectifs est de protéger la santé et le bien-être des personnes. La définition de "drogue" est donc intrinsèquement liée à l'état des connaissances scientifiques sur la nocivité des produits dérivés du cannabis pour la santé humaine. Étant donné que, sur la base des preuves scientifiques disponibles, le CBD ne semble pas avoir d'effet psychotrope ou d'effet nocif sur la santé humaine et ne contient pas d'ingrédient psychoactif, la CJCE a décidé qu'il serait contraire à l'objectif et à l'esprit général de la Convention unique de l'inclure dans la définition des "drogues".

Dans la mesure où la CBD n'est pas considérée comme un stupéfiant au sens de la convention unique, les articles 34 et 36 du TFUE s'appliquent.

La loi française impose-t-elle une restriction à l'importation en provenance d'autres EM ? Le principe de la libre circulation des marchandises interdit les restrictions quantitatives à l'importation entre les États membres et toutes les mesures d'effet équivalent. Cette interdiction couvre toute mesure nationale susceptible d'entraver, directement ou indirectement, réellement ou potentiellement, le commerce intra-Union, c'est-à-dire d'empêcher les produits originaires d'un Etat membre d'entrer dans un autre Etat membre.

La Cour a considéré que l'interdiction de commercialiser le CBD légalement produit dans un autre État membre - lorsqu'il est extrait de la plante entière de chanvre et non uniquement de ses fibres et graines - constitue une mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives au sens de l'article 34 TFUE.

La restriction quantitative à l'importation est-elle justifiée par la santé publique ? - Une mesure d'effet équivalent à des restrictions quantitatives peut être justifiée par l'un des motifs d'intérêt public énoncés à l'article 36 du TFUE ou par des exigences impératives. Dans les deux cas, la mesure nationale doit être appropriée et proportionnée à l'objectif poursuivi.

La CJCE a d'abord rappelé sa jurisprudence concernant l'article 36 :

  • Il appartient aux États membres de déterminer le niveau de protection qu'ils souhaitent accorder à la santé publique et la manière d'atteindre ce niveau. Ce niveau peut varier d'un État membre à l'autre, d'où une certaine marge d'appréciation, particulièrement large lorsque des incertitudes persistent dans l'état actuel de la recherche scientifique.

  • L'article 36 TFUE contient des exceptions à la libre circulation des marchandises avec l'UE et doit être interprété de manière restrictive. Il appartient donc aux autorités nationales de démontrer, en tenant compte des résultats de la recherche scientifique internationale, que leur législation est nécessaire pour protéger efficacement les intérêts qu'elle vise et, en particulier, que la commercialisation des produits constitue une menace réelle pour la santé publique. Le risque réel allégué pour la santé publique doit apparaître suffisamment établi sur la base des dernières données scientifiques disponibles. L'évaluation des risques à laquelle doivent procéder les États membres doit apprécier le degré de probabilité des effets nocifs sur la santé humaine et la gravité de ces effets potentiels.

  • Dans l'exercice de leur pouvoir d'appréciation relatif à la protection de la santé publique, les États membres doivent respecter le principe de proportionnalité. L'évaluation des risques peut révéler un degré élevé d'incertitude scientifique et pratique, ce qui influence le pouvoir discrétionnaire de l'État membre. En vertu du principe de précaution, un État membre peut prendre des mesures de protection sans devoir attendre que la réalité et la gravité de ces risques soient pleinement démontrées, mais l'évaluation du risque ne peut pas être fondée sur des considérations purement hypothétiques. Lorsqu'il s'avère impossible de déterminer avec certitude scientifique l'existence ou l'étendue du risque allégué, mais qu'il existe une probabilité d'atteinte réelle à la santé publique en cas de matérialisation du risque, le principe de précaution justifie l'adoption de mesures restrictives, à condition qu'elles soient non discriminatoires et objectives.

La Cour a ensuite jugé qu'il appartient à la juridiction de renvoi de déterminer si la restriction à la commercialisation du CBD légalement produit dans un autre État membre - lorsqu'il est extrait de la plante entière Cannabis sativa - est appropriée et proportionnée pour protéger la santé publique. Elle a toutefois fourni des indications à la juridiction nationale pour qu'elle puisse procéder à cette détermination :

  • Détermination du caractère approprié de la restriction : la restriction n'affecte pas la commercialisation de la CBD synthétique qui a les mêmes propriétés que la CBD extraite de la plante entière Cannabis sativa et pourrait être utilisée comme substitut. La juridiction de renvoi doit vérifier ce fait qui, s'il est prouvé, indiquerait que la législation n'était pas appropriée pour atteindre l'objectif de manière cohérente et systématique.

  • Nécessité d'une interdiction de commercialisation du CBD lorsque celui-ci est extrait de la plante entière Cannabis sativa : La France n'est pas tenue de démontrer que la propriété dangereuse du CBD est identique à celle des stupéfiants, mais la juridiction de renvoi doit évaluer les données scientifiques disponibles afin de s'assurer que le risque pour la santé publique n'apparaît pas fondé sur des considérations purement hypothétiques.

Dans l'ensemble, la CJCE a statué que (i) la CBD n'est pas considérée comme un stupéfiant ; (ii) les articles 34 et 36 du TFUE s'opposent à une législation nationale qui interdit la commercialisation de la CBD légalement produite dans un autre État membre lorsqu'elle est extraite de la plante entière Cannabis sativa et pas seulement de ses fibres et graines, à moins que cette législation ne soit appropriée et proportionnée pour assurer la protection de la santé publique ; et (iii) il appartient aux tribunaux nationaux de faire cette détermination. Cette décision est conforme à la position de la Commission européenne.

