SCI familiale : la déduction des charges afférentes à un bien immobilier loué à un membre familial

Publié le 06/01/2018 Vu 2 865 fois 0
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Lorsqu’un particulier acquiert un immeuble et qu’il souhaite restaurer mais qu’il n’a aucune intention de louer, il ne pourra déduire ni les intérêts d’emprunt, ni les dépenses de travaux qu’il va supporter. Les montages jugés comme abusifs consistent notamment à acquérir un immeuble sous couvert d’une SCI, de conclure un contrat de bail purement formel (avec un associé ou un membre de la famille) pour faire échec à l’exclusion de déduction des charges des revenus. L’administration fiscale peut considérer que la conclusion de ce contrat n’a qu’une finalité fiscale (permettre de déduire les charges foncières) et qu’en réalité la SCI se réserve la jouissance du bien, il y aura abus de droit.

Lorsqu’un particulier acquiert un immeuble et qu’il souhaite restaurer mais qu’il n’a aucune intention

SCI familiale : la déduction des charges afférentes à un bien immobilier loué à un membre familial

Par Isabelle ARPAÏA avocat fiscaliste au Barreau de Paris

Pour mémoire :

L'article 15- II du Code général des impôts dispose que les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l'impôt sur le revenu.

Il résulte de cette exonération du revenu en nature que procure la disposition gratuite du logement a pour contrepartie l'impossibilité, pour le propriétaire, de déduire les charges afférentes à ce logement

Un propriétaire est censé se réserver la jouissance des logements :

-  que lui-même, ou un membre de son foyer fiscal, occupe, sans qu'il y ait à distinguer suivant que ces logements constituent pour leur occupant une habitation principale ou une résidence secondaire ;

-  qu'il met gratuitement à la disposition d'un tiers sans y être tenu par un contrat de location ;

-  qu'il laisse vacants sans rechercher la location ;

-  qu'il loue fictivement.

De même, les sociétés civiles non transparentes qui mettent gratuitement leurs locaux à la disposition de leurs membres sont considérées comme se réservant la jouissance de ces locaux (Doctrine administrative BOI-RFPI-CHAMP-20-20 n° 50, 12-9-2012).

L'exonération du revenu des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance a pour contrepartie l'impossibilité de déduire les charges afférentes à ces immeubles ni des autres revenus fonciers du contribuable, ni de son revenu global.

En l’espèce :

La SCI X, a pour objet la propriété, l’administration et l’exploitation par bail de tous immeubles bâtis ou non bâtis dont elle pourra devenir propriétaire.

Son capital social est réparti entre les membres de la famille Y, à savoir 25% pour Madame Y1 (mère), 30% pour chacune de ses deux filles, Y2 et Y3, et 15% pour son fils Y4.

En février   2009, la   SCI   X   fait   l’acquisition   d’une   maison   d’habitation, pour   un   prix   de 940 000 euros   financé   par   un   emprunt   bancaire   de   1 065 000 euros.

En juillet 2009, la SCI X effectue une demande de permis de construire pour la rénovation de cette maison, en y indiquant que l’immeuble est destiné à constituer une habitation secondaire.

Après l’obtention du permis de construire, la SCI X fait réaliser d’importants travaux au cours des années 2010 à 2013 et qui ont été financés par les trois enfants Y par des apports en compte courant. Après travaux, la maison dispose d’une surface habitable de plus de 400 m2 sur trois niveaux.

En octobre 2012, un bail, conclu pour une durée d’un an renouvelable par tacite reconduction, est signé entre la SCI X et Mmes Y2 et Y3 avec un loyer fixé à 4 000 euros par mois.

Depuis   l’acquisition   de   la propriété, les   résultats   de   la   SCI   X, sont imposés dans la catégorie des revenus fonciers au nom des associés au prorata de leurs droits dans cette société relevant de l’article 8 du code général des impôts.

Les résultats fonciers déclarés par la société au titre des années 2011 à 2013 sont déficitaires et s’élèvent respectivement à 378 416 euros, 412 317 euros et 332 196 euros.

