I. INTRODUCTION
Le barreau serait-il en crise ?
Il ne serait pas aisé dans un article consacré à quelques aspects relatifs à la déontologie des avocats de faire abstraction des difficultés plus ou moins actuelles mais visiblement très croissantes de l’ordre qui regroupe les avocats. D’aucuns ne pourront contester que pour la déontologie, l’ordre est essentiel car elle en est l’ossature.
Par ailleurs, il est inconcevable d’imaginer un ordre sans garde-fou ; l’ordre est le véritable gardien de la déontologie par laquelle la jurisprudence se construit au fil des cas qui lui sont soumis. La déontologie est souvent présentée comme un ensemble de devoirs professionnels, renvoyant ainsi à la logique de son origine historique l’autorégulation. C’est dans cette optique que se place, par exemple, le vocabulaire juridique, Association H. CAPITANT, qui définit la déontologie comme « un ensemble de devoirs inhérents à l’exercice d’une activité professionnelle libérale »[1]
C’est la raison pour laquelle lorsque l’ordre est malade ou lorsqu’il est en crise, inévitablement son fonctionnement doit en payer le prix car l’élaboration de l’éthique et la morale en dépendent. Il s’avère dès lors important de dire un mot sur le concept « ordre ».Cependant, l’on ne peut parler de l’ordre sans faire allusion au vocable « barreau ».
Ecrire quelques lignes sur le barreau, dit PASCAL VANDERVEEREN, c’est s’inscrire dans une perspective ordinale, dont beaucoup penseront qu’elle sera forcément conservatoire et statique. Le risque doit être pris.[2]
La doctrine soutient qu’au concept de barreau se superpose celui de l’ordre qui a plutôt un sens institutionnel. C’est ainsi que sous la plume du Bâtonnier MBUY-MBIYE TANAYI l’on peut lire que « Autrement dit, un barreau est une institution autonome de l’ordre judiciaire qui rassemble tous les avocats qui sont admis à exercer près une cour d’appel, tandis que l’ordre désigne l’institution de droit public au tableau ou à la liste des stagiaires duquel, tout avocat doit être inscrit.
J. HAMELIN et A. DAMIEN estiment pour leur part que « …le conseil de l’ordre est l’organe délibérant, législatif et disciplinaire de chaque barreau. Il tire son origine de l’assemblée des anciens « députés par les bancs » ; en effet les avocats, depuis le moyen âge, se regroupaient par les bancs, jugeant qu’en raison de leur nombre c’était l’unique moyen de se retrouver facilement pour conférer des affaires du palais ou de leurs affaires propres ; ces bancs ,à Paris ,étaient placés auprès des piliers de la grande salle devenue aujourd’hui salle des pas perdus, et c’est auprès de ces bancs que les avocats rencontraient leurs clients,… »[3]
Le Bâtonnier MBUY poursuit, « En effet l’institution par la loi d’un ordre ou des ordres d’avocats se matérialise par la constitution et l’organisation de barreaux, qui ne découlent eux-mêmes que de la formation d’un tableau et éventuellement d’une liste de stage.
Comme l’écrit, le professeur CYR CAMBIER, « les ordres peuvent apparaître comme des corporations professionnelles régissant, sous un régime de self-government et à la faveur d’attributs empruntés aux pouvoirs, la pratique de profession »[4]. Le professeur J. VAN CAMPERNOLLE définit quant à lui les ordres comme « des institutions de droit public créées par la loi en vue d’assumer et d’assurer dans le ressort de certaines professions libérales, une mission d’intérêt général exercée avec des attributs de puissance publique, sous un régime d’autonomie »[5]
Si donc les barreaux sont autonomes comme organisations, seuls par contre les Ordres des avocats jouissent de la personnalité juridique et agissent par leurs organes qui sont l’assemblée générale, le conseil de l’ordre et le bâtonnier.[6]
En écrivant leur ouvrage commun sur l’avocat, le juge et la déontologie, EDOUARD DE LAMAZE et CHRISTIAN PUJALTE s’étaient interrogés en ces termes : « Ce livre est-il une provocation ? ». Comme le disait un de nos grands auteurs français, il n’y a aucune élégance à gifler les cadavres. Par contre la gifle a parfois ce caractère médicinal qui permet de ramener un être inconscient à la vie. L’objectif de l’ouvrage n’est pas de tirer délibérément sur l’ambulance mais d’éviter que l’ambulance se transforme en corbillard.
Est-il si utopique de prédire la mort d’une profession dont un éminent membre du barreau, collaborant à cet ouvrage, me disais avec ironie qu’il s’agissait du plus vieux métier du monde ? »[7] Nous pouvons aussi après ces auteurs nous poser la question suivante : cet article a-t-il une place parmi les avocats ? Seul le lecteur pourra être en mesure d’y répondre.
En effet au regard de la manière dont la profession tend à s’exercer, il y a lieu de relever qu’elle est en train de subir certaines pesanteurs qui si elles ne sont pas amorties avec circonspection, la profession va se mourir sans plus ni moins.
Il ne sera donc pas question d’accusation ou de viser certaines personnes au cours de cette étude, mais bien au contraire, c’est une opportunité pour dénoncer des pratiques en marge des règles qui régissent la profession d’avocat et qui ont tendance à s’affermir de plus en plus parmi les avocats.
Mais pour que le barreau puisse se ressaisir et retrouver à la fois son unité et l’autorité qu’il doit avoir pour représenter la Défense, il faut que chacun de ses membres et particulièrement les jeunes et les futurs avocats, puisse connaître le passé de l’Ordre, ses principes fondamentaux, sa philosophie ; les avocats ne peuvent avoir une connaissance de leur rôle éminent dans la société que s’ils connaissent véritablement leur passé et son évolution et sachent distinguer les constantes nécessaires des « accidents » occasionnels qui sont liés à des civilisations qui disparaissent au fur et à mesure que nous entrons dans l’histoire.[8]
Nous aurons donc à faire un très bref survol de quelques problèmes rencontrés dans l’exercice de la profession au regard des règles déontologiques par le temps qui court ou qui ne court plus selon le cas.
C’est la raison pour laquelle il ne nous a pas paru utile dans l’optique de cet article, consacré à quelques maux qui rongent la profession d’avocat, de procéder à la narration de l’évolution historique des textes qui régissent la profession. Il est certes vrai que ce ne sont peut être pas des faits nouveaux rencontrés dans la pratique de la profession. Néanmoins, il sied de relever que ces dernières années caractérisées par de nombreuses crises multidimensionnelles en République Démocratique du Congo, la profession d’avocat n’a pas été épargnée.
Notre étude, outre l’introduction sera suivie d’un développement composé de six points et enfin une conclusion la bouclera.
II. ETAT DES LIEUX DES CAUSES QUI RONGENT LA PROFESSION D’AVOCAT.
La pratique de la profession d’avocat au Congo ces dernières années tend de plus en plus à faire croire que l’avocat n’a plus une obligation des moyens mais plutôt celle des résultats. Ce qui le conduit à se comporter n’importe comment car le client pense-t-il doit absolument trouver satisfaction même au-delà du possible car il en va de la survie de l’avocat.
La crise multisectorielle qu’a connue le pays et qui continue à l’orner fait de sorte qu’à chaque jour qui passe en République Démocratique du Congo les conditions professionnelles de l’avocat comme celles des autres professionnels ne font que se détériorer de plus en plus, ce qui nous pousse à nous poser la question suivante : la profession d’avocat n’est-elle pas en voie de disparition ?
Plusieurs causes peuvent être à la base de cette situation parmi lesquelles nous pouvons énumérer les plus fréquentes notamment :
- La perte de l’indépendance de l’avocat
- La mauvaise qualité du client
- Le trafic d’influence
- L’intervention intempestive du politique dans la distribution de la justice
- La corruption
- Le traitement de l’avocat par l’avocat lui-même
Nous allons donc essayer de passer en revue ces différents points afin de permettre au lecteur à mieux cerner le contour de notre thème. Ainsi donc, nous allons voir l’indépendance de l’avocat (A), La qualité du client (B), Le trafic d’influence (C), L’intervention du politique (D), la corruption (E) et enfin le traitement de l’avocat par l’avocat (F) et en dernier lieu nous traiterons d’une question d’actualité au barreau de Lubumbashi.
2.1. L’indépendance de l’Avocat
La profession d’avocat est, par définition, une profession indépendante, une indépendance qui est le corollaire de celle du pouvoir judiciaire. A l’Ordre des avocats correspond le Conseil Supérieur de la Magistrature, chargés tous deux de veiller à cette indépendance. Toute relation qui mettrait en danger cette indépendance violerait le principe de sécurité juridique. L’indépendance des avocats est plus légitime encore que celle des juges, dont le statut exigeait qu’ils soient tous, successivement, socialistes, nationalistes et qui tentent aujourd’hui d’être libéraux. L’avocat n’a aucune couleur politique quand il défend le dictateur, l’opposant, la veuve et l’orphelin et parfois même, pourquoi pas, le diable![9]
L’indépendance de l’avocat est l’une des qualités sans laquelle un avocat ne peut exercer la profession sans énerver les règles déontologiques qui régissent la profession. L’avocat doit donc faire montre de beaucoup de circonspection et de délicatesse dans l’exercice de sa profession pour éviter de se comporter comme une marionnette à la merci de son client ou pour les intérêts de celui-ci.
