Les effets des hypothèques
Sous l’empire de la version initiale de l’AUS, les prérogatives du créancier hypothécaire (droit de suite et droit de préférence) étaient envisagées dans le prolongement de la définition de l’hypothèque à l’article 117. Désormais, dans l’AUS révisé, la définition et les effets de l’hypothèque font l’objet de dispositions distinctes, ce qui en facilite la lecture[1] et la lisibilité. Hormis ces aménagements purement formels, le législateur OHADA a considérablement modifié les règles relatives aux effets des hypothèques, notamment en ce qui concerne les prérogatives du créancier hypothécaire, dans le but de faciliter la réalisation de sa garantie.
La situation du créancier se trouve désormais renforcée par la conséquence expresse du pacte commissoire ainsi que par la faculté de demander l’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué. Ces innovations, décrites dans les sections ci-dessous, constituent des modes de réalisation de l’hypothèque qui se présentent pour le créancier comme des solutions alternatives à la traditionnelle saisie immobilière, si souvent décriée par la pratique pour ses inconvénients, et notamment sa lourdeur, sa longueur, son coût, son formalisme et les incertitudes inhérentes à une vente forcée aux résultats souvent aléatoires[2].
Indication faite de ces amendements, les effets des hypothèques peuvent être successivement envisagés dans les rapports entre le créancier hypothécaire et le constituant (section I), dans les rapports entre le créancier hypothécaire et les autres créanciers (section II) et dans les rapports entre le créancier hypothécaire et les tiers (section III).
SECTION I : Les effets de l’hypothèque dans les rapports entre le créancier hypothécaire et le constituant
Avant d’envisager les effets de l’hypothèque dans les rapports entre le créancier et le constituant, il convient, tout d’abord, de préciser que les amendements ici apportés par le nouvel AUS n’ont nullement remis en cause les droits traditionnellement reconnus aux débiteurs constituants de jouir et de disposer de l’immeuble hypothéqué (droits dont il ne sera pas fait état ici, ceux-ci n’ayant pas été modifiés par la réforme).
L’AUS révisé a renforcé de façon significative les pouvoirs du créancier. En plus du droit traditionnel de saisir l’immeuble en cas de non-paiement (§ 1), il lui a été accordé le pouvoir, lorsque certaines conditions sont remplies, de demander l’attribution judiciaire, ainsi que la possibilité de conclure, conformément aux exigences prévues par le législateur communautaire en la matière, un pacte commissoire avec le constituant, ces deux mécanismes constituant les deux principales innovations de l’AUS révisé en matière de réalisation de la garantie hypothécaire (§ 2).
§ 1. Les droits traditionnellement reconnus : la saisie et l’exercice du droit de préférence
Le créancier qui n’est pas payé à bonne date dispose du droit de faire saisir l’immeuble afin d’exercer son droit de préférence sur le prix de vente. A cet égard, il doit avoir recours, tout comme un créancier chirographaire, aux règles de la saisie immobilière[3].
Il convient cependant d’indiquer que la procédure de saisie des biens immobiliers peut être suspendue par le débiteur s’il justifie que le revenu net et libre de ses immeubles pendant deux années suffit pour le paiement de la dette en principal, frais et intérêts[4]. La saisie pourra toutefois être reprise s’il survient la moindre opposition ou obstacle au paiement[5].
La procédure de saisie immobilière débute par un commandement de payer contenant des mentions prescrites à peine nullité signifié au débiteur défaillant, ainsi que, le cas échéant, au tiers détenteur de l’immeuble hypothéqué[6]. Ledit commandement est, par la suite, publié au bureau de la conservation foncière et opère dessaisissement du débiteur qui, tout en conservant la possession du bien hypothéqué, voit ses pouvoirs d’administration considérablement diminués et son pouvoir d’aliénation réduit à néant[7].
Les effets du commandement sont régis par les dispositions des articles 262 à 265 de l’Acte uniforme OHADA sur les voies d’exécution. Il en ressort pour l’essentiel que « les actes d’aliénation ou de constitution de droits réels antérieurement consentis, mais non publiés avant la transcription du commandement de saisie sont inopposables au créancier saisissant »[8].
