L’inscription des sûretés mobilières au registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM)
La centralisation des règles de publicité :
Avant la réforme de l’AUS et de l’AUDCG, les règles relatives à l’inscription et à l’opposabilité des sûretés ne se trouvaient pas toutes au même endroit : elles avaient leur siège en partie dans l’ancien AUDCG (art. 44 à 68) et dans l’ancien AUS (art. 40, 67,72,74,77 à 90, 95,96,99,102,108), soit un total de quarante-huit articles, ce chiffre important étant lié au fait qu’il existait autant de régimes juridiques de l’inscription des sûretés mobilières que de sûretés concernées. La réforme de l’AUS et de l’ AUDCG met fin à cette multiplication des textes en créant un droit commun de l’inscription des sûretés réelles mobilières qui est désormais régi par les articles 51 à 66 du nouvel AUS.
Cette centralisation des règles relatives à la publicité des sûretés mobilières a été également l’occasion d’une amélioration de celles-ci puisque, d’une part, les modalités d’inscription des sûretés ont été assouplies (section I) et que, d’autre part, ses effets ont été précisés et renforcés (section II).
SECTION I : L’évolution des modalités d’inscription des sûretés mobilières
A. Le maintien de règles usuelles en matière de compétence territoriale
S’agissant de la compétence territoriale pour recevoir l’inscription d’une sûreté réelle mobilière, la réforme du droit des sûretés de l’OHADA n’innove guère puisque l’article 52, alinéa 2, du nouvel AUS commence, tout d’abord, par reprendre la règle usuelle suivant laquelle l’inscription se fait au registre du commerce et du crédit mobilier (RCCM) « dans le ressort duquel est immatriculé le constituant de la sûreté ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation d’immatriculation, au registre où est situé, selon le cas, le siège ou le domicile du constituant ».
Par la suite, ce texte procède aux adaptations nécessaires de cette règle lorsque les sûretés ont pour objet des créances, des parts sociales, des fonds de commerce ou encore, lorsqu’il s’agit de privilèges, en reprenant, pour une bonne part, ce qui existait déjà dans l’ancien AUS, et c’est ainsi que l’article 52 énonce, dans ses alinéas 3 à 6, que :
- Le registre du commerce et du crédit mobilier compétent pour recevoir l’inscription des nantissements de créance ou des cessions de créance à titre garantie est celui dans le ressort duquel est immatriculé le débiteur de cette créance ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation d’immatriculation, celui dans le ressort duquel est situé, selon le cas, le siège ou le domicile de ce débiteur ;
- Le registre du commerce et du crédit mobilier compétent pour recevoir l’inscription du nantissement des droits d’associés et de valeurs mobilières d’une société commerciale ou d’une personne morale assujettie à l’immatriculation est celui dans le ressort duquel est immatriculée cette société ou cette personne morale ;
- Le registre du commerce et du crédit mobilier compétent pour recevoir l’inscription du nantissement de fonds commerce et du privilège du vendeur de fonds de commerce est celui dans le ressort duquel est immatriculée par la personne physique ou morale propriétaire du fonds ;
- Le registre du commerce et du crédit mobilier compétent pour recevoir l’inscription des privilèges généraux du Trésor, de l’administration des douanes et des institutions de sécurité sociale est celui dans le ressort duquel est immatriculé le redevable ou, s’il n’est pas soumis à l’obligation d’immatriculation, celui dans le ressort duquel est situé, selon le cas, le siège ou le domicile du redevable.
Enfin, ce texte a pris en compte la création de l’entreprenant par le nouvel AUDCG en énonçant, dans son dernier alinéa, que : « les règles de compétence relatives à l’inscription des sûretés concernant l’entreprenant sont les mêmes que celles applicables à l’assujetti à l’immatriculation ».
Si la réforme de l’AUS n’innove guère en matière de compétence territoriale, il en va différemment, en revanche, s’agissant de la compétence pour requérir l’inscription, des formalités de celle-ci ainsi que du contrôle de sa régularité.
B. L’élargissement de la compétence pour requérir l’inscription
S’agissant de la compétence pour requérir l’inscription, l’article 52 du nouvel AUS ne s’est pas contenté de préciser ce qu’il en était dans le cas des privilèges mobiliers (ce qui apparait dans son alinéa 2 selon lequel « l’inscription des privilèges généraux du Trésor, de l’Administration des douanes et des institutions de Sécurité Sociale est effectuée à la diligence du comptable public de l’administration créancière »). En effet, l’apport essentiel de cet article a consisté, dans son alinéa 1er, à prévoir que, dans le cas des sûretés mobilières conventionnelles, l’inscription peut être faite non seulement à la demande du créancier, mais aussi à celle de l’agent des sûretés( que le nouvel AUS met en place) et même à la requête du constituant de la sûreté, ce qui peut être utile, en pratique, lorsque le créancier est une société étrangère n’ayant pas de représentant sur place pour demander l’inscription.