C’est pourquoi l’avocat doit éviter de faire conditionner le paiement de ses honoraires à l’obtention d’un quelconque résultat car dans le dessein d’obtenir son paiement, il peut se permettre de faire du n’importe quoi pour se faire payer ses honoraires et là, l’avocat aura remis en cause le principe de son indépendance vis-à-vis de son client et se compromettra par rapport au respect des règles déontologiques.
L’on peut souligner par ailleurs , qu’il est interdit à l’avocat de passer avec ses clients des conventions aléatoires quant à ses honoraires en subordonnant le paiement des honoraires à l’obtention d’un résultat à l’issue du procès, ce qu’on appelle le pacte de quota litis.
HAMELIN et DAMIEN ne nous contrediront pas à ce propos lorsqu’ils disent ceci dans leur ouvrage commun « les règles de la profession d’avocat » : « Le pacte de quota litis est condamné par la loi (art10,L.31 déc.1971).Il consiste à fixer à l’avance les honoraires en fonction du résultat à intervenir. La convention de quota litis est réputée non écrite .Toutefois ne peut être assimilée à cette convention toute fixation des honoraires tenant compte de l’intérêt du litige et du résultat obtenu ou à obtenir, dès lors que ce résultat n’est pas l’élément exclusif de la détermination des honoraires. On peut dénommer alors une telle convention parfaitement licite « pacte de succès » (cf.D. BOCCARA « L’honoraire de l’avocat », p.97, cf. infra, le palmarium).[10]
Les mêmes auteurs s’agissant toujours du comportement de l’avocat, disent qu’ “il est interdit à l’avocat de faire quelque démarche, ou d’avoir toute conduite susceptible de compromettre son indépendance ou sa moralité. L’avocat doit demeurer indépendant a l’égard de tous, et notamment à l’égard de son client. Pour ce faire, il lui faut conserver son indépendance matérielle en s’abstenant de lier de manière étroite, ses honoraires au profit que le client retire du procès.
Par ailleurs, il doit sauvegarder son indépendance morale et intellectuelle, notamment en refusant ou en rendant un dossier si en conscience, il estime devoir le faire. Il doit enfin manifester son indépendance dans l’argumentation qu’il présente devant les tribunaux et peut même, dans certains cas, avoir une conception différente de celle de son client en ce qui concerne la défense des intérêts de ce dernier » [11]. Ceci éviterait à l’avocat de croire qu’il serait obligé de donner satisfaction à son client à tout prix. Dans le cas contraire, l’avocat serait tenté d’user de moyens détournés et illégaux afin de gagner le procès.
C’est ainsi que le respect des règles déontologiques doit s’imposer pour l’avocat. La déontologie doit demeurer la seule lanterne pour l’avocat car à défaut de celle-ci l’avocat ne peut être considéré comme un avocat. Ceci est tellement important que EDOUARD DE LAMAZE et CHRISTIAN PUJALTE n’ont pas manqué d’écrire à propos de la déontologie:
“Si l’on nous permettait de parodier quelque peu ANDRE MALRAUX, et sa désormais célèbre prophétie, nous serions tentés de dire que le XXIème siècle sera celui de la déontologie ou ne sera pas.
Ce qu’il faut bien considérer, à présent, comme un véritable phénomène de société ne cesse de croître, l’engouement pour cette matière, et tout ce quelle induit, ne se dément pas. Attestant de son omniprésence dans tous les domaines, il ressort d’une étude statistique sur le vocabulaire des hommes politiques français, toutes tendances politiques confondues, conduite au cours de l’année 2007, de surcroît année de l’élection présidentielle, que le terme “déontologie” est celui de “jeune”! Il n’y a pas un mois qui ne s’écoule sans son cortège d’articles, de conférences, de séminaires, de créations de commissions sur ce thème, quand ce n’est pas l’entrée en vigueur d’un décret ou d’une charte, et ce pour un nombre toujours plus large de professions. Même la diplomatie n’échappe pas à ce principe, le président de la République Nicolas Sarkozy souhaite y instiller un code de bonne conduite”.[12]
L’indépendance de l’avocat aujourd’hui est une vertu. Elle a longtemps été considérée par le pouvoir comme un défaut, une caractéristique encombrante ou la marque de l’inadaptation de l’avocat à s’insérer dans une société donnée.
Chez l’avocat français du début du XXIe siècle, l’indépendance est une caractéristique multiforme qui concerne de nombreux domaines de l’exercice professionnel. L’indépendance de l’avocat va d’une posture morale, que l’on peut assimiler au courage, jusqu’à la conquête de cet espace de libertés fonctionnel particulier qui lui permet de n’avoir pas de comptes véritables à rendre à son client, dès lors qu’il est établi qu’il a, généralement, voulu servir ses intérêts.[13]
L’indépendance de l’avocat dit GUILLAUME LE FOYER, pour être mieux exercée par l’avocat, elle doit être comprise comme étant le fer de lance de la déontologie car plusieurs maux s’installent dans l’exercice de la profession d’avocat suite au manque d’indépendance si pas presque de tous les avocats mais de la majorité.
N’est-ce pas à raison que la charte de l’avocat européen précise que : “L’avocat doit être libre politiquement, économiquement et intellectuellement, dans l’exercice de sa mission de conseil et de représentant du client. Cela signifie que l’avocat doit être indépendant de l’Etat et des sources de pouvoir comme des puissances économiques. Il ne doit pas compromettre son indépendance à la suite d’une pression indue d’associés commerciaux. En effet, sans l’indépendance vis-à-vis du client, il ne peut y avoir de garantie de qualité du travail de l’avocat. Le statut de membre d’une profession libérale et l’autorité découlant de ce statut aide à maintenir l’indépendance, et les bureaux doivent jouer un rôle important dans la sauvegarde de cette indépendance. Il est notoire que dans les sociétés non libres, les avocats sont empêchés d’assurer la défense de leurs clients et peuvent connaître l’emprisonnement ou la mort dans l’exercice de leur profession.”
Il ressort de la charte de l’avocat européen que l’indépendance de l’avocat doit s’entendre politiquement, économiquement et intellectuellement. Nous allons essayer d’examiner ces trois éléments relatifs à l’indépendance au regard de l’exercice de la profession d’avocat en République Démocratique du Congo. Nous allons donc commencer par l’indépendance de l’avocat sur le plan économique (b), ensuite l’indépendance de l’avocat sur le plan politique (a) et enfin l’indépendance de l’avocat sur le plan intellectuel.
2.1.1. L’indépendance de l’avocat sur le plan politique
Notre propos n’est pas de contester la présence de l’avocat dans le monde politique, bien au contraire. La politique a toujours intéressé les avocats depuis des lustres. DIDIER DALIN est aussi de cet avis lorsqu’il affirme que traditionnellement, les avocats se sont toujours intéressés à la chose publique, et beaucoup d’entre eux ont mené de front, avec succès, une carrière politique. Les exemples sont innombrables et remontent aux origines de la profession.[14]
L’indépendance de l’avocat congolais politiquement parlant ne pose pas de problèmes majeurs mais le plus grand problème c’est l’avocat lui-même, son comportement dans ce domaine reste à désirer .Plusieurs hypothèses peuvent se présenter pour nous amener à l’analyse de l’indépendance politique de l’avocat. Généralement lorsque l’avocat est appelé à exercer certaines fonctions politiques telles qu’en qualité de Ministre, de conseiller de ministre ou toute autre fonction, il devra user d’une grande délicatesse pour éviter qu’il ne tombe pas dans la violation des règles déontologiques qui régissent la profession d’avocat. C’est pourquoi il est recommandé que l’avocat qui se trouverait en pareille situation puisse carrément se dessaisir des affaires où l’Etat Congolais intervient car celui-ci étant au service de celui-là. L’avocat devra faire preuve de son indépendance vis-à-vis de l’Etat et des milieux du pouvoir pour éviter qu’il soit lui-même le dindon de la farce alors qu’il est appelé à sauvegarder son indépendance, seule garantie de la valeur des conseils qu’il est appelé à fournir.
En effet il est constaté de plus en plus que lorsque l’avocat est chargé de sa mission pour le compte soit de l’Etat ou celui de certains clients dont les intérêts sont en opposition soit à ceux de certains politiciens ou de certaines institutions, il se comporte beaucoup plus comme un propagandiste plutôt qu’un professionnel de la justice appelé à participer à la distribution d’une justice équitable.
