Par définition, le bail dérogatoire, parfois également dénommé « bail de courte durée » est un contrat de bail pour la location de locaux destinés à l’exploitation d’un fonds de commerce industriel, commercial ou artisanal.
Les personnes pouvant bénéficier de ce statut sont les mêmes que celles pouvant être assujetties au statut des baux commerciaux et donc conclure un bail commercial.
Régime du bail dérogatoire
Le bail dérogatoire est organisé par l’article L. 145-5 du Code de commerce :
« Les parties peuvent, lors de l'entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du présent chapitre à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à trois ans. À l'expiration de cette durée, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogeant aux dispositions du présent chapitre pour exploiter le même fonds dans les mêmes locaux.
Si, à l'expiration de cette durée, et au plus tard à l'issue d'un délai d'un mois à compter de l'échéance le preneur reste et est laissé en possession, il s'opère un nouveau bail dont l'effet est réglé par les dispositions du présent chapitre.
Il en est de même, à l'expiration de cette durée, en cas de renouvellement exprès du bail ou de conclusion, entre les mêmes parties, d'un nouveau bail pour le même local.
Les dispositions des deux alinéas précédents ne sont pas applicables s'il s'agit d'une location à caractère saisonnier.
Lorsque le bail est conclu conformément au premier alinéa, un état des lieux est établi lors de la prise de possession des locaux par un locataire et lors de leur restitution, contradictoirement et amiablement par les parties ou par un tiers mandaté par elles, et joint au contrat de location.
Si l'état des lieux ne peut être établi dans les conditions prévues à l'avant-dernier alinéa, il est établi par un huissier de justice, sur l'initiative de la partie la plus diligente, à frais partagés par moitié entre le bailleur et le locataire ».
Le bail dérogatoire se caractérise essentiellement par sa durée : il ne peut être conclu pour une durée supérieure à 36 mois (soit 3 ans).
Tant qu’elles ne dépassent pas cette durée, les parties peuvent conclure des conventions successives. On peut donc avoir plusieurs baux dérogatoires qui se suivent s’ils n’excèdent pas 3 ans.
En revanche, à l’expiration de la durée de 3 années, les parties ne peuvent plus conclure un nouveau bail dérogatoire pour l’exploitation du même fonds dans le même local.
Si les parties excèdent cette durée de 3 années, le bail sera automatiquement requalifié en bail commercial.
Pourquoi conclure un bail dérogatoire ?
L’avantage d’un bail de courte durée est de permettre au bailleur de « tester » son locataire, avant, le cas échéant, de s’engager sur une durée plus longue.
Pour le locataire, cela peut également constituer un avantage s’il ne connaît pas encore son activité, et qu’il ne souhaite pas encore s’engager sur une période trop importante.
Différence entre le bail dérogatoire (de courte durée) et la convention d’occupation précaire
Le bail dérogatoire est souvent appelé « bail précaire » ou « convention d’occupation précaire ».
Il s’agit d’une faute de langage prêtant à confusion, puisque le bail de courte durée et la convention d’occupation précaire (ou bail précaire) sont en réalité deux figures juridiques parfaitement distinctes.
La convention d’occupation précaire se définit, quelle que soit sa durée, par une occupation non soumise au statut des baux commerciaux s’il existe un élément de précarité indépendant de la volonté des parties.
C'est l'article L.145-5-1 du Code de commerce qui s'applique :
« N'est pas soumise au présent chapitre la convention d'occupation précaire qui se caractérise, quelle que soit sa durée, par le fait que l'occupation des lieux n'est autorisée qu'à raison de circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties ».
Deux conditions doivent ainsi être réunies pour conclure une convention d’occupation précaire :
- Une précarité réelle et objective : la convention d’occupation précaire doit résulter d’une situation précaire objective au moment de la signature du contrat.
- Une contrepartie financière modique : seconde condition permettant de qualifier un contrat de convention d’occupation précaire, celle-ci doit être faite en contrepartie d’une contribution financière modique (aussi appelée redevance) c’est-à-dire inférieure au prix du marché.
Ainsi, la convention d’occupation précaire n’implique pas de condition de durée contrairement au bail dérogatoire : elle n’a pas à être inférieure à 3 ans, puisque son étendue dépend de l’élément objectif justifiant sa conclusion.
En l’occurrence, le motif justifiant la convention d’occupation précaire doit être indépendant de la volonté des parties (contrairement au bail de courte durée qui résulte justement de la volonté expresse des parties de se soumettre à un bail plus court que le bail commercial).
On peut par exemple prévoir une convention d’occupation précaire dans le local d’un immeuble frappé d’un arrêté de péril et de destruction (circonstance exceptionnelle justifiant la convention), pour la durée restant à courir jusqu’à la démolition effective (durée qui pourra donc, le cas échéant, excéder 3 ans).
La forme d’un bail dérogatoire
Le bail dérogatoire est organisé exclusivement par l’article L.145-5 du Code de commerce. Les autres articles du statut des baux commerciaux ne s’appliquent pas au bail de courte durée.
Ceci dit, dans la mesure où le bail dérogatoire peut parfois se prolonger en bail commercial s’il est renouvelé, en pratique, les parties reprennent souvent les mêmes clauses que celles d’un bail commercial classique, s’inspirant de trames et modèles similaires (sauf en ce qui concerne la durée par définition).
Important en revanche : le bail dérogatoire doit être écrit et un état des lieux sera établi lors de la prise de possession par le locataire.
Les modalités de résiliation du bail (formalisme, préavis, résiliation…) sont définies par les parties et le contrat prendra normalement fin à la date prévue par les parties.
Le loyer, ainsi que ses modalités de paiement, seront fixés par les parties.
À cet égard, on peut convenir d’une clause recette, c’est-à-dire d’un loyer déterminé en fonction du chiffre d’affaires du locataire, et éventuellement l’assortir d’un loyer minimum garanti.
Les éventuelles règles de révision du loyer sont également définies librement entre les parties (on peut par exemple envisager l’insertion d’une clause d’échelle mobile, pour permettre une variation automatique du montant du loyer aux termes convenus).
Les charges liées à la jouissance des locaux sont librement réparties entre le bailleur et le preneur.
Attention toutefois à respecter la règlementation particulière prévue par le statut des baux commerciaux sur ce point. Certaines charges ne peuvent être répercutées au locataire selon la loi Pinel. Il s’agit notamment :
- des dépenses relatives aux grosses réparations prévues par l’article 606 du Code civil ;
- des travaux de conformité et de ceux ayant pour objet de remédier à la vétusté du bien ou de l’immeuble ;
- des honoraires du bailleur liés à la gestion des loyers du local ou de l’immeuble ;
- des impôts, taxes et redevances dont le redevable légal est le bailleur, à l’exception de la taxe foncière ;
- dans un ensemble immobilier, des charges, impôts, taxes et redevances, ainsi que le coût des travaux relatifs à des locaux vacants ou imputables à d’autres locataires.
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