Le droit de préférence, qui permet à son titulaire d’échapper au concours des autres créanciers, s’exerce selon les dispositions de l’article 225 de l’AUS révisé pour garantir aussi bien le principal de la dette que les frais et trois années d’intérêts au même rang, sauf à prendre des inscriptions particulières portant hypothèques à compter de leurs dates pour les intérêts autres que ceux conservés par l’inscription initiale (cf. art. 197 de l’AUS révisé). Il convient de noter que le droit de préférence peut, également, s’exercer par subrogation sur l’indemnité d’assurance de l’immeuble sinistré.
§ 2. Les droits nouvellement consacrés : l’attribution judiciaire et le pacte commissoire.
Une réforme équilibrée
Malgré les réticences que ces modes de réalisation de la garantie hypothécaire ont pu susciter, l’attribution judiciaire (A) et le pacte commissoire (B) constituent deux innovations majeures qui ont été introduites dans la réforme.
Cependant, le législateur OHADA a entendu encadrer strictement leur régime juridique afin de protéger le constituant. En outre, eu égard aux risques présentés par ces modes de réalisation de la garantie hypothécaire, les obligations d’information et de conseil du banquier envers le constituant devront être plus importantes[9].
A. L’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué
L’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué a été qualifiée de « mode de réalisation forcée du droit » du créancier[10]. Elle constitue l’une des principales innovations de l’AUS révisé en matière de réalisation de la garantie hypothécaire. Ce faisant, le législateur OHADA a repris les évolutions intervenues en droit français à la suite de l’ordonnance du 23 mars 2006 qui consacre le droit, pour le créancier, lorsque certaines conditions sont réunies, de demander l’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué. Si le législateur OHADA s’est pour l’essentiel inspiré des dispositions du droit français, il a cependant pris le soin de ne pas reprendre les faiblesses que comportaient ces dernières.[11]
1. Les conditions de l’attribution judiciaire
Aux termes de l’article 198 de l’AUS révisé, « à moins qu’il ne poursuive la vente du bien hypothéqué selon les modalités prévues par les règles de la saisie immobilière, auxquelles la convention d’hypothèque ne peut déroger, le créancier impayé peut demander en justice que l’immeuble lui demeure en paiement.
Cette faculté ne lui est toutefois pas offerte si l’immeuble constitue la résidence principale du constituant ».
Il ressort de cette disposition que la faculté, pour le créancier hypothécaire, de demander l’attribution judiciaire de l’immeuble n’a été ouverte qu’à certaines conditions qu’il convient d’analyser eu égard à la nouveauté du texte.
D’une part, la créance doit être exigible (maos aussi et évidemment certaine et liquide) et la défaillance du débiteur établie[12]. Le créancier hypothécaire pourra alors saisir la juridiction compétente[13] d’une demande d’attribution de l’immeuble objet de sa garantie. Il ressort du texte de l’article 198 que le pouvoir d’appréciation de la juridiction compétente statuant en cette matière est quelque peu réduit dans la mesure où celle-ci devrait se borner à vérifier l’existence et l’exigibilité de la créance.
Si ces conditions sont réunies, l’attribution judiciaire est de droit. La juridiction saisie va alors désigner, faute d’accord entre les parties, un expert aux fins de déterminer la valeur de l’immeuble[14]. Si la valeur de l’immeuble excède le montant de la garantie du créancier hypothécaire, celui-ci doit au constituant une somme égale à la différence et s’il existe d’autres créanciers hypothécaires, ce montant sera consigné par le créancier[15].
En revanche, la faculté de demander l’attribution judiciaire n’est pas ouverte lorsque l’immeuble hypothéqué constitue la résidence principale du constituant, ainsi que l’indique l’alinéa 2 in fine de l’article 198 précité. Cette exigence vise, bien entendu, à protéger le constituant, ainsi que sa famille, pour qui il pourrait être dramatique d’être privé de logement du fait des risques liés à la garantie hypothécaire.
Toutefois, il peut se poser le problème de la détermination de la résidence principale du constituant. Il n’est pas rare, dans les pays africains de la zone OHADA, d’observer que des personnes aient plusieurs résidences. Pour de telles personnes, l’identification de la résidence principale ne sera pas toujours aisée.
En cas de contentieux sur ce point, il appartiendra au juge d’identifier in concreto la résidence principale, en se référant notamment aux documents contractuels relatifs à l’hypothèque consentie et au comportement du constituant, le fait d’emménager dans l’immeuble hypothéqué peu de temps avant la demande d’attribution judiciaire pouvant se présenter un caractère frauduleux. Il faut espérer que cette question ne donne pas lieu à des décisions contradictoires qui ruineraient l’intérêt et l’attractivité de ce mode de réalisation.