Car l’avocat est un organe de justice, c’est-à-dire un des éléments naturels qui le composent.[15] Combien de fois n’avons nous pas été scandalisés par des propos de certains des avocats lorsque cherchant à flatter certains milieux politiques dérapent cependant à la barre en recourant à des propos qui relèvent de la politique plutôt que du droit et qui ne sont en réalité qu’une forme de délation contre d’autres confrères.
C’est le cas par exemple lorsque l’avocat abandonne l’argumentation juridique et se confond dans les considérations des discours politiques du genre : “ Voici les ennemis de la reconstruction”, “Le chef de l’Etat serait-il trahi dans la tolérance zéro ?” Des comportements pareils ne peuvent favoriser l’indépendance de l’avocat vis-à-vis des politiques car à ce moment là l’avocat se comporte comme un mouchard parmi ses paires en faisant voir à ses maîtres que les autres ne partagent pas la même idéologie et qu’ils seraient « des hommes à abattre » alors qu’en réalité cela n’a rien de politique ; d’où la nécessité de nous poser la question de savoir si l’on n’assiste pas déjà à la fin de la profession d’avocat.
C’est scandaleux, l’argumentation de l’avocat doit ressortir des supports classiques notamment la loi, la jurisprudence, la doctrine ,les principes généraux et autres moyens de droit plutôt que de recourir de manière ridicule à des slogans politiques comme si les cours et tribunaux étaient chargés d’assurer la propagande politique dès lors qu’il est connu de tous les praticiens du droit que si la justice ne marche pas c’est entre autre à cause des incursions des politiciens dans la distribution de la justice.
Ce manque d’indépendance politique de certains avocats parfois en mal d’arguments ne les empêche pas à recourir à la presse où ils étalent une version tronquée des faits de sorte à énerver la sensibilité de certains décideurs politiques afin de leur permettre d’intervenir politiquement dans le dossier qui est purement judiciaire alors qu’ils ne cessent de clamer tout haut que la justice est indépendante.
Cette pratique conduit les avocats à déplacer le dossier du palais de justice au palais de médias. L’on doit ici faire allusion à une pratique qui tend à s’instaurer dans nos barreaux par laquelle les avocats ne s’empêchent pas de passer sur des chaînes de télévision après les audiences expliquant le contenu du dossier judiciaire.
Il est certes vrai que le journaliste est sensible à l’information et à ce titre il va à la recherche de celle-ci notamment au palais de justice. Cela peut être vrai dans une certaine mesure, mais lorsqu’on se rend compte que de plus en plus les journalistes congolais se plaisent et à dessein et inévitablement de manière intéressée, sans vérifier objectivement l’information, préfèrent privilégier la version de celui qui s’occupe d’eux. Dans ces conditions, il y a lieu de se demander si le véritable rédacteur de l’article ne serait pas l’avocat lui-même.
En violation manifeste de la déontologie, certains avocats s’adonnent à vilipender leurs confrères à qui ils sont opposés dans des journaux d’une certaine obédience politique en vue de s’attirer des appuis politiques dans les dossiers judiciaires tout en faisant croire à l’opinion politique que les adversaires œuvreraient contre le régime.
Certains avocats confectionnent des résumés des faits teintés souvent de mensonges et d’animosité dans une version tordue des faits de sorte à toucher les sensibilités de certains décideurs politiques de sorte à leur donner l’occasion de s’immiscer dans la justice. Ces comportements qui se font monnaie courante parmi les avocats ne manquent pas de pêcher contre certains prescrits qui régissent la profession.
C’est dans ce sens que le règlement cadre intérieur des barreaux de la République dispose en son article 63 que sens que, « les avocats se doivent de justes égards et la courtoisie, les valeurs qui président à leurs rapports et ce, en toute circonstance, aussi bien dans la vie publique que dans les relations de la vie privée ».
Cette manière d’agir met en péril l’indépendance politique de l’avocat qui fait de lui un faux espion parmi ses paires et plonge la profession d’avocat dans la dérive.
L’avocat devrait réellement demeurer indépendant en privilégiant les arguments de droit contenus dans le dossier qui lui est soumis en examen sans trop chercher à médiatiser l’affaire comme si la presse devenait une autre juridiction. C’est pourquoi il est utile que le conseil de l’ordre se penche sur cette pratique qui menace l’indépendance de l’avocat vis-à-vis de certaines considérations d’ordre politicien en mêlant la politique au droit.
Par ailleurs, au regard du nombre de plus en plus croissant des avocats, et la dégradation des mœurs dans la société congolaise, les mesures guidant la discipline du corps sont à revisiter. La discipline devra être renforcée dans le corps pour permettre le maintien de l’ordre et le respect des lois et règlements qui régissent la profession.
C’est ainsi qu’au barreau de Washington par exemple, il incombe aux dirigeants d’une association d’avocats de s’assurer que tous les membres de cette association se conforment bien aux règles déontologiques. Ils peuvent être rendus responsables de la violation des règles déontologiques par les autres membres de l’association s’ils ont ratifié leur comportement ou s’ils disposent de l’autorité nécessaire sur ces autres avocats pour savoir ou devoir raisonnablement savoir que leur comportement était ou non en conformité des règles déontologiques.[16]
Dans le même sens, au barreau de New-York, il est recommandé à l’avocat d’éviter de se mettre dans une situation où il aurait un intérêt personnel à la solution du litige, par exemple en accordant une assistance financière à son client. Il s’abstiendra également d’entrer en relations commerciales avec ses clients. Il doit s’abstenir de défendre différents clients dont les intérêts pourraient être contraires.
L’avocat doit défendre les intérêts de son client avec zèle en respectant le droit. Il doit agir dans les limites du droit et s’abstenir d’agir uniquement dans le but de nuire à autrui et de prendre des positions manifestement incompatibles avec le droit existant. Il ne peut cacher des informations qu’il est légalement obligé de produire, utiliser des preuves falsifiées en connaissance de cause ,présenter intentionnellement le droit d’une manière erronée ,défendre un client en fonction d’un comportement qu’il sait illégal ou frauduleux .[17]
S’agissant des relations commerciales entre l’avocat et son client une analyse particulière mérite d’être faite quant en ce qui concerne le barreau de Lubumbashi.
En effet il est constaté de plus en plus l’admission « des avocats commerçants » au barreau de Lubumbashi. Par « avocats commerçants », nous entendons des personnes exerçant le commerce à titre professionnel, qui en dépit de leurs multiples voyages à la recherche des marchandises, ont quand même fini en droit et ont sollicité leur admission au barreau. Cette situation qui tend à se normaliser au barreau de Lubumbashi ne manque pas pourtant de susciter des interrogations.
Dans la pratique il nous paraît difficile de comprendre comment un commerçant peut accéder au corps en étant entaché d’une incompatibilité dès le départ.
Il semble que lorsqu’on cherche à savoir comment un candidat connu de notoriété publique qu’il exerce le commerce à titre professionnel, il se révèle qu’elle a soit changé de registre de commerce en le mettant soit au nom d’un tiers ou encore par une simple déclaration contenue dans une lettre pour attester la cessation des activités en qualité de commerçant.
Cette situation combien confuse et qui frise la tricherie ne peut honorer le corps car ; lorsqu’on essaie de comprendre bien la situation c’est peut être un membre influent du conseil de l’ordre qui a tenu à « aider » un candidat pour des raisons très subjectives et parfois difficiles à comprendre mais en violation manifeste des règles qui régissent la profession d’avocat.
À nous de nous poser la question de savoir quel est le sens qu’un tel avocat peut accorder à la notion d’incompatibilité, que peut-il retenir de l’interdiction d’accorder une assistance financière à son client dès lors qu’il ne peut y avoir aucun doute que pour un commerçant un investissement produit des intérêts et donc il peut même financer un dossier judiciaire pourvu qu’il en tire des intérêts.
Par ailleurs, il faut aussi dire un mot sur les candidats qui exerçant comme conseillers juridiques dans les entreprises, qui en venant au corps ne cessent avec leurs activités dans les entreprises et se retrouvant de ce fait exerçant la profession en incompatibilité de manière permanente ; d’où la nécessité de nous poser la question suivante :jusqu’où irons-nous dans cette profession ? Pourquoi tolère-t-on ces pratiques en marge de la loi ?
Et pourtant, comme le dit PASCAL VANDERVEEREN, le barreau doit être fort et uni pour franchir le cap du 21e siècle. Si tant de juristes viennent au barreau, c’est qu’ils y trouvent ce que le Bâtonnier BEVERNAGE appelle « une plus value immatérielle » qui distingue l’avocat de tous ceux qui donnent des conseils juridiques[18]. Le choix de la profession d’avocat doit donc se faire de manière responsable de sorte à éviter d’encombrer le corps avec des éléments qui le détruisent.
