DE L'APPLICATION DU STATUT DE ROME DE LA COUR PÉNALE INTERNATIONALE PAR LES JURIDICTIONS DE LA RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE DU CONGO.
1. Introduction
Après avoir été le terrain des nombreuses guerres successives depuis 1994, la RDC fait face aux défis de la reconstruction. Or reconstruire un État de Droit suppose entre autres, de mettre fin à l'impunité. Et depuis janvier 2006, certains tribunaux militaires congolais, confrontés au contentieux des crimes internationaux ont décidé d'appliquer les dispositions du Statut de Rome en lieu et place du code pénal militaire national.
À la lumière des toutes les décisions rendues par les différents tribunaux militaires ainsi que les dispositions juridiques pertinentes, il convient de revenir sur les conditions et les étapes requises pour invoquer et appliquer directement le statut de Rome devant les juridictions congolaises et d'examiner si celles ci ont été respectées par les Juges.
2 De la réception des traités dans l'ordre juridique congolais
Il convient de rappeler que la RDC est devenue Partie au Statut de Rome par la signature dudit instrument le 08 septembre 2000 et un décret loi n° 003/2002 autorisant la ratification du Statut de Rome de la Coir Pénale internationale avait été émis par le Président de la République le 30 mars 2002 et le dépôt des instruments de ratification est quant à lui intervenu le 11 avril 2002.
La RDC est un pays généralement classé parmi les États à tendance moniste qui n'exige aucune loi de transposition pour qu'un traité acquiert acquière la qualité de norme juridique au niveau national et toutes les constitutions depuis 1994 ont presque toutes prévu que les traités et accords internationaux régulièrement conclus ont dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois . Aussi la constitution de 2006 en son article 215 n'a pas dérogé à la règle. En vertu de cette disposition et de celles qui l'ont précédée, il faut donc déterminer si le statut de Rome a bien été reçu dans l'ordre juridique de la RDC, analyser si le traité a été ratifié par les autorités congolaises compétentes et s'il a fait l'objet d'une application réciproque.
En ce qui concerne la légalité de la ratification, les juridictions militaires congolaises se sont limitées à citer le Décret- loi du 30 mars 2002 autorisant la ratification du Statut sans vérifier sa conformité avec les dispositions constitutionnelles en vigueur au moment de la ratification. Seule référence fut faite à la constitution de 2006 postérieure à la ratification.
À ce stade l'on peut dire en identifiant les dispositions constitutionnelles pertinentes, qui du Président, du gouvernement ou du parlement disposait du pouvoir de ratifier un traité , et nous disons que la ratification était irrégulière en raison de l'absence d'autorisation parlement. Mais faut il aussi rappeler qu'à cette époque le pouvoir législatif était assumé par le Président de la république qui agissait par Décret-loi. Et à ce jour aucun juge n'a écarté l'application du Staut de Rome sur cette base. Il est vrai que la vérification de la régularité de la ratification du Statut de Rome n'appartient pas aux juridictions militaires congolaises. Le contrôle de la constitutionnalité d'un instrument internationale relève de la cour constitutionnelle. Et cette exception une fois qu'elle est soulevée devant une juridiction militaire congolaise, cette dernier est obligée de renvoyer l'exception à la Cour Constitutionnelle.
Quant à la publication au journal officiel, il faut toujours vérifier si le Traité avait été publié audit journal au moment des faits.
Ainsi, il est d'une importance cruciale au regard du fondement de leurs décisions que les jugent citent dans le dispositif de ces jugements le Statut de Rome en se référant au Décret-Loi n°003/2002 do 30 mars 2002 autorisant la ratification, en présumant que la ratification a été régulière au regard des dispositions constitutionnelles en vigueur au moment où elle a eu lieu et en citant comme base légale les Décrets-Lois costitutionnels de 1997 et 19998 et non la constitution de 2006.
En ce qui concerne l'impératif de publication, il est également indispensable que les décisions fassent état de la publication du Statut de Rome dans le journal officiel du 05 décembre 2002 et comparent la date des faits de l'affaire avec celle de la publication au journal officiel pour déterminer l'applicabilité du Statut.
3. De l'application directe du Statut de Rome par les juridictions de la RDC.
La réception d'un traité dans l'ordre juridique interne doit être distinguée de son éventuelle application par les juridictions nationales. Alors que la réception touche aux modalités techniques et formelles de ratification, publication et l'entre en vigueur qui laissent rarement la place à des remarques interprétatives, la question de l'application directe est souvent source des débats. Au niveau international, les critères qui permettent de déterminer l'application immédiate d'un traité où de certaines de ses dispositions ne sont d'ailleurs pas uniformisés et leur interprétations sont multiples.
Un principe de base domine cependant ces différences et controverses: celui du caractère auto- exécutoire ( self- executing) du traité. Un instrument international est considéré comme tel, lorsque la norme internationale est suffisamment claire et précise pour conférer des droits ou des obligations aux particuliers dans l'ordre juridique interne, sans que les États n'aient à adopter de mesures d'exécution. Un traité revêt donc cette qualité si deux conditions cumulatives sont réalisées à savoir que le titulaire du droit doit être visé par la norme internationale( critère personnel) et la norme doit être suffisamment précisé et claire pour ne pas nécessiter de mesures nationales de mise en œuvres( critère matériel).
En application des principes définis ci-dessus, même le statut de Rome ne revêt pas dàs son ensemble cette qualité, on peut toutefois présumer qu'un nombre non négligeable des dispositions ne requiert pas des mesures nationales de mise en œuvre. Des lors qu'un organe juridictionnel - la Cour Pénale internationale- a été institué pour poursuivre des personnes sur la base des articles du Statut, sans autres mesures d'exécution, on peut considérer l'instrument comme auto-exécutoire. Sans aucun doute possible une majorité des articles est suffisamment claire et précise pour que la cour pénale puisse engager des procès équitables dans les délais raisonnables. Les Statut de Rome prévoit en outre des peines qu'encourent les auteurs des crimes prévus par le Statut. Cet instrument respecte donc le principe de la légalité des crimes et des peines en matière pénale, satisfaisant sur ce point les conditions de clarté et de précision.
Par conséquent, une référence au caractère autosuffisant du Statut, et ce même lorsque la réception du traité dans l'ordre interne a été mentionnée, se devrait d'être précisée afin de renforcer la justification juridique du fondement des jugements. Il appartient en outre aux juges de vérifier si, pour chaque article invoqué (ou chaque ensemble d'articles), les conditions d'application directe sont remplies, et ce grâce à l'examen du caractère suffisamment claire être is de l'article.