Après s’être tiré entre les pattes entre assureurs via des messages brouillés, voilà un autre conflit qui se dessine, celui d’un assuré - un restaurateur - contre son assureur – AXA.
En effet, l’assureur AXA France refusait de prendre en charge l’indemnisation au titre des pertes d’exploitations subies par son assuré au prétexte que la clause perte d’exploitation du contrat résultant de l’interdiction d’accueillir du public n’était pas prévue au contrat, en cas de pandémie.
Autrement dit, AXA soutenait notamment que la pandémie, par son caractère systémique et global, empêchait toute mutualisation du risque car l’ensemble de la population était touché en même temps et donc n’était pas couvert même si la clause perte d’exploitation était souscrite au contrat d’assurance.
L’assuré a alors contesté cette analyse au motif que son contrat prévoyait la clause perte d’exploitation et qu’elle devait s’appliquer dans son cas.
Par décision du 22 mai 2020, le juge des référés (dit des urgences) a fait droit aux demandes de l’assuré et a condamné à AXA France d’avoir à verser au restaurateur la somme de 72 878.33 euros sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la signification de l’ordonnance.
Cette somme n’est qu’une avance sur le montant total de l’indemnisation.
Par ailleurs, le Tribunal a désigné un expert judiciaire pour évaluer le montant total des pertes d’exploitation subies par le restaurateur.
Ainsi, à travers cette décision, nous pouvons dire que :
- Le Tribunal rejette le caractère non assurable de la pandémie : il considère qu’AXA « ne s’appuie sur aucune disposition légale d’ordre public mentionnant le caractère inassurable d’une conséquence d’une pandémie. Il incombait donc à AXA d’exclure conventionnellement ce risque ». Or ce risque n’est pas exclu noir sur blanc dans le contrat signé entre les parties.
- Le Tribunal dit que la fermeture administrative ordonnée par les pouvoirs publics, s’analyse en une décision de fermeture administrative et aucune exclusion contractuelle ne vise le ministre.
Par conséquent, cette décision vient confirmer nos précédentes analyses à ce sujet.
En effet, nous avons toujours soutenu que les assureurs craignaient que la colère de leurs assurés se traduisent par des actions judiciaires massives contre eux et ce, pour plusieurs raisons :
Tout d’abord, l’argument financier avancé par les assureurs selon lequel les conséquences économiques dépasseraient largement les capacités des assureurs ne convainc pas, et pour cause, depuis 2009, le risque pandémique a été intégré au référentiel « Solvabilité 2 » dans l’évaluation du SCR (Solvency Capital Requirement), un indicateur mesurant la capacité d’un établissement de résister à d’éventuels chocs.
C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il n’existe aucune disposition légale d’ordre public mentionnant le caractère inassurable de la pandémie.
Au surplus, AXA France n’avait pas exclu la pandémie de ses contrats d’assurance professionnelle.
Ensuite, sur le plan juridique, la perte d’exploitation pour fermeture administrative sur ordre des autorités (notamment) est prévue dans certains contrats d’assurances (restaurations, soins, etc…).
Ainsi, pour être couvert de ses pertes d’exploitation, l’entreprise concernée doit remplir deux conditions cumulatives :
- avoir souscrit une police d’assurance couvrant la perte d’exploitation consécutive soit :
- a. à une fermeture totale ou partielle de l’établissement assuré,
- b. à une impossibilité d’accès aux locaux professionnels,
- c. à une fermeture administrative pour risque sanitaire via « une intoxication des clients »
- avoir fait l’objet d’une fermeture administrative décidée par l’autorité compétente,
L’article L.3131-1 du Code de la santé publique attribue un pouvoir de police au ministre de la Santé en cas de crise sanitaire.
Le 15 mars 2020, le ministre de la Santé a ordonné la fermeture administrative de tous les commerces non essentiels à la Nation. (l’arrêt ministériel du 15 mars 2020 publié au JO du 16 mars 2020).
Par conséquent, la décision des pouvoirs publics de fermer tous les commerces non essentiels à la Nation (l’arrêt ministériel du 15 mars 2020 publié au JO du 16 Mars 2020) s’analyse en une fermeture administrative par les autorités.
Enfin, la rédaction, souvent complexe, de nombreux contrats supposerait l’intervention des juges pour interpréter les clauses d’exclusions (non formelles, non limitées, non apparente) au regard des dispositions du Code des assurances et du Code civil.
Cette pratique conduira alors à invalider les clauses d’exclusions et donc à indemniser l’assuré.
C’est pourquoi, nous vous conseillons fortement de faire auditer vos contrats d’assurance.