C’est ainsi qu’au jour d’aujourd’hui, ce n’est plus la recherche de cette plus-value immatérielle qui motive le public à accéder à la profession d’avocat mais, c’est plutôt l’image d’un gain facile de la vie que tend à donner l’image actuelle de la profession où le non respect des règles déontologiques conduit les avocats à commettre toute sorte de fautes pourvu que cela leur permette de s’acheter une voiture ou construire une maison, ou effectuer quelques voyages à l’étranger au péril des règles déontologiques.
Le défaut de cette indépendance des avocats vis-à-vis des politiques est à la base de beaucoup de dérapages enregistrés dans le domaine judiciaire où parfois les décisions sont le reflet de la volonté de certains politiciens sollicités par les avocats car ce sont les avocats eux-mêmes qui veulent qu’il en soit ainsi.
Des magistrats sont menacés de révocation par des politiciens qui parfois pour des intérêts personnels parce qu’ayant été couverts financièrement par certaines des parties au procès n’ont pas honte de recourir à des raisons d’Etat pour influer les décisions judiciaires et lorsqu’on essaie de suivre les choses de plus près, c’est l’avocat qui est pointé du doigt.
L’on pourra beau crier, dénoncer ce genre de pratiques mais si l’avocat lui-même ne s’en rend pas compte et n’ en prenne conscience, ça ne sera qu’une prédication faite dans le désert.
2.1.2. L’indépendance de l’avocat sur le plan économique
L’indépendance économique de l’avocat doit s’entendre dans le sens de la condition économique de l’avocat. Bien sûr que tout le monde ne doit pas posséder une assise économique pour accéder à la profession d’avocat, mais un réarmement moral s’avère plus qu’indispensable pour les jeunes qui adhèrent à la profession. Ils devront comprendre que la satisfaction morale et matérielle de l’avocat est un processus qui dure des années.
La valeur de l’homme n’attend point le nombre d’années dit-on, mais l’on doit reconnaître que très peu d’avocats sont à retrouver dans le compte de l’exception. L’avocat doit être en mesure de faire face aux caprices d’un client économiquement fort afin d’empêcher que la pesanteur financière ne l’influence à enfreindre les règles déontologiques qui régissent la profession d’avocat.
L’avocat devra être outillé d’une grande personnalité pour éviter qu’il ne se comporte parfois, comme un garçon de courses de son client, très nanti. C’est une épreuve, il faut l’avouer, difficile à surmonter par les avocats nouvellement arrivés au corps et qui se recherchent encore et qui ont le souci de garder le client pour tout le reste de leur carrière et qui ont peur de le perdre ; ceci est aussi concevable pour certains avocats qui ont un certain âge professionnel. Dans le cas contraire, l’avocat risquera de s’identifier à son client.
Combien de fois n’a-t-on pas assisté par moment à des échanges des propos presqu’à la limite des injures entre avocats devant la barre car, chacun passionné par les intérêts de son client, surtout si celui-ci ou son délégué se trouve dans la salle d’audience. Ceci démontre à suffisance que l’indépendance de l’avocat est en péril.
La survie économique de l’avocat est menacée suite à la précarité de sa profession où de plus en plus les autres opérateurs judiciaires exercent des tâches dévolues à l’avocat, où le juge est la marionnette de la volonté de certains lobbys ou de certains dirigeants politiques, où parfois les autorités politico-administratives ne craignent pas de remettre en cause publiquement, la force d’un jugement, juste pour plaire à la population et ce, pour des raisons partisanes.
Tout ceci démontre à suffisance des faits que la profession d’avocat, si l’on n’y prend pas garde, est en voie de disparition car, si l’avocat n’est plus en mesure d’exercer sa profession suivant les règles de l’art de manière classique, il cesse d’exercer la profession d’avocat et par voie de conséquence il exerce une profession autre que celle d’avocat.
C’est la raison pour laquelle il est impérieux que les dirigeants du corps notamment les Bâtonniers et les membres du conseil de l’ordre, les avocats ayant une ancienneté considérable et une certaine notoriété puissent prêcher par l’exemple aux jeunes avocats qui viennent d’accéder au corps et qui ont besoin d’encadrement en étant réellement des modèles non seulement de ces jeunes avocats, mais aussi de tout le corps entier.
Il est important de faire remarquer que de plus en plus, l’opinion qui se fait sur le conseil de l’ordre par les avocats et voire les tiers est que, le conseil de l’ordre est devenu un club de copains ayant comme philosophie de se protéger contre les accusations d’autres avocats ou des tiers. Il est devenu courant de voir les avocats se plaindre des attitudes de certains membres du conseil de l’ordre en charge d’instruction de certains dossiers relatifs aux honoraires, qui se font juges et parties en tranchant le litige des confrères avec leurs anciens clients, devenus désormais les leurs.
Cette manière de procéder pousse parfois certains des avocats à empêcher systématiquement leurs confrères à recouvrer leurs honoraires car estimant soit qu’ils sont exagérés et au cas où ils devront être payés, ils retarderont le paiement de celui qui a succédé tout comme aussi par jalousie et mauvaise foi de voir un confrère empocher quelques sous. Certains membres du conseil de l’ordre seraient accusés d’user de leur fonction de conciliation en cas de conflit d’honoraires, pour racoler les clients des confrères qui seraient en désaccord avec eux.
Ces pratiques, nous le pensons sans mâcher les mots, font la honte du corps et sont de nature à fragiliser la profession d’avocat. Les avocats doivent y réfléchir. Le payement de l’avocat par son ancien client ne peut constituer un élément de jalousie ni de rancœur pour l’autre avocat qui succède au premier.
Il ne sera pas sans intérêt de rappeler à chaque avocat qu’il n’existe aucun autre moyen d’assurer la survie de son confrère que de permettre à ce dernier, d’entrer en possession de son dû pour lequel des prestations ont été fournies.[19] Cependant, c’est presque tous les jours que l’on assiste à des situations dans lesquelles, certains avocats sont parfois déterminés à empêcher leurs confrères d’entrer en possession de leur dû, comme si cela sera déduit de leurs honoraires. Ne peut-on pas dire que l’ennemi de l’avocat c’est avant tout l’avocat lui-même ?
L’avocat n’est pas seulement tenu au respect des règles établies par la loi sur sa profession, mais aussi et surtout au respect des règles déontologiques.
En Suisse, la probité, la délicatesse, l’indépendance et la dignité sont des qualités qui ne peuvent souffrir aucune atteinte de la part d’un avocat. La violation de ces obligations par un avocat peut entraîner, outre sa responsabilité civile et pénale, des sanctions disciplinaires, qui peuvent aller du simple avertissement jusqu’à l’exclusion de l’ordre des avocats vaudois.
C’est pourquoi loyauté et indépendance doivent aller de pair. Complétant la pensée de PIERRE CORVILAIN sur la loyauté de l’avocat, ROBERT DE BAERDEMAEKER ancien Bâtonnier de Bruxelles et vice-président de l’ordre des barreaux francophones (O.B.F.G.) s’exprime en ces termes à ce propos : « Il y a incontestablement la loyauté de l’avocat vis-à-vis de son client, qui génère sans doute une obligation morale de ne pas abandonner celui-ci lorsque sa situation se complique.
Mais la loyauté de l’avocat c’est, également autre chose. C’est le comportement général de l’avocat qui doit être loyal. Il doit respecter la loi, son serment d’avocat et son indépendance. Cette loyauté constitue pour lui une obligation générale à l’égard de tous. Elle dépasse forcément les intérêts individuels du client.
Dès lors, l’Avocat ne peut accepter, en raison de son indépendance, de renoncer à ses obligations naturelles pour plaire à son client. S’il le faisait, l’Avocat ne serait non seulement ni fidèle ni indépendant mais il s’exposerait au risque de devenir complice ».[20] L’Avocat doit donc dans certains cas mettre fin à son intervention si son client ne peut accepter qu’il refuse de transiger les règles auxquelles il est soumis.
L’indépendance de l’avocat va d’une posture morale, que l’on peut assimiler au courage, jusqu’à la conquête de cet espace de libertés fonctionnel particulier qui lui permet de n’avoir pas de comptes véritables à rendre à son client, dès lors qu’il est établi qu’il a, généralement, voulu servir ses intérêts.
L’indépendance de l’avocat figure dans son serment. Et pour cause l’avocat conseille, attaque et défend sans autres limites que l’intérêt de son client et de sa déontologie[21].