C. L’assouplissement des formalités d’inscription
Le contenu des formulaires d’inscription (cf., ci- après, n° 460 et s.) est régi par l’article 53 du nouvel AUS, selon lequel :
« Aux fins d’inscription, le créancier, l’agent des sûretés, le constituant ou le cas échéant le comptable public, présente au Greffe chargé de la tenue du Registre du Commerce et du Crédit Mobilier, ou à l’organe compétent dans l’Etat Partie ( cette précision ayant été apportée pour envisager l’hypothèse où le RCCM ne serait pas tenu par le greffe d’une juridiction), un formulaire d’inscription portant mention :
a. Des nom, prénom, dénomination sociale, domicile ou siège social et s’il y a lieu, les coordonnées électroniques et le numéro d’immatriculation ou de déclaration d’activité (ce qui correspond au cas de l’entreprenant) du créancier ou de l’agent des sûretés, du débiteur de la créance garantie et du constituant s’il n’est pas ce débiteur ;
b. De la nature et de la date du titre générateur de la sûreté ;
c. Le cas échéant, de la durée de l’inscription convenue par les parties ;
d. Du montant maximum de la créance garantie comprenant le principal, les intérêts et autres accessoires, de la date de son exigibilité et de l’existence d’un pacte commissoire. Pour les créances futures, le formulaire mentionne les éléments permettant de les déterminer ;
e. Le cas échéant, de la faculté pour le constituant d’aliéner les biens fongibles grevés par la sûreté dans les conditions prévues par l’article 102 du présent Acte Uniforme ;
f. De la désignation du bien grevé avec l’indication des éléments permettant de l’identifier, notamment sa nature, son lieu de situation et, le cas échéant, sa marque ou son numéro de série, ou, lorsqu’il s’agit d’un ensemble de biens présents ou futurs, leur nature, qualité, quantité ou valeur.
Lorsque la sûreté a pour objet une créance ou un ensemble de créances, actuelles ou futures, la désignation du ou des biens grevés requiert l’indication des éléments de nature à permettre l’individualisation de cette ou de ces créances, tels que l’indication du débiteur, le lieu de paiement, le montant des créances ou leur évaluation et leur échéance.
En cas de nantissement des droits des associés et valeurs mobilières d’une société commerciale et ceux cessibles de toute autre personne morale, le formulaire porte, en outre, mention du numéro d’immatriculation de la société dont les droits d’associés et valeurs mobilières font l’objet de ce nantissement.
En cas de nantissement ou de vente d’un fonds de commerce, le formulaire requérant l’inscription du nantissement ou du privilège du vendeur porte, en outre, mention du numéro d’immatriculation de la personne physique ou morale propriétaire ou exploitant du fonds sur lequel est requise l’inscription du nantissement ou du privilège du vendeur ».
Ce faisant, l’article 53 du nouvel AUS reprend les exigences anciennes relatives au contenu du formulaire d’inscription, mais :
- En les adaptant au nouveau régime juridique des différentes sûretés réelles ( par exemple le pacte commissoire s’il a été prévu doit être publié, ce qui est particulièrement important pour la sécurité des tiers) et notamment en tenant compte du fait qu’elles peuvent avoir pour objet des biens, ou des ensembles de biens, actuels ou futurs ( on remarquera ici que les énumérations des éléments susceptibles de permettre l’individualisation des créances garanties ou des biens grevés sont purement indicatives, les auteurs de la réforme n’ayant ici donné qu’une liste non limitative d’exemples) ;
- En supprimant l’exigence de la production du titre initial constatant la créance garantie, ce qui pouvait être une formalité particulièrement gênante pour des investissements importants dans le cas de contrats de crédit rédigés en anglais et comportant des dizaines de pages qu’il fallait traduire ;
- Et en adaptant ces exigences au fait que l’inscription peut avoir lieu par voie purement électronique, l’inscription se faisant sur un formulaire unique dématérialisé et envoyé par voie électronique au greffe de la juridiction ou de l’autorité chargée de la tenue du registre, la suppression de l’exigence de la production du titre initial étant encore plus nécessaire dans ce cas.