La quote-part de ces déficits revenant à Mme Y2 s’élève à 113 524 euros au titre de l’année 2011, 123 695 euros au titre de l'année 2012 et 99 659 euros au titre de l'année 2013.

Les déficits fonciers de la SCI X revenant à Mme Y2 ont d’abord absorbé les autres revenus fonciers déclarés par ailleurs, la part restante du déficit ayant généré un déficit foncier imputé sur le revenu global dans la limite légale prévue par le code général des impôts.

Par une proposition de rectification, l’administration a remis en cause les déficits fonciers déclarés par la SCI X au titre de ces 3 années en mettant en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal prévue à l’article L. 64 du livre des procédures fiscales.

Elle a estimé que la location à titre de résidence secondaire de cette propriété par la SCI X à Mmes Y2 et Y3 n’avait eu d’autre but que de permettre aux associés de la SCI d’imputer les déficits fonciers déclarés sur les revenus fonciers retirés à raison d’autres immeubles et ainsi de faire échec aux dispositions du II de l’article 15 du code général des impôts visant à exclure la déduction des charges afférentes à un bien immobilier dont le propriétaire se réserve la jouissance.

En vertu de ces dispositions, les revenus des logements dont le propriétaire se réserve la jouissance ne sont pas soumis à l’impôt sur le revenu. Par voie de conséquence, les contribuables bénéficiaires de cette exonération ne sont pas autorisés à déduire de leurs revenus fonciers compris dans le revenu global les charges afférentes à ces logements.

Le Comité saisi, a relevé, qu’il est constant que la SCI X a acquis l’immeuble, qui constituait le seul élément de son patrimoine immobilier, dans le but de lui donner un usage de résidence secondaire comme le mentionne la demande de permis de construire.

Il constate qu’aucun élément ne lui a été soumis permettant de démontrer que des démarches ont été entreprises par cette société familiale en vue de proposer sa location à des tiers.

Le Comité relève également la disproportion entre le montant des loyers (10 000 euros en 2012 et 48 000 euros en 2013) et les charges constituées des mensualités de l’emprunt et des travaux entrepris sur l’immeuble, conduisant à une opération structurellement déficitaire.

Il relève encore que, pour un investissement dont le montant total s’élève à 2 180 283 euros compte tenu du coût total des travaux, d’une part, le règlement des mensualités de l’emprunt est assuré grâce à des apports en compte courant mensuels de Mme Y1 et, d’autre part, les travaux ont été financés par des apports en compte courant de Mmes Y2 et Y3 et de M. Y4.

Le Comité estime dès lors, et alors même que le montant du loyer n’a pas été remis en cause par l’administration, qu’un tel investissement ne trouve sa justification que par l’intérêt fiscal pour les associés de cette SCI familiale de pouvoir imputer les déficits fonciers sur les revenus fonciers réalisés par ailleurs.

Le Comité en déduit que la signature du contrat de bail et, par suite, la facturation de loyers par la SCI X à Mmes Y2 et Y3 ont été réalisées dans le seul but de faire échec aux dispositions du II de l’article 15 du code général des impôts en permettant, grâce à ce contrat présentant un caractère indivisible, à chacun de ses associés de déduire abusivement de ses revenus fonciers et de son revenu global les charges afférentes à la propriété acquise par la SCI et destinée à un usage de résidence secondaire.

Le Comité émet en conséquence l’avis que l’administration était fondée à mettre en œuvre la procédure de l’abus de droit fiscal.

Enfin, le Comité estime que Mme Y2 doit être regardée comme ayant eu l’initiative principale des actes constitutifs de l’abus de droit et, en outre, en a été la principale bénéficiaire. Il émet donc l’avis que l’administration est fondée à appliquer la majoration de 80 %.

Isabelle ARPAÏA avocat fiscaliste au Barreau de Paris

Source : Séance du 22 septembre 2017 :  avis rendus par le comité de l’abus de droit fiscal commentés par l'administration (CADF/AC n° 6/2017).

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