Le locataire d’un bail commercial ne peut exercer qu’une seule activité dans le local commercial : celle prévue au bail. On parle généralement de la « destination » du bail commercial.
Le locataire n’est pas autorisé à exercer une autre activité que celle prévue au bail commercial, sous peine d’expulsion.
Le législateur a toutefois prévu certaines situations dans lesquelles l’activité du bail commercial peut être changée en cours d’exécution du contrat : ce mécanisme est généralement appelé « déspécialisation du bail commercial ».
Le statut des baux commerciaux prévoit quatre cas de figure dans lesquels l’activité d’un commercial bail peut être changée :
- La déspécialisation partielle, concernant l’adjonction d’activités connexes ou complémentaires à celles prévues au contrat (L. 145-47 du Code de commerce) ;
- La déspécialisation plénière (L. 145-48 et suivants du Code de commerce), lorsque le locataire souhaite un changement total d’activité et qu'il transforme intégralement son exploitation ;
- La déspécialisation-cession que peut demander le locataire lorsqu’il prend sa retraite, ou s'il bénéficie d'une pension d'invalidité (L 145-51 du Code de commerce) ;
- Enfin, la « cession-déspécialisation », en cas de cession du fonds de commerce en redressement judiciaire (L. 642-7 du Code de commerce).
Vous pouvez notamment retrouver ces différentes hypothèses dans nos explications sur le droit au bail commercial, sur notre site NovLaw Avocats.
Qu’est-ce que la déspécialisation partielle ?
La procédure de déspécialisation partielle (aussi appelée déspécialisation restreinte), est régie par l'article L.145-47 du Code de commerce. C’est une disposition d’ordre public : aucune clause du bail commercial ne peut y déroger.
Cette déspécialisation correspond à la mise en place d'une activité annexe ou complémentaire à l'activité prévue au contrat (par exemple, l’activité de vente de produits cosmétiques dans un salon de coiffure).
Le process est le suivant : le locataire doit notifier son nouveau projet au bailleur par acte d'huissier ou par lettre recommandée. Cette notification vaut mise en demeure au propriétaire de faire connaître dans un délai de 2 mois s'il conteste le caractère connexe ou complémentaire de ces activités. Attention : l’absence de réponse du bailleur vaut acceptation.
Le bailleur ne peut refuser le changement d’activité que dans le cas où la nouvelle activité n'est pas connexe ou complémentaire à celle indiquée lors de la conclusion du bail, ou qu’elle contreviendrait au règlement de copropriété.
En ce cas, le locataire pourra initier un recours devant le tribunal judiciaire pour contester le refus du bailleur, qu’il juge abusif ou infondé.
Le locataire peut toujours, en cours de procédure, renoncer à sa demande de déspécialisation. Il peut le faire à tout moment et jusqu'à l'expiration d'un délai de 15 jours à partir de la date à laquelle la décision du tribunal est devenue définitive.
Attention : en contrepartie de la déspécialisation partielle, le bailleur est en droit de solliciter une augmentation de loyer, mais pas immédiatement en revanche : uniquement lors de la première révision triennale suivante (voir l’article L.145-47 du Code de commerce).
Le loyer pourra alors être augmenté (déplafonné), et ce, sans qu’il ne soit nécessaire que cette adjonction d’activité connexe ait entraîné une augmentation de la valeur locative supérieure à 10 % contrairement aux règles habituelles de déplafonnement du loyer en révision triennale.
Qu’est-ce que la déspécialisation plénière ?
La déspécialisation plénière (aussi dénommée déspécialisation totale) est celle prévue aux articles L.145-48 et suivants du Code de commerce. Pour demander une déspécialisation totale, deux conditions sont nécessaires :
- le locataire doit être dans la nécessité économique de changer d'activité ;
- et la nouvelle activité envisagée doit être compatible avec la destination et la situation de l'immeuble.
Au préalable, le locataire devra demander à son bailleur et aux créanciers inscrits sur le fonds de commerce, l'autorisation d'exercer une activité différente de celle prévue dans le bail. La demande est formée indistinctement par lettre recommandée ou acte d’huissier.
Le bailleur disposera alors de 3 mois pour répondre, l'absence de réponse valant acceptation de sa part.
À noter que le bailleur peut s'opposer au changement d'activité en cas de :
- motif grave et légitime (par exemple non paiement du loyer par le locataire);
- intérêt personnel, droits concurrents à des tiers ;
- en exerçant son droit de reprise (non-renouvellement de bail, travaux de rénovation urbaine – L. 145-53 du Code de commerce)
En contrepartie de la déspécialisation plénière, le bailleur peut demander le paiement d'une indemnité égale au montant du préjudice qu'il estime subir, et demander une hausse du loyer.
La déspécialisation du locataire faisant valoir ses droits à la retraite
Ce cas de figure est prévu par l’article L. 145-51 du Code de commerce. Pour permettre au locataire de prendre sa retraite (ou s’il devient bénéficiaire d’une pension d’invalidité), le locataire a la faculté de céder son bail, avec déspécialisation. On appelle cela la déspécialisation-cession.
La seule condition à la déspécialisation-cession est celle de la compatibilité des lieux du local commercial avec la nouvelle destination. Le bailleur ne peut invoquer aucun autre motif que la non-compatibilité des lieux pour justifier son refus de déspécialiser le bail en cas de départ à la retraite du locataire. A défaut son refus serait nécessairement jugé abusif.
Le bailleur n’est pas non plus autorisé à solliciter une augmentation immédiate de loyer en contrepartie de la déspécialisation (il pourra toutefois solliciter une hausse de loyer à l’occasion de la révision triennale suivante).
Cession-déspécialisation en cas de cession d’entreprise en redressement judiciaire
Ce cas de figure est prévu par l’article L.642-7 du Code de commerce.
Le principe est d’autoriser l'acquéreur, dans le cadre d'une cession de fonds de commerce en redressement judiciaire, à ne pas recourir à la procédure de déspécialisation partielle et de l’autoriser à adjoindre des activités connexes ou complémentaires à celles prévues dans le bail objet de la cession.
Le tribunal de commerce a ainsi la possibilité d’autoriser cette déspécialisation dans le cadre du plan de cession de l’entreprise en difficulté. À noter que ce mécanisme n’est valable que pour une déspécialisation partielle, mais n’autorise pas une déspécialisation totale du fonds de commerce.
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