L’assurance vie représenterait 40 % de l’épargne des ménages. Elle serait valorisée à plus de 1400 milliards d’euros.
Isabelle ARPAÏA avocat fiscaliste au Barreau de Paris
I) La création de nouveaux produits d’assurance-vie
L’article 15 de la loi de finances rectificatives pour 2013 prévoit la création de deux nouveaux types de placements en matière de contrats d’assurance-vie. Une ordonnance viendra compléter la loi de finances rectificatives pour 2013.
- Les fonds « euro-croissance » permettront à un assuré de bénéficier d’une garantie du capital s’il reste investi au moins 8 ans. Il s’agit d’une nouvelle modalité de l’assurance vie aux côtés des fonds en euros et des unités de compte. Ces fonds pourront être souscrits dans des contrats « multisupports » avec la possibilité d’arbitrer en présence des fonds en euros et des unités de compte. Ils constitueront un outil de réallocation des actifs de l’assurance vie vers des investissements plus utiles pour l'économie, en particulier les placements en actions.
- Les nouveaux contrats "vie génération" bénéficieront d'un régime fiscal spécifique pour la transmission dès lors qu'ils répondent à des objectifs d’investissement en actions de PME et d’ETI, dans le logement intermédiaire et social et dans les entreprises de l’Economie sociale et solidaire (ESS). Au total ces nouveaux contrats devront être investis à au moins 33 % dans ces actifs
Pour faciliter le développement de ces produits, ces nouveaux contrats bénéficieront, à l’ouverture, du maintien de l’antériorité fiscale pour les primes issues d’autres contrats d’assurance vie.
Pour inciter les épargnants à souscrire dans les nouveaux contrats "vie génération", le régime fiscal de la transmission des contrats d’assurance vie sera plus avantageux que les autres produits.
En effet, ils bénéficieront d’un abattement d’assiette de 20 % pour le calcul des droits dus lors de la transmission (article 990 I –I du CGI). Il s'ajoutera à l'abattement de 152 500 €.
II) L’alourdissement de la fiscalité de la transmission :
En cas de dénouement d’une assurance vie en cas de décès pour les autres produits, le fiscalité de la transmission en cas de mort devient moins avantageuse.
En effet, l’article 990 I du CGI dans sa version actuelle dispose que :
S'agissant d'un contrat d'assurance-vie souscrit depuis le 13.10.1998, pour les primes versées avant les 70 ans de l'assuré, la part excédant 152 500 € (abattement) et revenant à chaque bénéficiaire est soumise à un prélèvement forfaitaire, quel que soit le lien de parenté entre le bénéficiaire et l'assuré.
Après application dudit abattement, il y a imposition au taux de 20 % pour la fraction de la part taxable n'excédant pas 902 838 € et de 25 % au-delà.
L’article 9-I- B de la loi de finances rectificatives pour 2013 prévoit de majorer le taux de prélèvement en cas de succession, pour la fraction de la part de chaque bénéficiaire supérieure non plus à 902 838 €, mais à 700 000 €. Ce taux passerait de 25% à 31,25%.
III) De nouvelles modalités de calcul du plafonnement de l’ISF?
Selon la position de l’administration fiscale qu’elle a publié, au Bulletin Officiel des Finances Publiques-Impôts le 14 juin 2013, « Les contribuables devaient tenir compte des revenus des bons ou contrats de capitalisation et des placements de même nature, notamment des contrats d’assurance-vie, souscrits auprès d’entreprises d’assurance établies en France ou à l’étranger pour leur montant retenu pour les prélèvements sociaux. »
Cette mesure contredisait la décision du Conseil constitutionnel du 29 décembre 2012 selon laquelle les « revenus réputés non acquis » ne devaient être pris en compte dans ce calcul.
De surcroît, le gouvernement a voulu légaliser sa doctrine administrative en prévoyant dans l’article 13 de la loi de Finances pour 2014 que les revenus à prendre en compte devront désormais inclure notamment les contrats d’assurance-vie. Il prenait en compte des revenus « latents » que le contribuable n'a pas encore réalisés ou dont il n'a pas disposé. Le Conseil constitutionnel a de nouveau censuré cette disposition.
IV) La Création d’un fichier national des contrats d’assurance-vie :
L’article 10 de la loi de finance rectificative pour 2013 créé l’article 1649 ter du CGI selon lequel, les entreprises d’assurance, les institutions de prévoyance et les unions ainsi que les mutuelles établis en France déclarent la souscription et le dénouement des contrats de capitalisation ou des placements de même nature, notamment des contrats d’assurance-vie.
Elles déclarent également chaque année au titre de ces contrats :
Pour les contrats d’assurance-vie non rachetables souscrits depuis le 20 novembre 1991, le montant cumulé des primes versées entre le soixante-dixième anniversaire du souscripteur et le 1er janvier de l’année de la déclaration, lorsque ce montant est supérieur ou égal à 7 500 € ;
Pour les autres contrats, quelle que soit leur date de souscription, le montant cumulé des primes versées au 1er janvier de l’année de la déclaration et la valeur de rachat ou le montant du capital garanti, y compris sous forme de rente, à la même date, lorsque ce montant ou cette valeur est supérieur ou égal à 7 500 €.
Cette disposition a été soumise aux sages du conseil constitutionnel. Ces derniers ont relevé que « le législateur entendait favoriser la connaissance par l'administration de ces contrats afin de mieux prendre en compte la matière imposable et de faciliter la lutte contre la fraude fiscale. Par ailleurs, la création du fichier informatique devra s'effectuer conformément à la loi du 6 janvier 1978 sur l'informatique et les libertés et donc être soumise à la CNIL. Le Conseil a jugé que l'article 10, qui ne porte pas au droit au respect à la vie privée une atteinte disproportionnée au regard de l'objectif d'intérêt général poursuivi, est conforme à la Constitution ».
Un décret en Conseil d’état viendra préciser les conditions et délais ultérieurement.
V) Vers une modification en profondeur de l’assurance-vie ?
L’article 14 de la loi de finances rectificatives pour 2013 dispose que le Gouvernement doit remettre au Parlement, avant le 30 juin 2014, un rapport sur les dispositifs prévus aux articles 990 I et 757 B du code général des impôts.
Ce rapport s’attachera notamment à :
- Détailler la situation fiscale des bénéficiaires des sommes versées en vertu de contrats d’assurance sur la vie en cas de décès qui sont soumis à ces dispositifs, ainsi que les montants moyen et maximal des sommes ainsi reçues
- Estimer la perte de recettes fiscales résultant de l’application de ces dispositifs par rapport au régime de droit commun des droits de mutation à titre gratuit ;
- Examiner la possibilité de qualifier ces dispositifs de dépenses fiscales.
Isabelle ARPAÏA avocat fiscaliste au Barreau de Paris
Source :
www.economie.gouv.fr
Conseil constitutionnel, sa décision n° 2013-685 DC du 29 décembre 2013 sur la loi de finances pour 2014
Conseil constitutionnel, sa décision n° 2013-684 DC du 29 décembre 2013 sur la loi de finances rectificative pour 2013
www.assemblee-nationale.fr