D. IMPLICATIONS DE L'ARRÊT

Des législations nationales moins restrictives. - L'arrêt de la CJCE pourrait avoir un impact significatif non seulement sur le marché français mais aussi sur le marché européen du CBD et des produits CBD. Les régimes nationaux actuels réglementant les produits dérivés du chanvre pourraient être assouplis et des restrictions plus proportionnées pourraient être adoptées, conduisant à une libération partielle du marché du CBD. Au minimum, on peut s'attendre à ce que les États membres qui souhaitent maintenir des interdictions générales et un cadre strict sur les produits de CBD dérivés du chanvre poursuivent leurs investigations et leurs recherches sur les effets et les risques de la CBD dérivée du chanvre, car seul un risque pour la santé publique suffisamment établi peut justifier une interdiction des produits du marché importés d'autres États membres.

Le 24 novembre, suite à l'arrêt de la CJCE, la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) a publié une alerte sur la CDB. Bien qu'elles examinent déjà les moyens de prendre en considération les conclusions de la CJCE, les autorités françaises ont insisté sur l'importance de disposer de preuves scientifiques convaincantes. Elles ont également souligné l'importance de développer une approche européenne commune des produits à base de CBD.

La question suivante est celle des restrictions alternatives qui peuvent être considérées comme proportionnées. Alors que la CEJ a suggéré qu'une interdiction générale de la culture, de l'industrialisation et de la commercialisation du chanvre uniquement pour les fibres et les graines et comme résultat du CBD dérivé du chanvre est disproportionnée et donc non compatible avec le droit européen, elle n'a pas proposé de mesures alternatives. Ces mesures pourraient être des caractéristiques spécifiques du produit (c'est-à-dire une teneur maximale en CBD), des canaux de vente restreints ou des limitations de la publicité. Dans chaque État membre, il appartient aux tribunaux nationaux d'évaluer l'adéquation et la proportionnalité des restrictions existantes et futures.

À long terme, l'arrêt de la Cour pourrait déclencher l'adoption de législations nationales plus harmonisées sur le CBD dérivé du chanvre et donc un marché européen du CBD moins fragmenté et donc un environnement plus sûr pour l'industrie du CBD et les consommateurs de CBD.

Secteur alimentaire - Le CBD n'est pas un stupéfiant. - Cette décision pourrait également avoir un impact important sur d'autres secteurs du marché qui utilisent le CBD, comme le secteur alimentaire.

Dans la plupart des pays de l'UE, le CBD n'est pas classé comme une drogue contrôlée, et les produits à base de CBD peuvent relever d'autres cadres sectoriels de l'UE. Par exemple, en vertu de la législation alimentaire de l'UE, les graines de chanvre et les produits dérivés des graines (c'est-à-dire l'huile de graines, la farine de graines de chanvre, les graines de chanvre dégraissées) sont considérés comme des denrées alimentaires, et les États membres peuvent adopter une législation nationale spécifique limitant leur mise sur le marché en tant qu'aliments ou ingrédients alimentaires. Le statut des feuilles de chanvre, des fleurs de chanvre et de leurs produits dérivés reste toutefois une zone grise.

Depuis février 2019, les extraits de la plante Cannabis sativa L. et les produits dérivés contenant des cannabinoïdes (dont le CBD) sont considérés comme de nouveaux aliments et, à ce titre, doivent être autorisés avant d'être commercialisés dans l'UE (règlement 2015/2283 sur les nouveaux aliments). Cependant, en juillet 2020, la Commission de l'UE a annoncé qu'elle envisageait de placer le CBD dérivé de la plante de chanvre entière et d'autres extraits de fleurs de chanvre sous la Convention unique en tant que substances narcotiques. Cette annonce a conduit à la suspension de l'évaluation des demandes d'autorisation des produits CBD dérivés du chanvre en tant que nouveaux aliments, jusqu'à ce que des précisions soient apportées.

D'autre part, l'Agence britannique des normes alimentaires (FSA) a annoncé que le CBD et les produits dérivés du CBD devraient être réglementés comme de nouveaux aliments et que les demandes de nouveaux aliments seront acceptées au Royaume-Uni après le Brexit.

L'arrêt de la CJCE, qui précise que le CBD dérivé du chanvre n'est pas considéré comme un stupéfiant, devrait amener la Commission européenne à revoir sa position sur le statut juridique de ces produits.

Qu'en est-il des autres produits à base de CBD ? L'arrêt de la CJCE concernait un produit contenant de la CBD extraite de plantes entières de chanvre par un procédé d'extraction au CO2. Qu'en est-il des autres produits à base de CBD ? Il convient de faire une distinction selon que le produit CBD est ou non qualifié de produit agricole au sens de l'annexe I du TFUE. Si, comme le CBD de Kanavape, il n'est pas qualifié comme tel, l'arrêt de la CJCE dans l'affaire Kanavape s'applique. Si, en revanche, il est qualifié de produit agricole, alors les règlements 1307/2013 et 1308/2013 s'appliquent. La question est de savoir si l'application des règlements 1307/2013 et 1308/2013 conduirait à un autre résultat. Premièrement, les règlements 1307/2013 et 1308/2013 ne devraient pas s'appliquer aux restrictions nationales autres que celles relatives à la culture (objet du règlement 1307/2013) et aux importations en provenance de pays tiers (objet du règlement 1308/2013). Deuxièmement, même en supposant que ces règlements soient applicables, le raisonnement serait similaire à celui effectué par la Cour dans l'affaire Kanavape. En résumé, les règlements 1307/2013 et 1308/2013 n'empêchent pas les États membres d'adopter des mesures restrictives sur le commerce intra-UE de la CDB afin de protéger la santé publique, à condition que ces mesures soient adéquates pour protéger la santé publique contre les risques découlant de la CDB et qu'elles soient proportionnées à cet objectif.

 

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