Sur un autre plan, il convient de noter que les rédacteurs de l’AUS n’ont pas exigé que le créancier hypothécaire voulant user de la faculté de demander l’attribution judiciaire occupe un rang particulier. Il s’ensuit que ladite faculté est ouverte à tous les créanciers hypothécaires.
2. La question de la détermination de la juridiction compétente
S’il ne fait pas de doute que l’article 198 précité offre au créancier deux voies de réalisation de la garantie hypothécaire : la procédure de saisie immobilière (qui est plutôt longue et complexe[16]) et l’attribution « en justice », il n’en demeure pas moins qu’elle suscite certaines interrogations quant à la détermination de la juridiction compétente pour attribuer au créancier l’immeuble hypothéqué.
Certes, la juridiction compétente du point de vue territorial sera certainement celle du lieu de situation de l’immeuble, mais la détermination de la juridiction compétente ratione materiae pourrait donner lieu à discussion.
En effet, la compétence en matière d’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué reviendra-t-elle au juge de l’urgence ou au juge du fond ? À cet égard, la formule utilisée par l’article 198 « demander en justice » est assez générale à dessein. En effet, il faut comprendre ici l’intention du législateur communautaire qui est de laisser aux droits internes des Etats parties de déterminer la juridiction compétente dans un tel cas.
Le législateur OHADA a certainement voulu donner au créancier, parallèlement à la saisie immobilière, l’option d’une autre procédure de réalisation de la garantie hypothécaire qui serait, quant à elle, plus rapide.
Partant de cette idée, la juridiction compétente ratione materiae pour connaître d’une demande d’attribution judiciaire d’un immeuble hypothéqué, serait a priori la juridiction statuant en matière d’urgence. En effet, si le créancier hypothécaire devait porter cette demande devant le juge du fond, il s’exposerait à l’utilisation, par le débiteur, de toutes les voies de recours ordinaires et extraordinaires susceptibles de retarder ou d’empêcher l’attribution judiciaire.
Mais d’un autre côté, il ne faut pas perdre de vue que la matière immobilière fait l’objet d’une réglementation assez précautionneuse dans la zone OHADA. Dès lors, il est assez difficile d’imaginer que le juge de l’urgence (dont les décisions ne peuvent, en principe, préjudicier au fond d’un litige) puisse avoir la compétence pour attribuer un immeuble hypothéqué dans le cadre de cette procédure spéciale.
La détermination de la juridiction compétente en la matière pourrait donc donner lieu à controverse. Toutefois, il est raisonnable de penser que le juge statuant en matière d’urgence aura tendance à se montrer réticent à statuer sur une matière qui l’amènerait à préjudicier au fond d’un litige en matière de propriété immobilière.
3. L’évaluation de l’immeuble par un expert
Il importe de préciser que l’attribution judiciaire de l’immeuble est subordonnée à l’estimation par un expert de la valeur de l’immeuble ainsi que le prévoit l’article 200 de l’AUS révisé. Aux termes de cette disposition : « Dans les cas prévus aux deux articles précédents, l’immeuble doit être estimé par expert désigné amiablement ou judiciairement.
Si la valeur de l’immeuble excède le montant de la créance garantie, le créancier doit au constituant une somme égale à la différence. S’il existe d’autres créanciers hypothécaires, il la consigne. Toute clause contraire est réputée non écrite ».
B. Le pacte commissoire
1. La notion de pacte commissoire
Le pacte commissoire se définit comme convention conclue entre le constituant et le créancier lors de la constitution de l’hypothèque, ou postérieurement par voie d’avenant, aux termes de laquelle le créancier, en cas de défaillance du débiteur, deviendra automatiquement propriétaire de l’immeuble hypothéqué. Aux termes de l’article 199 de l’Acte uniforme révisé, « à condition que le constituant soit une personne morale ou une personne physique dûment immatriculée au Registre du commerce et du crédit mobilier et que l’immeuble hypothéqué ne soit pas à usage d’habitation, il peut être convenu dans la convention d’hypothèque que le créancier deviendra propriétaire de l’immeuble hypothéqué.
A l’issue d’un délai de trente jours suivant une mise en demeure de payer par acte extrajudiciaire demeurée sans effet, le créancier pourra faire constater le transfert de propriété dans un acte établi selon les formes requises par chaque Etat partie en matière de transfert d’immeuble ».
