Par Isabelle ARPAÏA avocat fiscaliste au Barreau de Paris
I) Vers la suppression d'avantages fiscaux
1) L'article 3 : L'abaissement du plafond de l’avantage procuré par le quotient familial
Cette disposition diminue l’avantage en impôt maximal qui résulte de l’application du quotient familial au titre d’enfants à la charge des foyers fiscaux.
Ainsi, le plafonnement général des effets du quotient familial est abaissé de 2 000 € à 1 500 € pour chaque demi-part accordée pour charges de famille. L’avantage maximum en impôt procuré par la part de quotient familial attachée au premier enfant à charge accordée aux contribuables célibataires ou divorcés vivant seuls ayant des enfants à charge est abaissé du même montant, soit de 4 040 € à 3 540 €.
En revanche, le montant du plafonnement général des effets du quotient familial pour chaque demi-part accordée en application des dispositions particulières liées à la situation du contribuable (anciens combattants, invalides, maintien du quotient conjugal des veufs en cas d’enfant à charge) est inchangé.
2) L'article 4 : La suppression de la réduction d’impôt pour frais de scolarité
L'article 199 quater F est abrogé. Cette suppression est applicable à compter de l’imposition des revenus de 2013. (Cf. : publication sur le blog sur ce sujet du 12/09/2013 "Impôt sur le revenu : vers la suppression de la réduction pour frais de scolarité")
3) L'article 5 : La suppression de l’exonération fiscale de la participation de l’employeur aux contrats collectifs de complémentaire santé
La participation de l’employeur à ces contrats, constitue un complément de rémunération, qui est à la fois exclue de l’assiette des cotisations sociales et exonérée d’impôt sur le revenu.
Le salarié peut quant à lui déduire sa cotisation au contrat collectif du revenu imposable.
Cette suppression a donc pour effet de soumettre à l’impôt sur le revenu le complément de rémunération constitué par la prise en charge par l’employeur d’une partie des cotisations à ces contrats collectifs, assimilable à un avantage en nature. Les cotisations salariales versées aux régimes de prévoyance d’entreprise resteraient quant à elles déductibles.
4) L'article 6 : La suppression de l’exonération d’impôt sur le revenu des majorations de retraite ou de pension pour charges de famille
Selon le dispositif actuel, il existe des régimes d'assurance vieillesse ou de retraite qui fonctionnent dans le cadre de la sécurité sociale et qui prévoient des majorations de pension ou de retraite pour charges de famille qui bénéficient d'exonération d'impôt sur le revenu.
Des prestations de cette nature sont accordées, notamment :
- par le régime général d'assurance vieillesse de la sécurité sociale
- par le régime de retraite des marins
- par le régime des fonctionnaires et assimilés
Il en est de même des majorations de retraite ayant un objet similaire servies dans le cadre d'un régime complémentaire légalement obligatoire. Ainsi, l'ensemble des majorations de retraite ou de pension pour charges de familles versées par les régimes de base de l'assurance-vieillesse et les régimes de retraite complémentaires légalement obligatoires bénéficie de l'exonération prévue au 2° ter de l'article 81 du CGI .
Ainsi, cette mesure envisage d'abroger le 2° ter de l’article 81 du code général des impôts. Elle a pour objectif de soumettre à l’impôt sur le revenu, à compter de l’imposition des revenus de l’année 2013, les majorations de retraite ou de pension pour charges de famille, qui en sont actuellement exonérées.
II) La création de nouvelles impositions
1) L'article 9 : L'instauration d'une taxe exceptionnelle de solidarité sur les hautes rémunérations versées par les entreprises
Cette nouvelle imposition, mise au goût du jour, sera à la charge des entreprises qui versent des rémunérations supérieures à 1 million d’euros à leurs dirigeants et salariés.
Elle sera assise sur la fraction de la rémunération supérieure à un million d’euros par an versée à leurs salariés et dirigeants.Son taux est fixé à 50 %.
Elle s’appliquera aux rémunérations acquises ou attribuées en 2013 et 2014. Elle se veut donc provisoire.
Toutefois, le montant de la contribution exceptionnelle sera plafonné à 5 % du chiffre d’affaires de l’entreprise constaté au titre de ces années.
2) L'article 10 : L' instauration d’une contribution sur l’excédent brut d’exploitation pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur à 50 M€
La réforme de la fiscalité des entreprises vise à alléger leurs coûts, en complément du crédit d’impôt compétitivité emploi, par une baisse des impôts de production compensée par une taxation assise sur le résultat économique.