L'appartenance à un barreau suppose le respect de règles déontologiques rappelées dans le Règlement Intérieur. Face aux mutations économiques et sociales auxquelles nous sommes confrontés, face aux défis personnels, l'avocat est le seul partenaire juridique de haut niveau qui offre les garanties indispensables de confidentialité, de compétence et d'indépendance (l'avocat doit demeurer indépendant de tout pouvoir et notamment du pouvoir économique des personnes n'appartenant à la profession).[22]
EDOUARD DE LAMAZE et CHRISTIAN PUJALTE renchérissent en disant qu’ « en aucune manière le conseil ne doit être dans un lien de subordination explicite ou implicite avec la personne qu’il conseille ou défend. À cet effet une trop grande dépendance pécuniaire aliène son indépendance alors même qu’il doit toujours rester maître de son analyse juridique et des moyens à faire valoir pour obtenir satisfaction. Une attirance immodérée pour l’argent est, au barreau comme ailleurs, à l’origine de dérapages. L’obligation de désintéressement, qui rejoint ici celle de l’indépendance, devrait inciter l’avocat à la mesure. Le respect du principe apparaît délicat dans d’autres hypothèses. Tout d’abord l’avocat ne doit pas être tenté, comme cela se produit quelquefois, d’assurer lui-même sa défense ».[23]
La Cour Administrative d’Appel de Paris, dans un arrêt novateur du 17 juin 2007 (affaire Tiétard) a mis un terme à l’incertitude qui régnait, au moins dans la juridiction administrative, sur ce point en décidant qu’une requête déposée par un avocat dans une affaire le concernant était irrecevable.[24]
Comme on peut bien le faire remarquer, le désintéressement doit caractériser l’avocat surtout si lui-même est une partie en la cause pour l’empêcher d’user de la passion dans une affaire où il est intéressé à titre individuel.
2.1.3. L’indépendance de l’avocat sur le plan intellectuel
L’indépendance de l’avocat sur le plan intellectuel ressort du choix de l’arsenal argumentaire que celui-ci entend mettre en œuvre pour la défense des intérêts de son client. À cet effet, l’avocat devra faire preuve de son indépendance dans le choix des arguments à faire prévaloir devant la barre. L’avocat devra éviter de tomber dans la passion de son client en acceptant le schéma proposé par ce dernier.
Tel est le cœur de l’obligation d’indépendance du juriste : mener son raisonnement, développer son argumentation sans se les laisser dicter par autrui ou par des considérations étrangères à son office.
Doit-on en dire autant de la décision qu’ils prennent ou de l’action qu’ils mènent à l’issue du raisonnement ? Oui, dans le cas de ceux dont la mission particulière est de prendre une décision indépendante des intérêts immédiats des usagers ou des clients.[25]
Toutefois, l’on ne peut perdre de vue qu’il peut arriver que l’avocat peut avoir parfois affaire aussi à un client qui peut avoir une petite audience aux notions de droit et qui peut être capable d’engager une discussion sur la piste argumentaire à adopter. En pareil cas, en tant que professionnel et expert en la matière, l’avocat devra s’imposer dans le choix des moyens à développer devant la barre d’autant plus que la responsabilité de ce choix lui incombe.
C’est de la sorte qu’il est recommandable et indispensable que l’avocat soit réellement indépendant sur le plan intellectuel de peur qu’il ne puisse tomber victime du chemin lui conseillé par son client qui dans la plupart des cas ne tarde pas à se retourner contre lui. Cette indépendance de l’avocat sur le plan intellectuel permettra à l’avocat de se faire respecter par son client car, quand celui-ci vient consulter l’avocat c’est parce qu’il est au moins sûr que l’avocat est expert dans le domaine du droit pour lequel il a été sollicité.
Il ne doit pas se disputer du choix de la thérapie à donner au droit malade ; dans le cas contraire l’avocat cessera d’être conseil et deviendra conseillé car, devant subir le poids du choix de l’artillerie juridique soutenue par son client. C’est la raison pour laquelle il est conseillé à l’avocat d’être efficacement outillé dans le savoir juridique en se recyclant à travers la lecture des nouvelles théories et pourquoi pas à travers l’internet, pour garantir et assurer son indépendance sur le plan intellectuel.
Les arguments de droit à développer par l’avocat ne doivent pas provenir du client. Bien sûr, ce dernier qui est titulaire du dossier et de son action connaît mieux le dossier dans les faits et doit apporter et expliquer toutes les pièces qui découlent du dossier. Mais le diagnostic et le choix du traitement reviennent à l’avocat.
2.2. La mauvaise qualité du client
La détérioration des structures de base en RDC notamment le tissu économique, la quasi inexistence de l’administration publique à tous les niveaux, le mauvais climat des affaires, l’ingérence du politique dans l’administration de la justice et bien d’autres abus généralement connus et non autrement identifiés, sont à la base de plusieurs maux décriés et qui n’ont pas manqué de donner naissance à un type d’homme nouveau et particulier.
Ce type d’homme est à retrouver tant parmi les expatriés que parmi les Congolais. Ce nouveau genre d’hommes est très allergique à la normalité, à la légalité; pour ces gens, la perte d’un procès en justice relève d’un manque de connaissance dans les milieux politiques ou judiciaires selon le cas.
Néanmoins, il faut cependant relever que la détention de plus des capitaux par les expatriés donne à ces derniers plus de marge de manœuvres dans la manipulation des autorités tant politiques que judiciaires par rapport aux congolais, au point qu’il relève presque de la folie de gagner un procès contre un commerçant.
Combien de fois les avocats, ne se sont-ils pas plaint quand bien qu’habillés en toge, attendant d’être reçus devant certains bureaux de chefs d’office, n’ont pas manqué d’être scandalisés de voir des commerçants nationaux et expatriés parfois en culotte même en babouches, être reçus en priorité par rapport aux avocats ?
Comment l’avocat peut-il exercer son ministère en toute indépendance lorsque les chefs d’offices fixent un seul jour d’audience par semaine pour recevoir les avocats, alors qu’en tant que partenaire de la justice, sauf abus, l’avocat est en droit de par la nature des actes qui relèvent de sa profession, d’entrer en contact avec le procureur ou le chef de juridiction tant que le besoin de la cause l’exige.
La justification de ce comportement se retrouve dans le fait que ces commerçants dans la plupart de cas, sont appelés et reçus en ordre utile parce qu’ils apportent le motif de leur sollicitation aux chefs d’offices. Ce qui justifie leur traitement différent par rapport aux avocats qui sont considérés de plus en plus comme gênant les autorités judiciaires de fonctionner normalement.
C’est ce qui explique l’arrogance que manifestent surtout les commerçants qui considèrent la justice comme une affaire commerciale qui peut produire lorsqu’on y investit. Si jamais l’avocat a parfois le malheur d’en attraper un comme client comme démontré ci-dessus, comment peut-il se faire payer par un tel client qui est plus connu des magistrats que son conseil ? Le résultat est connu : l’avocat aura du mal à convaincre un tel client à le payer selon le barème car il y a confusion entre le fait générateur du résultat au point même de se demander si c’est l’expertise de l’avocat ou les sollicitations du client qui ont généré le résultat.
Voilà des situations qui ne mettent pas l’avocat dans les conditions d’exercer sa profession de manière classique, eu égard aux incursions tant des politiciens à tous les niveaux que de celles organisées par des magistrats qui de plus en plus, se substituent au travail de l’avocat en faisant même voir au client que le dernier mot leur revenait. Tout ceci montre à suffisance que l’indépendance de l’avocat est aussi limitée par la mauvaise qualité du client, qui en définitive constitue une entrave au bon exercice de la profession.
2.3. Le trafic d’influence.
Le lexique des termes juridiques définit le trafic d’influence comme étant l’infraction consistant dans le fait de solliciter ou d’agréer des offres ,dons, promesses, pour abuser d’une influence réelle ou supposée dans le but de faire obtenir, d’une autorité ou d’une administration publique, des distinctions, des emplois, des marchés ,ou toute autre décision favorable .Le fait est plus sévèrement réprimé lorsqu’il est accompli par une personne exerçant une fonction publique.[26]
Le manque de comportement républicain dans le chef de la plupart des Congolais est à la base de l’arbitraire qui tend à leur faire croire que si un des leurs accède à des hautes fonctions, c’est l’occasion pour eux de remettre en cause le contrat social fondé sur le principe de l’égalité de tous devant la loi et les institutions.
Cette situation occasionne beaucoup d’abus tant dans le camp des magistrats que celui des avocats. Certaines personnes relevant de certaines familles qui peuvent être qualifiées selon elles mêmes de « notables », s’adonnent à l’entretien de certains abus les amenant à défier le pouvoir des magistrats, en minimisant les avocats et tout cela parce que tout simplement, ils évoquent des noms des hautes personnalités ayant des responsabilités à la coupole de l’Etat.
Ces personnes lorsqu’elles rencontrent de résistance chez le magistrat, qui suite à l’intervention de l’avocat, ne sait pas tordre la loi, elles n’hésitent pas de recourir aux services de sécurité pour des litiges qui n’ont rien à avoir avec la sûreté de l’Etat.