Il faut ici remarquer que, parallèlement, la réforme de l’AUDCG, qui a été adoptée en même temps que celle de l’AUS, assouplit, elle aussi, ce régime de publicité, et ce, à un double titre :
- D’une part, en permettant l’information du RCCM, ainsi que l’accomplissement des formalités de publicité par voie électronique ;
- Et, d’autre part, en donnant aux Etats membres de l’OHADA la possibilité de désigner un RCCM national unique et informatisé chargé de recueillir toutes les inscriptions de sûretés et de contrats de crédit- bail.
Ces innovations devraient aussi bien faciliter les inscriptions, ce qui est particulièrement utile dans la perspective d’une forte augmentation du nombre de celles-ci (notamment liée au fait que l’opposabilité de toutes les sûretés sur créances sera désormais soumise à une exigence de publicité), que la prise de renseignement par les tiers. Ce faisant, et si ces possibilités théoriques connaissent une réelle consécration pratique, ce nouveau régime de publicité prendra une grande part au renforcement de l’attractivité des sûretés mobilières constituées dans la zone OHADA.
D. L’assouplissement du contrôle de la régularité de l’inscription
Le contrôle de la régularité des inscriptions de sûretés peut être envisagé de deux manières différentes :
- Le législateur peut, tout d’abord, faire le choix d’un contrôle a priori avec une vérification de la conformité des bordereaux d’inscription aux actes dont la publication est demandée. Un tel système, qui était celui de l’ancien AUS, a l’avantage de présenter une grande sécurité, mais il a l’inconvénient de retarder l’inscription des sûretés et donc l’opposabilité des sûretés ;
- Le législateur peut, à l’inverse, faire le choix d’un contrôle essentiellement a posteriori, en réduisant très fortement le contrôle exercé par l’autorité en charge du RCCM au moment de l’inscription et en considérant que le contrôle doit se faire principalement par l’autorité judiciaire en cas de contestation ultérieure de l’inscription. Tel est le choix qui est préconisé par le guide législatif sur les opérations garanties adopté le 11 décembre 2008 par la CNUDCI, dont l’article 54 (d) énonce que « Le conservateur du registre n’exige pas la vérification de l’identité de la personne procédant à l’inscription ni de l’existence d’une autorisation pour procéder à l’inscription de l’avis, et ne réalise aucun examen approfondi de la teneur de l’avis ». Ce choix est sans doute celui qui est le plus en cohérence avec l’informatisation des registres de publicité car l’accomplissement de formalité en ligne est difficilement compatible avec l’existence d’un contrôle « sur pièces » effectué par l’autorité en charge de la tenue du registre de publicité.
Certes, le risque existe qu’un créancier inscrive une sûreté pour un montant fantaisiste, mais l’expérience des pays étrangers ayant effectué un tel choix montre que ce risque est négligeable au regard des avantages apportés par l’informatisation de la publicité des sûretés.
C’est ce second choix qui a été retenu lors de la réforme du droit des sûretés de l’OHADA et le contrôle de la régularité de l’inscription qui est prévu par l’article 54 du nouvel AUS doit être effectué immédiatement( l’inscription devant avoir lieu sans délai si le formulaire est conforme aux exigences légales selon l’article 55) et se limite à la vérification du formulaire requérant l’inscription afin de s’assurer qu’il convient bien les mentions obligatoires exigées et ce, sans avoir à comparer ce formulaire avec quelque autre document.
Ce contrôle a priori étant tenu, les possibilités de recours contre les décisions d’inscription ou de rejet d’inscription ont été évidemment maintenues et réglementées en les assortissant de brefs délais, dans les articles 54 et 61 du nouvel AUS pour tenir compte :
- D’une part, de la nécessité de protéger le constituant ou le requérant à l’encontre de l’acceptation d’une inscription non fondée ou, inversement, du rejet d’une inscription alors que celle-ci serait régulière (ce qui suppose que le constituant et le requérant soient avertis de l’inscription par le greffier) ;
- Et, d’autre part, de la nécessité d’avoir, autant que faire se peut, une procédure commune en la matière, les délais de recours prévus par la procédure civile des Etats membres de l’OHADA pouvant parfois s’avérer ici inadaptés.
SECTION II : L’évolution des effets de l’inscription des sûretés mobilières
A. L’allongement de la durée des effets de l’inscription d’une sûreté conventionnelle
L’AUS, dans sa version initiale, affirmait que l’inscription des sûretés réelles mobilières produisait effet pendant trois ans dans le cas des sûretés légales( privilèges généraux du Trésor, de l’administration des douanes et des institutions de sécurité sociale), ce qui était parfaitement satisfaisant, et pendant cinq ans dans le cas des sûretés conventionnelles, ce qui l’était beaucoup moins. En effet, un délai de cinq ans est souvent insuffisant dans le cas des sûretés conventionnelles et un tel délai imposait donc souvent un renouvellement de l’inscription, ce qui était une source de frais et donc un frein au crédit et à l’investissement.