La suppression de l’imposition forfaitaire annuelle (IFA) constitue une première étape d’allègement. Cette imposition est, en effet, adossée au chiffre d’affaires
En remplacement de l'IFA, il est proposé dans le projet de loi de finances pour 2014, de créer une contribution sur l’excédent brut d’exploitation (EBE) au taux de 1 % pour les entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieurà 50 M€. Cette contribution sera codifié à l'article 223 duodecies du code général des impôts.
L'EBE est égal à la différence entre la valeur ajoutée, et les frais de personnels et des impôts à la charge de l’entreprise.
(Cf. la publication sur le blog du 15/09/2013 "le projet de loi de finances de 2014 envisage une réforme de l’imposition des entreprises ")
III) Des aménagements fiscaux
A) Les réformes envisagées
1) L'article 11 : La réforme du régime d’imposition des plus-values de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux des particuliers
L’imposition interviendrait désormais au barème progressif de l’impôt sur le revenu (et non plus au taux forfaitaire de 24% actuellement applicable).
Elle interviendrait après l'application d’un abattement dont le taux augmenterait en fonction de la durée de détention des actions ou parts sociales cédées :
- 50 % pour une durée de détention de deux ans à moins de huit ans,
- 65 % à partir de huit ans.
En outre, les investissements au capital des nouvelles PME pourraient être favorisés par l’instauration d’un abattement renforcé au taux progressif en fonction de la durée de détention des actions ou parts sociales cédées :
- 50 % pour une durée de détention de un an à moins de quatre ans,
- 65 % pour une durée de détention de quatre ans à moins de huit ans,
- 85 % à partir de huit ans.
2) L'article 13 : La réforme du régime de défiscalisation des investissements productifs et des logements sociaux outremer
Ces nouveaux dispositifs prendraient la forme de deux crédits d’impôt applicables pour l’un aux investissements productifs, pour l’autre aux investissements dans le logement social,.
Ils seraient codifiés aux articles 244 quater W et 244 quater X du code général des impôts.
Ces crédits d’impôt porteraient à la fois sur les investissements directs et sur les acquisitions réalisées par les exploitants par l’intermédiaire de contrats de location avec option d’achat ou de contrats de crédit-bail ou par les organismes de logements sociaux par l’intermédiaire de contrats de crédit-bail.
Ces dispositifs, destinés aux investissements réalisés dans les départements d’outre-mer, reprendraient les principales caractéristiques des mécanismes d’aides fiscales à l’investissement outre-mer actuellement applicables.
3) L'article 53 : La réforme du plan d’épargne en actions (PEA) en vue du financement des petites et moyennes entreprises (PME) et des entreprises de taille intermédiaire (ETI)
L'objectif de cette mesure est de notamment mobiliser l’épargne des ménages à destination des PME et des ETI.
La création d’un « PEA-PME », dédié aux titres de PME et d’ETI, cotés ou non, serait plafonné à 75 000 €.
Ce nouveau plan dédié aux PME et ETI bénéficierait des mêmes avantages fiscaux que le PEA « classique ».Il fonctionnerait exactement de la même manière que celui-ci.
Les actions ou autres titres qui donnent accès au capital des PME et ETI, ainsi que les parts de fonds commun de placement, à condition qu’ils soient investis à 75 % en titres émis par des PME-ETI dont 50 % d’actions émises par ces mêmes entreprises seraient éligibles à ce nouveau PEA
4) L'article 57 : L'aménagement de la cotisation foncière des entreprises due par les petites entreprises
Les premières années d’imposition à la cotisation foncière des entreprises (CFE) ont montré que le barème actuel de l’assiette minimale ne tenait pas assez compte de la capacité contributive limitée des petits contribuables.
En effet, certains redevables subissaient une imposition disproportionnée au regard du faible montant de leur chiffre d’affaires.
Le présent article prévoit notamment, la mise en place d’un nouveau barème de fixation du montant de la base minimum de CFE :
Ce barème comprend 6 tranches au lieu de 3. Cela permet :
- de distinguer trois sous-catégories dans l’actuelle catégorie des contribuables qui réalisent moins de 100 000 € de CA ou de recettes,
et
- de distinguer deux sous-catégories dans l’actuelle catégorie des contribuables qui réalisent plus de 250 000 € de CA ou de recettes.
B) Des mesures qui générent une augmentation d'impôts
L'article 36 : L' augmentation de la taxe de solidarité sur les billets d’avion
Cette taxe alimente le fonds de solidarité pour le développement géré par l’agence française pour le développement pour le financement des programmes internationaux de santé publique et d’accès aux médicaments pour certaines maladies dans les pays en voie de développement.
La taxe de solidarité sur les billets d’avion a été introduite comme majoration de la taxe de l’aviation civile par la loi de finances rectificative pour 2005, avec un effet à compter du 1er juillet 2006. Depuis, ces tarifs sont demeurés inchangés.