Etant donné que le plaisir du Congolais lorsqu’il a une portion de pouvoir, c’est de démontrer son invulnérabilité, le rôle de l’avocat est réduit à celui d’un simple accompagnateur aux services de sécurité alors qu’au regard de la constitution du 18 février l’avocat a le pouvoir d’assister son client devant toute les institutions y compris les services de sécurité. C’est ce qui ressort de l’article 19 de ladite constitution qui énonce que : « Nul ne peut être soustrait ni distrait contre son gré du juge que la loi lui assigne. Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue dans un délai raisonnable par le juge compétent. Le droit de la défense est organisé et garanti. Toute personne a le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête policière et l’instruction préjuridictionnelle. Elle peut se faire assister également devant les services de sécurité. »
Nous sommes d’avis que le manque d’une conscience républicaine surtout chez certains responsables à la tête de l’Etat est à la base d’une mauvaise qualité de la justice et par voie de conséquence, de l’atteinte de l’indépendance de l’avocat. Combien de fois certains avocats n’ont- ils pas été victimes parfois des attaques physiques provenant de certaines familles soi-disant des notables parce qu’ayant la facilité d’intimider tout le monde y compris même des hauts magistrats.
Comment, dans pareilles circonstances, l’avocat peut exercer son ministère en toute indépendance sachant qu’il y a une catégorie d’individus qui parfois, pour quelques billets de banque, ne se gênent pas d’offrir leur soutien aux malfrats poursuivis en justice en faisant voir aux magistrats qu’ils ont leurs intérêts dans ces sales affaires.
Ce trafic d’influence comme il peut être constaté, ne peut favoriser l’épanouissement tant moral, professionnel qu’économique de l’avocat car, devant certaines pressions fortes, l’avocat est par moment par crainte de subir des attaques de tout genre, obligé d’abdiquer, abandonnant ainsi le client à son triste sort. Ces faits, on peut se demander, s’ils sont connus des décideurs politiques ou pas l’affirmative sont soutenables.
L’intervention intempestive du politique dans la distribution de la justice abîme celle-ci. On peut tout dire, avancer toute sorte de slogans mais ce qui est vrai et incontestable est que la justice en RDC est très loin d’être indépendante car cette situation est voulue et entretenue par le politique.[27] En effet pour l’homme politique congolais l’impérium ne peut être exercé sans la main mise sur la justice.
C’est ainsi qu’il n’est plus un secret pour personne que le choix porté sur les hauts magistrats est dicté par le mobile politicien : « l’on doit nommer les gens que l’on sait contrôler pour éviter qu’ils se retournent contre nous » Cette philosophie fait en sorte que les magistrats de plus en plus ne doivent plus leur promotion à la montée des échelons selon les critères tirés de l’intelligence, la moralité et bien d’autres, mais plutôt au soutien politique.
C’est de la sorte que ces magistrats, dont la plupart d’entre eux nommés dans pareilles circonstances, cessent d’être des serviteurs de la justice et deviennent ipso facto au service de leur créateur : le politique. C’est la raison pour laquelle nombreux de politiciens estiment qu’il est de leur droit de s’interférer dans la distribution de la justice.
Combien de fois n’a-t-on pas assisté à des mutations de magistrats parce qu’ayant refusé d’obtempérer aux ordres illégaux des politiciens ? Combien de fois le politique ne s’est pas interféré dans l’exécution de certaines décisions de justice en les provocant ou en les bloquant ?
Le fonctionnement d’un tel système ne peut favoriser l’indépendance de l’avocat car, le comportement du magistrat dans la distribution de la justice, n’est plus dicté par l’intérêt du droit mais plutôt par la protection de son poste vis-à-vis du politique. C’est la raison pour laquelle certains avocats estiment à tort ou à raison qu’ils peuvent aussi recourir aux mêmes politiciens, pour obtenir leur appui afin de bénéficier d’une décision favorable pour leur client.
Ainsi, on comprend bien comment l’avocat est par moments impuissant devant un tel magistrat, qui n’est que le reflet de la volonté du politique avec comme conséquence, que son indépendance est réduite par le trafic d’influence. Il est certes vrai que même dans les pays à civilisation avancée, la justice n’a jamais fonctionné à cent pour cent. Néanmoins, l’on doit noter que ces sociétés ont déjà réussi à poser des principes de base d’une bonne administration de la justice fondée sur le principe de l’égalité des citoyens devant la loi.
Mais en RDC les choses semblent se dérouler autrement. En effet, de par la manière dont la chose publique est gérée, il y a lieu de comprendre que la justice congolaise fonctionne à deux vitesses : il y en a une pour les simples citoyens autrement dit les illustres inconnus. Ce sont les « petits citoyens » qui servent de cobaye, d’exemple de châtiment aux hommes politiques quand ils veulent faire croire à la lutte contre l’impunité. Il y a aussi une autre justice applicable aux hauts responsables à tous les niveaux. C’est dans celle-ci où l’on peut trouver des ministres qui commettent des faux et qui échappent aux poursuites judiciaires par le jeu des alliances politiques au parlement où les députés désertent les séances de vote pour faire échouer la déchéance de l’immunité parlementaire.
Des détournements se commettraient à longueur des journées dans les entreprises publiques et la justice est de plus en plus éloignée de cette catégorie pour ne pas dire qu’elle ne concerne pas cette catégorie. C’est pourquoi, sans crainte d’être contredit, nous sommes d’avis que le premier destructeur de la justice congolaise c’est le responsable congolais lui-même, c’est le politique.
C’est ce qui justifie le comportement des magistrats qui une fois nommés à un poste, ils essaient d’en tirer le maximum de tous les avantages confondus car, le politique les met dans une situation de précarité qui ne les rassurent pas du lendemain.
La conséquence de cet état des choses fait que par moments, le magistrat se comporte parfois comme un militaire au front qui voit ses amis succomber devant les balles ennemies et qui se dit qu’à tout moment, il peut aussi subir le même sort que ses pairs mais en attendant, « carpe diem » et les victimes de ce comportement se retrouvent parmi les avocats et les justiciables.
La justice a cessé d’être un instrument de régulation de la paix sociale. La justice est instrumentalisée par le pouvoir qui en a fait son instrument de gestion. La réalité est que le politique a peur d’une justice sereine car il en sera lui-même victime, d’où l’idéal serait d’empêcher la justice de fonctionner normalement.[28]
2.4. La corruption.
Les écrits de PLATON, ARISTOTE et CICERON témoignent de l’ancienneté du phénomène de la corruption.
Le terme de « corruption » est lourd de connotation morale. Il s’agit du substantif du verbe « corrompre », lui-même francisation du latin corrumpere (étymologiquement, cum-rumpere : briser, rompre un ensemble) dont le sens le plus ancien revêtait déjà au XIe siècle la dimension métaphorique de perversion, corruption de l’âme. Le mot ne se rapproche de sa signification contemporaine qu’en 1283, au sens d’ « entraîner par des promesses, des dons, une personne chargée de responsabilités à agir contre son devoir » Le substantif « corruption » suit la même évolution avec un léger décalage, en 1373[29].
En France par exemple disent ERIC ALT et IRENE LUC, tous régimes politiques ont souffert de ce fléau à des degrés différents. Nul régime cependant n’a porté aussi haut le principe de vertu que le régime républicain né de la révolution française. Les représentants à l’assemblée constituante ont, en 1789, « résolu d’exposer dans une déclaration solennelle les droits naturels, inaliénables et sacrés de l’homme ».
Dès cet acte inaugural du nouveau régime, l’affirmation des droits de l’homme se présente comme un moyen de lutter contre la corruption, qu’il s’agisse de la corruption du régime ou de ses membres : le préambule de la déclaration des droits de l’homme de 1789 rappelle que « l’ignorance, l’oubli ou le mépris des droits de l’homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements ».
L’ « incorruptible » ROBESPIERRE est la figure emblématique de cette austérité républicaine. La plupart des auteurs ont étudié la corruption des régimes et non la corruption dans les régimes. Mais les deux phénomènes sont liés, si l’on en croit MONTESQUIEU, pour lequel le principe de la République est précisément la vertu.[30]
Nous ne pouvons oser aborder cette épineuse question de la corruption en RDC à travers cet article qui est essentiellement consacré à quelques aspects de la déontologie. Notre propos est plutôt de faire voir l’acuité avec laquelle la corruption s’est pratiquement érigée à certains égards en méthode de travail dans le domaine de la justice.
La corruption est le mal qui ronge la profession d’avocat au point qu’il est à ce jour difficile de distinguer l’élite du médiocre. Elle revêt plusieurs aspects et plusieurs conceptions sont faites par rapport à ce terme selon que l’on est avocat, magistrat ou tout autre professionnel.
L’énigme de la corruption entre magistrat et avocat est toujours sujette à controverses. Les avocats ont toujours soutenu que les artisans de la corruption sont les magistrats alors que ces derniers aussi comme dans le jeu de tennis rejettent cette responsabilité sur les avocats ; qui dit mieux ? Nous allons essayer de scruter cette réalité au travers de cette interview qu’avait en son temps accordée un ancien procureur général de la République au sujet de la corruption.