La réforme du droit des sûretés de l’OHADA a donc décidé, à la fois, de maintenir le délai de trois ans dans le cas des sûretés légales (art. 58, al. 1, du nouvel AUS) et de laisser les parties librement déterminer la durée des effets de l’inscription des sûretés conventionnelles, dans la limite, toutefois, de dix ans, ce qui constitue un maximum plus raisonnable (art. 58, al.2, du nouvel AUS).
Une telle durée maximale est ici une absolue nécessité. En effet, l’impératif de sécurité juridique a pour conséquence qu’il faut permettre aux tiers qui se renseignent sur l’existence ou l’absence d’une inscription de ne pas avoir à remonter trop loin dans le temps pour effectuer leurs recherches.
Pour la même raison, il est également impératif que les tiers puissent connaître le montant maximum susceptible d’être garanti par une sûreté et c’est pour cela qu’il est précisé que l’inscription garantit, au maximum, le principal et deux années d’intérêts (art. 58, al.4, du nouvel AUS).
Outre cet allongement de la durée des effets de l’inscription d’une sûreté mobilière conventionnelle, l’amélioration des effets de l’inscription procède également d’une réglementation plus précise des conflits pouvant survenir entre sûretés réelles mobilières.
B. La nouvelle réglementation des conflits de sûretés
Le fait de soumettre toutes les sûretés réelles mobilières sans dépossession à une exigence de publicité à peine d’inopposabilité a un avantage évident de sécurité juridique pour les tiers, mais il aussi un inconvénient qui est de multiplier les hypothèses dans lesquelles deux sûretés publiées peuvent entrer en conflit, ce qui implique que le législateur envisage les différentes hypothèses possibles de conflit, y compris celles qui ne peuvent être que rarissimes en pratique.
C. Les conflits entre un créancier titulaire d’une sûreté réelle sans dépossession et un tiers possesseur du bien
Lorsqu’un créancier bénéficiaire d’une sûreté mobilière sans dépossession entre en conflit avec un tiers pouvant se prévaloir de la règle « en fait de meubles possession vaut titre », qu’il s’agisse d’un autre créancier titulaire d’une sûreté avec dépossession ou d’un tiers acquéreur du bien grevé, le principe est que celui qui l’emporte est celui dont le droit est devenu opposable aux tiers en premier.
En conséquence, le créancier bénéficiaire d’un gage avec dépossession ou le tiers acquéreur l’emporte sur le titulaire d’une sûreté dont l’opposabilité est soumise à l’accomplissement d’une formalité de publicité lorsque l’entrée en possession du bien est antérieure à l’accomplissement de la formalité de publicité (art. 57, al. 1, et art. 107, al.3, du nouvel AUS).
Inversement le créancier bénéficiaire d’un gage dépossession, sûreté dont l’opposabilité est soumise à l’accomplissement d’une formalité de publicité, l’emporte sur le créancier bénéficiaire d’un gage avec dépossession ou le tiers acquéreur lorsque l’accomplissement de la formalité de publicité a été antérieur à l’entrée en possession du bien et ce, nonobstant le droit de rétention du second créancier gagiste ou l’application de la règle « en fait de meubles possession vaut titre » au profit d’un tiers acquéreur (art. 67, 97 et 107, al.2, du nouvel AUS).
Deux observations viennent toutefois tempérer l’application de ce principe :
- Tout d’abord, la prééminence de l’accomplissement de la formalité de publicité sur une mise en possession ultérieure ne s’applique pas totalement dans le cas d’une clause de réserve de propriété. En effet, le fait que la réserve de propriété ait été publiée empêche, certes, un tiers acquéreur d’être considéré comme étant de bonne foi ( à moins que la nature du bien soit telle qu’il soit destiné à être revendu par l’acheteur et que le bénéficiaire de la réserve de propriété ait autorisé cette revente), mais elle n’empêche pas ( en l’absence de prévision légale expresse en ce sens) un autre créancier de se prévaloir d’un droit de rétention sur le bien car la bonne foi n’est pas une condition de l’exercice du droit de rétention ;
- Ensuite, la publicité des sûretés réelles mobilières est, en principe, d’une publicité personnelle, c’est-à-dire une publicité qui s’effectue par référence à la personne du constituant, ce qui est le seul système de publicité concevable lorsqu’une sûreté a pour objet un bien susceptible d’être déplacé et qui ne peut pas être immatriculé. C’est d’ailleurs ce même système qui a été consacré en France lors de la réforme du droit des sûretés intervenues en 2006 dans le cas de la publicité du gage en s’inspirant de ce qui existait déjà en matière de publicité du contrat de crédit-bail mobilier. Ce système est cependant nécessairement moins fiable qu’un système de publicité réelle (la référence au lieu de situation du bien grevé) car même si l’on prévoit que l’accomplissement de la formalité de publicité empêche un ayant cause à titre particulier du constituant de se prévaloir de sa bonne foi en invoquant l’application de la règle « en fait de meubles possession vaut titre », une règle similaire ne saurait être appliquée à l’encontre d’un éventuel ayant cause de cet
ayant cause dans la mesure où ce dernier n’a pas la possibilité de connaître l’existence.
