La prise en charge intégrale des frais de médecins conseils même en cas d'indemnisation partielle
Par arrêt du 15 juin 2018 (CE, 5ème ch, 15 juin 2018, n° 409961), le Conseil d'Etat considère que les frais de médecins conseils exposés par une victime dans le cadre de son assistance lors des opérations d'expertise pour faire valoir ses droits à indemnisation, doivent être indemnisés en totalité, même si l'indemnisation allouée est partielle.
En l'espèce, les experts désignés ont retenu un taux de perte de chance de 25 %.
Toutefois, le Conseil d'Etat estime que ce taux ne doit pas s'appliquer à ce poste de dépenses engagées par la victime dès lors que celles-ci auraient pu être évitées si "l'ONIAM avait accepté d'acccorder aux requérants l'indemnité qui leur était due."
La victime doit envisager l’ensemble de son dossier pour la reconnaissance de la totalité de ses préjudices avec un avocat habitué à ce type de saisine, de négociations et de combat.
Conseil d'État
N° 409961
ECLI:FR:CECHS:2018:409961.20180615
Inédit au recueil Lebon
5ème chambre jugeant seule
M. Marc Lambron, rapporteur
M. Nicolas Polge, rapporteur public
SCP LEVIS ; SCP SEVAUX, MATHONNET, avocats
lecture du vendredi 15 juin 2018
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Par une décision du 22 décembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de Mme A...B...et autres dirigées contre l'arrêt n° 14PA00094 du 22 février 2017 de la cour administrative d'appel de Paris en tant seulement que cet arrêt se prononce sur l'indemnisation des frais exposés par Mme B...pour bénéficier de l'assistance de médecins en cours de procédure.
Par un mémoire en défense, enregistré le 9 mars 2018, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) conclut au rejet du pourvoi et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme B...et autres. Il soutient que les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés.
Par un mémoire en réplique, enregistré le 27 mars 2018, Mme B...et autres reprennent les conclusions de leur pourvoi et les mêmes moyens.
Le pourvoi a été communiqué à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à la ville de Paris, qui n'ont pas produit de mémoire.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la santé publique ;
- Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Marc Lambron, conseiller d'Etat,
- les conclusions de M. Nicolas Polge, rapporteur public.
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Lévis, avocat de Mme B...et autres, et à la SCP Sevaux, Mathonnet, avocat de l'ONIAM.
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que Mme B... et autres ont demandé au juge administratif de mettre à la charge de l'ONIAM l'indemnisation de divers troubles qu'ils imputaient à des injections obligatoires de vaccin contre l'hépatite B reçus par Mme B...entre avril 1995 et février 2003 ; que, par un arrêt du 19 juin 2014, la cour administrative d'appel de Paris a retenu l'existence d'un lien direct et certain entre ces injections et une myofasciite à macrophages diagnostiquée chez Mme B... ; que, relevant que la victime présentait également d'autres pathologies, elle a ordonné, avant dire droit, une expertise médicale afin de déterminer la part de ses troubles liée à la myofasciite à macrophages ; qu'au vu du rapport de l'expert, la cour, par un arrêt du 22 février 2017, a fixé cette part à 25 % et arrêté en conséquence les indemnités mises à la charge de l'ONIAM ; que, par un arrêt du 22 décembre 2017, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux a prononcé l'admission des conclusions du pourvoi de Mme B...et autres dirigées contre cet arrêt en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation des frais exposés par l'intéressée pour bénéficier en cours de procédure de l'assistance de médecins afin d'évaluer ses troubles et déterminer leur origine ;
2. Considérant que la cour a estimé, par une appréciation souveraine exempte de dénaturation, que plusieurs factures d'expertise médicale produites par les requérants correspondaient à des frais qu'ils avaient dû exposer pour faire valoir leurs droits à indemnité à l'égard de l'ONIAM ; qu'elle en a déduit à bon droit que ces frais devaient être inclus dans l'assiette des préjudices qu'il revenait à l'ONIAM d'indemniser ; que, toutefois, en appliquant au montant de ces factures le taux de 25 % mentionné ci-dessus, alors que l'ensemble des frais en cause aurait pu être évité si l'ONIAM avait accepté d'accorder aux requérants l'indemnité qui leur était due et que, par suite, ils devaient être indemnisés en totalité, la cour a méconnu le principe de réparation intégrale du préjudice et commis une erreur de droit ; que son arrêt doit, par suite, être annulé en tant qu'il concerne ce chef de préjudice ;
3. Considérant qu'aux termes du second alinéa de l'article L. 821-2 du code de justice administrative : " Lorsque l'affaire fait l'objet d'un second pourvoi en cassation, le Conseil d'Etat statue définitivement sur cette affaire " ; qu'il y a lieu, par suite, de régler l'affaire au fond ;
4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme B...et autres ont produit six notes d'honoraires d'un montant total de 3 650 euros émanant de médecins et correspondant à un compte-rendu d'expertise, deux bilans ergothérapiques, un bilan neuropsychologique, une analyse du dossier médical de la victime et une note technique ; que ces documents ont été demandés par les intéressés aux fins de déterminer l'étendue des préjudices résultant de la vaccination de Mme B...et de faire valoir leurs droits à indemnisation par l'ONIAM ; que la cour ayant condamné l'ONIAM à indemniser les requérants des préjudices ayant résulté de cette vaccination, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM le montant intégral des frais en cause ;
5. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de Mme B...et autres, qui ne sont pas, dans la présente instance, la partie perdante ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions pour mettre à la charge de l'ONIAM une somme globale de 2 000 euros à verser à Mme B...et autres ;
D E C I D E :
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Article 1er : L'arrêt du 22 février 2017 de la cour administrative d'appel de Paris est annulé en tant qu'il se prononce sur l'indemnisation due à Mme B...au titre des frais exposés par elle pour bénéficier de l'assistance de médecins afin d'évaluer son état de santé.
Article 2 : L'ONIAM versera la somme de 3 650 euros à Mme B...au titre de ces frais.
Article 3 : L'ONIAM versera une somme globale de 2 000 euros à Mme B...et autres au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par l'ONIAM au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : La présente décision sera notifiée à Mme A...B..., première requérante dénommée, et à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales.
Copie en sera adressée à la caisse primaire d'assurance maladie de Paris et à la ville de Paris.