Une augmentation des tarifs de 12,7 %, correspondant au rattrapage de l’inflation hors tabac depuis 2006, est envisagée.
L’entrée en vigueur est prévue au 1er avril 2014.
C) Des mesures visant à baisser l'impôt
1) L'article 2 : L' Indexation du barème de l’impôt sur le revenu de l’année 2014 et revalorisation exceptionnelle de la décote
Cette mesure vise à revaloriser les limites des tranches de revenus du barème de l’impôt sur le revenu comme l’évolution de l’indice des prix hors tabac de 2013 par rapport à 2012, soit 0,8 %.
Elle propose également de revaloriser le montant de la décote applicable à l’impôt sur le revenu en le portant de 480 € à 508 € (soit une revalorisation de 5 %, s’ajoutant à l’indexation) afin de soutenir le pouvoir d’achat des ménages modestes.
2) L'article 7 : La baisse du taux de taxe sur la valeur ajoutée applicable aux entrées dans les salles de cinéma
L’article 68 de la loi de finances rectificative pour 2012 porte le taux de TVA de 7 % à 10 % à compter du 1er janvier 2014.
Cette disposition baisse le taux de 10% au taux réduit de 5 % de TVA à compter du 1er janvier 2014, aux entrées dans les salles de spectacles cinématographiques pour l’aligner sur le taux applicable aux droits d’entrées dans les spectacles vivants tels que les spectacles de théâtres et de concerts.
L'objectif affiché est de faciliter l’accès à la culture.
3) L'article 8 : L'aménagement des droits de mutation par décès en cas de défaut de titre de propriété immobilière
Lors d'une succession, il peut arriver que des héritiers se retrouvent en situation de ne pas pouvoir utiliser des biens immobiliers reçus car leurs droits de propriété sont incertains. En effet, des zones du territoire national ont des limites cadastrales imparfaites ou inexistantes et la dévolution successorale de ces biens est difficile à obtenir, plus particulièrement lorsqu’ils sont en indivision.
La reconstitution de titres de propriété est une problématique de droit civil. Cependant des mesures fiscales peuvent inciter les redevables à recouvrer l'usage plein et entier de leurs droits de propriété.
Ainsi, dans le cadre de ce projet de loi, il est proposé, pour les successions qui seront ouvertes à compter de la date de publication de la loi de finances pour 2014, d'adopter les mesures suivantes :
- Un délai de vingt-quatre mois (6 mois actuellement dans les cas généraux) pour le dépôt des déclarations de succession comportant des immeubles ou des droits immobiliers dont la propriété est incertaine, pour permettre ainsi aux personnes concernées de mener les démarches de reconstitution des titres de propriété ;
- Une déduction de l'actif successoral afférente aux dépenses engagées et supportées par les héritiers d'un immeuble ou de droits immobiliers dont la propriété est incertaine, au titre des opérations de reconstitution des titres de propriété desdits immeubles.
- Une exonération totale de droits de succession au bénéfice des héritiers pour les immeubles non bâtis indivis ou les droits immobiliers d'un tel immeuble inclus dans une parcelle d’une valeur totale inférieure à 5 000 € et dont la propriété est incertaine, sous condition de reconstitution du titre de propriété. Cette mesure serait cependant limitée à une seule parcelle par succession.
4) L'article 19 : L' Abaissement du taux de TVA applicable à la construction et à la rénovation de logements sociaux
Cette disposition vise à abaisser de 10 % à 5 % à compter du 1er janvier 2014, le taux réduit de TVA applicable aux opérations de construction et de rénovation de logements sociaux, et d’accession à la propriété pour les ménages modestes.
Ainsi, d'après le projet de loi de finances pour 2014, seront soumises au taux de 5 % :
- les opérations de livraisons de terrains à bâtir et les livraisons de logements sociaux neufs à usage locatif consenties aux bailleurs sociaux (organismes d’habitation à loyer modéré ou autres) ; les livraisons de logements sociaux destinés aux structures d’hébergement temporaire ou d’urgence ainsi que les livraisons de logements sociaux à usage locatif ou de logements à usage locatif situés en zone de rénovation urbaine destinés à l’Association foncière logement ;
- les apports des immeubles sociaux neufs aux sociétés civiles immobilières d’accession progressive à la propriété, certaines cessions de droits immobiliers démembrés de logements sociaux neufs à usage locatif, sous conditions ;
- les livraisons à soi-même d'immeubles dont l'acquisition aurait bénéficié du taux réduit en application de ces dispositions.
Isabelle ARPAÏA avocat fiscaliste au Barreau de Paris
Sources : www.economie.gouv.fr, www.bofip.fr