D. Les conflits entre créanciers titulaires de sûretés dont l’opposabilité est soumise à l’accomplissement d’une formalité de publicité
S’agissant des conflits entre créanciers titulaires de sûretés dont l’opposabilité est soumise à l’accomplissement d’une formalité de publicité, ils sont résolus facilement lorsque les sûretés n’ont pas été publiées le même jour. Dans ce cas, en effet, c’est l’ordre des inscriptions qui donne la solution du conflit.
En revanche, cette règle est inutilisable lorsque les inscriptions ont été prises le même jour et il a donc fallu prévoir les différentes hypothèses de conflits possibles et les résoudre à l’avance, ce qui est l’objet de l’article 57 du nouvel AUS, lequel suscite deux catégories de remarques :
- Tout d’abord, on y retrouve, appliquées aux sûretés mobilières, certaines règles bien connues du droit de la publicité foncière. Tel est le cas de l’alinéa 2 de cet article, selon lequel « si les inscriptions de sûretés concurrentes grevant un même bien sont requises le même jour, celle qui est requise en vertu du titre dont la date est la plus ancienne est réputée avoir été inscrite en premier, quel que soit l’ordre du registre susvisé », et du début de l’alinéa 3 dudit article selon lequel « si les inscriptions de sûretés concurrentes grevant un même bien sont requises le même jour en vertu de titres ayant la même date, les sûretés sont réputées de même rang (…) » ;
- Ensuite, il a fallu prendre en compte, dans ce texte, le fait que l’opposabilité des propriétés- sûretés sans dépossession est soumise à l’accomplissement d’une formalité de publicité dans le nouveau droit des sûretés de l’OHADA.
Ceci a eu pour conséquence, d’une part, l’admission d’une exception au principe d’égalité de rang posé par l’alinéa 3 de l’article 57 qui, après avoir affirmé que « si les inscriptions de sûretés concurrentes grevant un même bien sont requises le même jour en vertu de titres ayant la même date, les sûretés sont réputées de même rang (…) », ajoute immédiatement « à l’exception des cessions à titre de garantie et réserves de propriété qui sont alors réputées inscrites avant les autres sûretés dont l’inscription a été requise le même jour, quel que soit l’ordre du registre susvisé ».
L’utilité de ce dernier alinéa de l’article 57 ne fait pas de doute car il a bien fallu envisager, même si cela sera rarissime en pratique, le cas où deux cessions à titre de garantie ayant pour objet la même créance auraient lieu le même jour et seraient publiées le même jour. Dans ce cas, la seule solution possible consiste à organiser un concours entre les deux cessionnaires, ce que fait ce dernier alinéa en affirmant que les deux cessionnaires sont alors copropriétaires de la créance à proportion du montant de chaque créance garantie.
L’utilité de l’avant- dernier alinéa de l’article 57 peut, en revanche, paraître plus douteuse car un conflit de sûretés suppose par définition que les sûretés aient un même objet. Or, tel ne semble pas pouvoir être le cas puisque la réserve de propriété a pour objet, le plus souvent, un meuble corporel et que la cession à titre de garantie n’a été consacrée par la réforme de l’AUS que dans le cas de biens incorporels, à savoir les créances et les sommes d’argent. Mais croire cela serait oublié que la réserve de propriété peut se reporter sur la créance du prix de revente et que, de ce fait, elle peut alors entrer en conflit avec une cession à titre de garantie de cette même créance.
Dans ce cas et si la réserve de propriété et la cession à titre de garantie ont été inscrites le même jour, c’est la réserve de propriété qui doit logiquement l’emporter, ainsi que l’affirme l’avant-dernier alinéa de l’article 57, puisqu’elle a empêché le bien d’entrer dans le patrimoine du cédant.