En date du 25 octobre 2008, un ancien Procureur Général de la République avait répondu de manière suivante à une interview accordée au journal le Soft :
Journal le Soft : Vous confirmez alors que les mauvaises conditions de vie et de travail des magistrats favorisent la corruption au sein de ma magistrature ?
PGR : Y a-t-il corruption ou pas ? C’est peut-être oui, c’est peut-être non ! Si c’est pour la survie, je vous confirme que ce n’est pas à grande échelle. Le magistrat n’est pas associé à la conclusion des marchés publics, il n’est pas non plus associé à la gestion courante du pays comme les ministres et les Directeurs dans les entreprises. Oui, peut-être, il arrive que le magistrat puisse monnayer les décisions de justice. Mais, s’il y a corruption, ce n’est pas vraiment chez les magistrats.
Soft : Si ce n’est pas le magistrat, qui alors entretient la corruption dans la justice ?
PGR : Dans la ville de Kinshasa, par exemple, il y a plus d’avocats que des magistrats, et du parquet et du siège. Ce sont souvent les avocats qui sont en contact avec leurs clients. Je n’accuse personne, mais ce sont eux qui vont souvent dire aux clients : « Vous savez que ce pays est devenu ce qu’il est. Pour que le dossier aille vite, il faut motiver le magistrat ».
Cet extrait démontre comment la corruption est conçue selon qu’on est avocat ou magistrat, mais ce qui importe de dire est que la corruption est très active dans le monde judiciaire.
Loin de nous l’idée de jeter la pierre sur quiconque, il sied de relever que l’auteur de cette interview fut un haut magistrat de la République à qui la loi reconnaît la plénitude de l’action publique et le monopole des poursuites sur toute l’étendue de la RDC. Si à son niveau de responsabilité, il pouvait parler de la corruption dans les termes ci-dessus, il y a alors lieu de comprendre que le mal est plus que profond.
Au regard des réalités actuelles, il serait fausser la réalité de dire que la corruption est l’apanage des seuls avocats. La détérioration des mœurs et l’immoralité n’épargne aucun secteur en RDC, la corruption est ce virus qui affecte l’administration publique et la magistrature du sommet à la base.
D’aucuns pourront croire que l’amélioration des conditions de vie des magistrats pourra avoir un impact sur la diminution de ce phénomène de corruption dans le domaine de la justice. Loin s’en faut, car le mobile qui dicte le magistrat dans cette éhontée entreprise c’est la recherche rapide et consistante d’une aisance.[31] Le magistrat n’est plus un outil de régulation de la paix sociale mais plutôt parfois un incitateur de la violation de la loi pour qu’en contrepartie, il assure une protection conditionnée. Cherchant à se comparer à l’avocat, le magistrat oublie son rôle de dire le droit ou de rechercher les infractions.
Il est établi aujourd’hui que la célérité dans les prononcés des jugements est à la mesure du désintéressement du juge. Si le juge ne contacte pas l’avocat, c’est ce dernier qui le fera ou vice-versa. L’engouement du bon droit n’existe plus, la culture d’un jugement motivé avec des notes doctrinales et jurisprudentielles se fait de plus en plus rare.
La sollicitation entre avocats et magistrats ne permet plus aux justiciables de distinguer le mérite du travail de l’avocat. Car lorsque le client en plus des honoraires de l’avocat doit encore prévoir ceux du juge, s’il faut les appeler ainsi, il se demande à la fin si le succès de son procès est dû au génie de son avocat ou à l’effet de son argent remis au juge. D’où la déconsidération de l’avocat par les justiciables qui – certains- préfèrent même se confier aux magistrats qui utilisent des défenseurs judiciaires ou des avocats de façade pour faire évoluer les dossiers.
Quoi que l’on dise et quoi que l’on fasse, l’impunité, le manque d’une administration efficiente et aussi les mauvaises conditions de traitement sont à la base de la corruption. Mais s’agissant du magistrat, il y a lieu de se demander même si l’amélioration de ses conditions pourra l’amener à comprendre son rôle qu’il est appelé à jouer dans la distribution de la justice.
Par ailleurs, l’on doit aussi dire que l’avocat est de plus en plus astreint à une obligation des résultats plutôt qu’à celle des moyens ; ce qui le conduit à des pratiques décriées notamment la corruption, la tricherie, etc.
À notre sens, les responsabilités en ce qui concerne la corruption demeurent partagées entre l’avocat et le magistrat. Tout le monde doit faire un effort pour la restauration des comportements républicains pour l’évolution de la société congolaise car, sans justice équitable aucun développement ne peut être envisagé dans un pays comme la RDC.
La justice en tant que service régulateur et catalyseur de la paix sociale et voire du fonctionnement des institutions, elle nécessite une attention particulière et une considération responsable de la part des autorités qui dirigent le pays. Car le décollage de la RDC ne se fera pas par les mines ni par le pétrole ou moins encore par le diamant, mais plutôt par un appareil judiciaire doté des personnes plus ou moins intègres, encadrées et motivées par le souci de la restauration du principe de l’égalité des citoyens devant la loi et les règlements de la République, bref le rétablissement d’un Etat de droit.
Comme il peut ressortir des développements ci-dessus, l’indépendance de l’avocat est très loin de se réaliser suite à la corruption telle qu’elle a déjà élu domicile dans la profession et au palais.
2.5. Le traitement de l’Avocat par l’Avocat.
L’on ne peut s’empêcher aussi de relever que le comportement affiché parfois par l’avocat vis-à-vis de ses pairs reste sujet à interrogation.
En effet, il y a lieu de situer ce problème à trois niveaux :
Le comportement de l’avocat, patron du cabinet face à ses collaborateurs du cabinet (a), le comportement de l’avocat en tant que membre du conseil de l’ordre vis-à-vis des autres avocats (b), le comportement du Bâtonnier vis-à-vis des membres du conseil de l’ordre et les autres avocats(c).
2.5.1. Le comportement de l’avocat vis-à-vis de ses collaborateurs
Notre propos n’est pas de décrire ce que doivent être les rapports entre avocats collaborant dans un cabinet, bien au contraire c’est de décrire le comportement de certains avocats tel qu’ils le pratiquent à l’égard de leurs confrères.
Cette situation concerne principalement l’avocat, patron du cabinet au regard du comportement et de la considération que ce dernier affiche à l’endroit des collaborateurs du cabinet. Il est à rappeler que la base de recrutement dans les cabinets d’avocats ne se fait plus selon des critères classiques et objectifs. De plus en plus les avocats ont tendance à se regrouper selon les tendances géopolitiques sans aucune considération autre. Ce qui réduit des cabinets en des espaces où règne la solidarité ethnico-tribalo-linguistique.
La conséquence de cette situation fait en sorte que le patron de stage est considéré non pas comme un collaborateur professionnel, mais plutôt comme un notable de la tribu qui a accepté d’aider un membre de la communauté. C’est ce qui justifie de plus en plus, des violations massives des règles déontologiques parmi les avocats. En effet, lorsque le jeune avocat se met en tête qu’il est au cabinet par pitié du patron, il se réduit à un imposteur à la recherche d’un positionnement.
C’est ainsi qu’étant dans ces conditions, l’avocat est incapable de dénoncer les abus dont il est victime car considérant qu’il va trahir la communauté vis-à-vis des « tiers ».
L’avocat collaborateur dans un cabinet n’est pas un travailleur ni un garçon de courses du patron de cabinet. Du moment que le patron du cabinet a accepté le collaborateur dans son cabinet, le respect des règles déontologiques s’imposent. A propos de la collaboration et ou de l’association l’ordonnance-loi n° 79-08 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l’Etat énonce en son article 64 que « L’avocat peut exercer la profession soit à titre individuel, soit en groupe dans le cadre d’une association, soit encore en qualité de collaborateur d’un autre avocat ou groupe d’avocats. »
L’article 65 de la même ordonnance-loi qui vient à la lumière du précédent énonce aussi en son alinéa 1er que « Le contrat de collaboration est celui par lequel un avocat inscrit soit à la liste du stage, soit au tableau s’engage à consacrer tout ou partie de son activité au cabinet d’un autre avocat moyennant une équitable rémunération. »
De l’analyse de ces deux dispositions, il se dégage la compréhension suivante : L’acceptation d’un avocat au sein d’un cabinet n’est pas à confondre avec une faveur lui faite, c’est une conséquence légale qui ressort des dispositions légales précitées. Bafouer cette réalité, c’est méconnaître les règles déontologiques qui régissent les avocats et entretenir la profanation de la profession d’avocat.
Cependant, il faut faire remarquer que cet aspect n’a jamais retenu l’attention du conseil de l’ordre de manière particulière. La plupart des cabinets d’avocats fonctionnent sans aucun contrat de collaboration. Si parfois il peut exister, c’est pour le besoin des archives. C’est alors que les avocats victimes de cette situation, ne savent pas dénoncer ces abus, mais se plaisent à leur tour à traiter des dossiers de manière pirate de sorte qu’on vit la scène du voleur volé, entre le patron de cabinet et les collaborateurs.