Il apparaît à la lecture de cette disposition que deux séries de questions doivent être envisagées. D’une part, celles relatives au champ d’application ratione personae du pacte commissoire et, d’autre part, celles relatives à sa mise en œuvre.
2. Le champ d’application ratione personae du pacte commissoire
S’agissant des personnes pouvant être parties à un pacte commissoire, les termes de l’article 199 y relatifs peuvent susciter la question de savoir si la condition d’immatriculation applicable aux personnes physiques l’est également pour les personnes morales. L’emploi par le législateur OHADA de la conjonction de coordination « ou » pourrait laisser penser que la formalité d’immatriculation s’applique indifféremment aux personnes physiques et aux personnes morales.
En réalité, le législateur OHADA a seulement voulu, par cette condition, limiter la possibilité de conclure un pacte commissoire à certaines personnes physiques en l’occurrence les commerçants[17] à l’égard desquelles il paraissait utile de favoriser l’accès au crédit.
En conséquence, la condition d’immatriculation ne s’applique qu’aux seules personnes physiques, de sorte que les personnes morales immatriculées[18] et celles non immatriculées[19]peuvent consentir à un pacte commissoire.
En outre, l’immeuble concédé en garantie de la créance du constituant ne doit pas être à usage d’habitation.
Toutefois, l’expression à « usage d’habitation », qui s’oppose tout logiquement à celle « usage professionnel », n’est pas complétée par l’indication de la personne qui utilise aux fins d’habitation. S’agit-il uniquement de la personne du constituant ou bien tant de celui-ci que tout occupant de son chef ?
Certaines personnes ont d’ailleurs pour activité de mettre à la disposition des tiers leurs biens immobiliers pour un usage d’habitation moyennant le paiement d’un prix. Il se pose alors la question suivante : des immeubles qui ne sont pas habités par le constituant mais par des tiers occupants de son chef peuvent-ils faire l’objet d’un pacte commissoire.
Le législateur communautaire n’a pas fait de distinction quant à la personne qui use de l’immeuble aux fins d’habitation. En vertu de la règle Ubi lex non distinguit, il apparaît qu’un immeuble (usage non professionnel) habité par des personnes autres que le constituant ne pourra pas faire l’objet d’un pacte commissoire.
A contrario, le pacte commissoire pourra porter sur un immeuble à usage professionnel, commercial ou industriel.
3. La mise en œuvre du pacte commissoire : la condition préalable de l’évaluation de l’expert
S’agissant de la mise en œuvre du pacte commissoire, le législateur OHADA a prévu des règles similaires à celle de l’attribution judiciaire. L’immeuble sera estimé par un expert désigné amiablement par les parties ou, à défaut, par le juge. Cet expert aura pour mission de déterminer la valeur de l’immeuble. Si la valeur de l’immeuble excède le montant de la garantie du créancier hypothécaire, celui-ci devra verser au constituant une somme égale à la différence et s’il existe d’autres créanciers hypothécaires, ce montant sera consigné par le créancier[20].
SECTION II : Les effets de l’hypothèque dans les rapports entre créanciers hypothécaires
Dans ses rapports avec les autres créanciers, le créancier hypothécaire bénéficie d’un droit de préférence qui lui permet d’être payé par préférence aux autres créanciers sur la valeur de l’immeuble. Sous l’empire de la version initiale de l’AUS, le droit de préférence était, du reste, l’unique prérogative dont pouvait jouir le créancier hypothécaire dans ses rapports avec les autres créanciers. Le législateur a reconduit ce droit sans y apporter de modifications majeures, sous réserve de l’incidence de l’attribution judiciaire ou de la mise en œuvre du pacte commissoire.
1. Classement des créanciers en cas de pluralité de créanciers hypothécaires
En présence de plusieurs créanciers hypothécaires, le rang de chaque créancier est fixé en référence à la date de l’inscription de sa garantie au bureau de la conservation foncière et non en référence à la date de constitution de l’hypothèque[21].
L’AUS ne règle pas de manière spécifique le classement qui doit être fait lorsqu’on est en présence de plusieurs inscriptions publiées le même jour. Il semble que le législateur OHADA ait abandonné cette question aux législations nationales. Ce qui pourrait conduire à des solutions différentes en fonction de chaque Etat partie[22].
Une difficulté est, par exemple susceptible de se poser lorsqu’un même créancier est titulaire d’une hypothèque inscrite sur plusieurs immeubles appartenant à un même débiteur. Dans cette hypothèse, il peut, en principe, choisir celui sur lequel il va exercer ses poursuites.
Mais, ce faisant, il risque de sacrifier les intérêts de certains créanciers postérieurs s’il saisit un immeuble grevé d’hypothèques multiples plutôt qu’un immeuble libre de charges hypothécaires ou moins lourdement grevé. C’est la raison pour laquelle la jurisprudence française impose que son choix soit exercé dans un intérêt légitime et soit dépourvu de toute intention de nuire, notamment aux créanciers dont le rang de l’inscription hypothécaire lui est postérieur[23].
2. Classement en présence d’autres créanciers
L’ordre de la distribution est fixé par l’article 225 de l’AUS révisé (cf. infra titre III : distribution des derniers et classement des sûretés).
3. Effets de la mise en œuvre d’un pacte commissoire ou de l’attribution judiciaire de l’immeuble
La question des effets de l’attribution judiciaire ou du pacte commissoire se complique un peu en présence de deux créanciers hypothécaires ou plus. Pour simplifier, on prendre ici exemple de l’attribution judiciaire (en sachant que les solutions seraient identiques en cas de mise en œuvre d’un pacte commissoire) et d’une situation mettant en présence deux créanciers titulaires d’une hypothèque sur un même bien : un créancier A, titulaire d’une hypothèque de premier rang, et un créancier B, titulaire d’une hypothèque de second rang.
Si A demande et obtient l’attribution judiciaire en premier, B ne pourra exercer son droit de préférence que sur la somme consignée si la valeur de l’immeuble est supérieure à la somme restant due à A. s’il n’ y a pas de somme consignée ou si celle-ci n’est pas suffisante pour satisfaire B, la situation sera alors défavorable pour B. En effet, B ne peut pas exercer un droit de suite sur l’immeuble car cela reviendrait à faire primer son droit sur celui de A, ce qui n’est pas possible puisque le rang de A est meilleur que celui de B.
Si, à l’inverse, c’est B qui obtient l’attribution judiciaire en premier, par exemple parce que sa créance est exigible en premier, ce transfert de propriété ne peut pas préjudicier à A. En conséquence, A pourra, bien sûr, exercer son droit de préférence sur la somme éventuellement consignée mais, si cela ne suffit pas à le satisfaire ou si cette somme n’existe pas, il pourra aussi, cette fois, exercer son droit de suite à l’encontre de B car le droit de A est préférable à celui de B.
Enfin, si A et B demandent tous les deux, en même temps, l’attribution judiciaire, celle-ci doit, bien sûr, être effectuée au profit de A, premier en rang, B ne pouvant alors exercer son droit de préférence que sur la somme éventuellement consignée.
SECTION III : Les effets de l’hypothèque dans les rapports entre le créancier hypothécaire et le tiers détenteur : l’exercice du droit de suite
L’hypothèque étant un droit réel accessoire, elle grève l’immeuble qui en est l’objet, même si celui-ci passe entre d’autres mains que celles du constituant. Dans l’hypothèse où l’immeuble hypothéqué de façon régulière.
S’agissant des droits et obligations des parties dans ce rapport, il apparaît que le législateur OHADA n’a pas apporté de réformes substantielles. Le créancier hypothécaire dispose toujours d’un droit de suite sous réserve de l’exercice, par le tiers détenteur, de la purge ou de la faculté de délaissement. Ces questions n’ayant pas fait l’objet de modifications, elles ne seront pas traitées ici, de même que celles relatives à la transmission et à l’extinction de l’hypothèque pour lesquelles le nouvel AUS n’a fait que reprendre des dispositions qui existaient déjà sous l’empire du droit antérieur à son entrée en vigueur.
[1] AUS, art. 197
[2] Ces multiples contraintes avaient du reste conduit les praticiens à envisager d’autres moyens de réalisation des garanties hypothécaire. Il s’agit de la clause de voie parée qui dispense le créancier de recourir à la saisie immobilière pour la réalisation de sa garantie(en droit OHADA, cette clause demeure formellement proscrite puisque l’article 198 dispose que les parties ne peuvent conventionnellement déroger aux règles de la saisie immobilière dans la réalisation de leur garantie) et du pacte commissoire qui, quant à lui, a été formellement consacré.
[3] Pour la saisie immobilière, cf. Titre VIII, art. 246-323 de l’Acte uniforme portant procédures simplifiées de recouvrement et voies d’exécution (AUPSRVE).