Il n’est pas normal que dans un cabinet où le patron du cabinet ne fait pas tout seul et par moment, il ne conclut même pas ni ne plaide, qu’il soit le seul à recevoir la totalité des honoraires sans songer aux collaborateurs, ce n’est pas normal et cette situation ne doit pas demeurer inchangée car, elle est aussi à la base de la déconsidération de l’avocat dans la société.
Le conseil de l’ordre devra donc s’impliquer au maximum dans cette situation pour éviter que les avocats soient clochardisés par leurs pairs. Dans le cas contraire, l’indépendance de l’avocat serait réduite par celui-là même qui crie à tort ou à raison que son indépendance est entamée par les magistrats et le politique alors que lui-même ne sait pas assurer l’indépendance de ses pairs.
Le jeune licencié en droit qui est, à la recherche d’un cabinet, est prêt à tout subir pourvu qu’un bon samaritain lui accorde un asile dans son cabinet. Il est de plus en plus constaté que nombre des patrons de cabinet considèrent leurs collaborateurs du cabinet comme leurs travailleurs parfois en les affectant à des travaux extra cabinet, tels que le suivi des chantiers, la conduite des enfants à l’école comme chauffeur, l’accompagnement moral des copines, etc.
2.5.2. Le manque de solidarité entre avocats
Il est aussi à noter que l’avocat a perdu le sens de faire le distinguo entre les intérêts du client et les siens propres. Dans la plupart de cas, où l’avocat se trouve en difficulté en justice, sauf pour les cas d’incrimination avérée, le plus souvent ce sont des situations entretenues par les avocats eux-mêmes.
Combien de fois n’a-t-on pas vu des avocats concevoir des citations directes contre leurs confrères pour les faits dont les actes relèveraient purement de la profession ? Ce genre de situation est à la base de la diminution de la considération dont jouissait jadis l’avocat auprès des magistrats, au point que la poursuite de l’avocat a été banalisée et l’avocat peut être arrêté même pour des faits très négligeables.
Il va sans dire que pareils comportements ne peuvent mettre l’indépendance de l’avocat à l’abri. Ils entament sérieusement l’indépendance de l’avocat qui ne jouit plus de sa noblesse légendaire. L’avocat est devenu un loup pour l’avocat.
2.5.3. La crise dans la gestion du corps
L’article 39 de l’ordonnance-loi n°79-08 du 28 septembre 1979 portant organisation du barreau, du corps des défenseurs judiciaires et du corps des mandataires de l’Etat énonce que « Les organes du barreau sont :
- L’assemblée générale ;
- Le conseil de l’ordre ;
- Le bâtonnier. »
Les articles 40 et suivants donnent les attributions de chacun des organes précités. Loin de nous l’intention d’émettre un jugement sur la gestion du corps, mais parce que nul n’ignore que le barreau de Lubumbashi traverse une crise jamais connue de son histoire, nous ne pouvons taire cette situation à l’occasion des mélanges dédiés à un des bâtonniers qui jusqu’à sa mort est resté « esclave » du respect des règles déontologiques.
Nous restons convaincus que cette crise, serait le produit du non respect de la loi qui régit les avocats dans la gestion du corps, les organes ne savent placer des limites légales reconnues aux uns par rapport aux autres.
De ce qui précède, il y a lieu de rappeler aux uns et aux autres qu’il ne serait pas responsable d’abuser de la confiance leur faite par les avocats en portant leur choix sur eux pour leur offrir de spectacles qui ne reflètent ni le respect des textes, ni moins encore de la considération envers les membres du barreau tout entier. C’est pourquoi il est impérieux de rappeler aux avocats, d’être plus responsables dans le choix à opérer lors de la désignation des dirigeants du corps pour éviter que pareille situation ne se répète pour l’avenir.
III. CONCLUSION
La profession d’avocat est l’une des plus nobles dans la lignée des professions libérales. Comme une rose, elle est belle mais ne manque pas d’épines. La profession d’avocat est réellement en voie de disparition. C’est pourquoi il est du devoir de tout avocat de se sentir concerné et travailler dans le sens de relever ce défi afin de restaurer l’image prestigieuse de celui qui est digne d’être appelé « avocat ». Telle est notre modeste contribution aux mélanges dédiés à la mémoire du bâtonnier TSHIMBADI.
[1] BERNARD, BEIGNIER, BERNARD BLANCHARD, JEAN VILLACEQUE, Droit et déontologie de la profession d’avocat, LGDJ, Paris, 2008, p.55
[2] PASCAL VANDERVEEREN,”Le barreau” in quel avocat pour le 21e siècle? Bruylant, Bruxelles, 2001, p.15
[3] J. HAMELIN et A. DAMIEN, les règles de la profession d’avocat, Dalloz, 2000, p.216
[4] C. CAMBIER, précis de droit administratif cité par Mbuy-Mbiye Tanayi, la profession d’avocat au Congo, éd. Ntobo, p.92
[5] J. VAN CAMPERNOLLE, L’évolution de la fonction de juger dans les ordres professionnels, in fonction de juger et pouvoir judiciaire, Transformation et déplacement, facultés universitaires St. Louis, Bruxelles, 1983, p.393
[6] MBUY MBIYE, op. cit. p .92
[7] LAURENT MALIERE , « introduction » in quel avocat pour le 21e siècle ? Bruxelles, Bruylant, 2001, p.11
[8] BERNARD SUR, Histoire des avocats en France, des origines à nos jours, éd. Dalloz, 1998, p.XI
[10] HAMELIN et A. DAMIEN, les règles de la profession d’avocat, Dalloz, Paris, 2000, p.392
[11] HAMELIN et A. DAMIEN cité par MBUY-MBIYE TANAYI , La profession d’avocat au Congo, 2e éd. s.d, Kin, p.153
[12] EDOUARD DE LAMAZE et CHRISTIAN PUJALTE, L’avocat, le juge et la déontologie, PUF, Paris 2009, p.1
[13]GUILLAUME LE FOYER DE COSTIL, L’indépendance de l’avocat, www.avocats-publishing.fr
[14] DIDIER DALIN, « les avocats dans la vie publique » in Avocats, le verbe et la robe, éd .Prat 2009, p.322
[15] CLEO LECLERCQ, Devoirs et prérogatives de l’avocat, Bruylant, Bruxelles, 1999, p.24
[16] LAMBERT MATRAY « Le rôle de l’avocat dans la société » in quel avocat pour le 21e siècle ? op. cit. p.59
[17] LAMBERT MATRAY, op. cit. p.59
[18] PASCAL VANDERVEEREN ; « Le barreau », Idem, p.18
[19] Il faut aussi rappeler à l’avocat qu’il n’existe aucune mutualité pouvant le prendre en charge en cas de maladie. La CAMSA qui du reste dans notre opinion est à supprimer, a déjà montré ses limites car en réalité, cette cotisation ne sert presqu’à rien, sa suppression conduira le barreau à se trouver à travers des systèmes modernes d’assurance maladie et de faire adhérer les avocats à des institutions sérieuses et responsables.
[20] ROBERT DE BAERDEMAEKER, la loyauté et l’indépendance de l’avocat, www.justice-en-ligne.be/spip.php?article177 , Publié le 16 juin 2010
[21] FRANZ VASSEUR, http:// vasseur.wordpress.com
[22] Le rôle de l’avocat, Ordre des avocats à la cour d’appel d’Aix en Provence 5 rue Rifle Rafle 13100 Aix en Provence http://www.barreau-aixenprovence.avocat.fr/fr/profession/role-avocat
[23] EDOUARD DE LAMAZE – CHRISTIAN PUJALTE, l’Avocat, le Juge et la Déontologie, questions judiciaires, Presse Universitaire de France, 2009 p.158
[24] Idem, p.159
[25] MORET-BAILLY J., et TRUCHET D., Déontologie des juristes, PUF, 2010, pp. 111-112
[26]GUILLIEN(R) et VINCENT(J), Lexique des termes juridiques, Dalloz,Paris,2005,p.613
[27] Lire a ce sujet: YAV KATSHUNG JOSEPH, La Justice Congolaise au banc des Accusés? Ed. PUL & CreateSpaces, USA , juin 2010
[28] YAV KATSHUNG JOSEPH, La Justice Congolaise au banc des Accusés? Ed. PUL & CreateSpaces, USA , juin 2010
[29] Grand Dictionnaire des lettres de Larrousse ;
[30] ERIC ALT et IRENE LUC, La lutte contre la corruption, PUF, Paris, 1997, pp.3-4
[31] Lire la discussion sur la question dans: YAV KATSHUNG JOSEPH, La Justice Congolaise au banc des Accusés? Ed. PUL & CreateSpaces, USA , juin 2010