[4] Pour la procédure de suspension des poursuites, cf. AUPSRVE, art. 264.
[5] AUPSRVE, art. 265.
[6] AUPSRVE, art. 254.
[7] L’intérêt de la saisie est de rendre l’immeuble incessible, de sorte à ce que les fruits et les loyers soient immobilisés et grossissent l’assiette de la sûreté.
[8] Cf. Anoukaha F., Cissé- Niang A., Foli M., Issa-Sayegh J., Yankhoba Ndiaye I. et Samb M., OHADA, Sûretés, op. cit., p.193.
[9] Pour une analyse plus approfondie de l’obligation d’information de conseil du banquier, cf. Boucard F., les obligations d’information et de conseil du banquier, PUAM, 2002.
[10] Aynès L. et Crocq P., Les sûretés – la publicité foncière, Defrénois, 5e éd., 2011, n°686 et s.
[11] Sur le domaine d’application de l’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué, en droit français : « En l’état actuel des textes, elle n’est pas tout d’abord ouverte qu’en cas d’hypothèque conventionnelle, ce qui n’a guère de sens. Pour étendre l’attribution judiciaire à l’hypothèque légale, à l’hypothèque judiciaire ainsi qu’aux privilèges, la loi du 20 février 2007 ratifiant l’ordonnance du 23 mars 2006 a supprimé la subdivision du chapitre relatif à l’effet des privilèges et des hypothèques comprenant les articles 2458 à 2460 et une section consacrée aux dispositions générales. De la sorte, l’attribution judiciaire se trouvant ainsi incluse au sein des dispositions applicables aux effets de tous les privilèges et hypothèques était censée voir son domaine d’application étendu. Le législateur a, toutefois, négligé le fait que l’article 2458 continue à ne viser que la convention hypothécaire, le créancier hypothécaire et l’immeuble hypothéqué, ce qui rend douteuse son application en matière de privilège » (Aynès L. et Crocq P., préc., n°686).
En droit OHADA, la faculté de demander l’attribution judiciaire de l’immeuble hypothéqué a été prévue dans les dispositions générales. En outre, le législateur OHADA a pris le soin, dans la rédaction de l’article 198, de ne pas employer une terminologie qui serait spécifique à l’hypothèque conventionnelle. Il s’infère de tout ceci qu’en droit OHADA, l’attribution judiciaire peut être demandée quelle que soit la source de l’hypothèque (conventionnelle, légale ou judiciaire). En revanche, l’article 198 ne faisant aucune référence aux privilèges, on en déduit fort logiquement que ses dispositions ne leur sont pas applicables.
[12] Ce qui en toute logique devrait pouvoir résulter d’une simple mise en demeure restée sans effet.
[13] S’agissant d’une action réelle immobilière, la compétence territoriale devrait revenir à la lex situs, c’est-à-dire au lieu de situation de l’immeuble. Quant à la compétence matérielle, celle-ci devrait revenir à la juridiction de droit commun compétente en matière réelle immobilière. Il s’agira, en fonction des Etats parties, du Tribunal de Grande Instance au Burkina Faso ou encore du Tribunal de Première Instance en Côte d’Ivoire.
[14] AUS, art.200, al. 1er : « Dans les cas prévus aux alinéas précédents, l’immeuble doit être estimé par un expert désigné amiablement ou judiciairement(…) ».
[15] Art.200, al.2.
[16] AUPSRVE, art.246 à 334.
[17] A cet égard, le législateur OHADA, en vue de lever toute équivoque, aurait pu s’inspirer des dispositions de l’article 2 de l’ Acte uniforme sur les procédures collectives d’apurement du passif qui a utilisé les formules suivantes : « (…) toute personne physique ou morale commerçante et à toute personne morale de droit de droit privé non commerçante, à toute entreprise publique ayant la forme d’une personne morale de droit privé (…) ».
[18] Les sociétés commerciales (SA, SARL, SNC, et SCS).
[19] Les associations, fondations, etc., qui ne sont pas nécessairement soumises à l’obligation d’immatriculation.
[20] AUS révisé, art.200, al.2.
[21] AUS, art.225, 3°).
[22] En droit français, la préférence est donnée au créancier dont le titre est plus ancien (C. civ., art.2134, al.2). Mais si l’un
[23] Cf. Cass. 3e civ., 15 févr. 1972, n° 70-13.094, D. 1972, jur., p.463.