Dans le domaine de la preuve, le principe est que" Nul ne peut se constituer de titre à soi-même" conformément à l’article 1363 du Code civil. Faire intervenir un commissaire de justice, officier public et ministériel assermenté, pour constater, permet de disposer d’une preuve en fixant un état de fait, une situation.
L’article 1369 du Code civil précise en outre que « l’acte authentique est celui qui a été reçu avec les solennités requises, par un officier public ayant compétence et qualité pour instrumenter». Le commissaire de justice est un officier public ministériel nommé par le ministre de la Justice. Le commissaire de Justice (ex-huissier de justice) est ainsi un auxiliaire de Justice dépositaire d’une parcelle d’autorité publique. Par cette qualité, les actes dressés par les commissaires de justice sont des actes authentiques.
Les commissaires de Justice sont également soumis à un code de déontologie qui garantit, sous contrôle de leur autorité de tutelle, une totale impartialité dans la manifestation de la vérité. C’est aussi pour cette raison que le législateur, à travers la loi n ° 2010- 1609 du 22 décembre 2010, dans le prolongement de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut des huissiers de Justice, a donné au commissaire de justice et à ses constats, une force probante supérieure à tout autre mode de preuve. Une simple photographie, une capture d’écran, un enregistrement peuvent être écartés par le juge pour plusieurs raisons. Il risque de considérer que ces éléments constituent des preuves qui ont été obtenues de façon déloyale (un enregistrement capté à l’insu de l'intéressé peut ne pas être admis comme preuve); qui ne font pas foi (pas datées, pas localisées ou localisables); qui ont pu être truquées, modifiées ou falsifiées. Un document d’expertise peut être complémentaire d’un constat de commissaire de justice, en particulier quand la complexité d’une situation exige un éclairage professionnel particulier. En revanche, un document d'expertise n’a pas la même force probante. Il ne comporte pas de mentions authentiques et représente un élément de preuve, et non une preuve parfaite comme le constat par commissaire de justice. Le procès-verbal de constat par commissaire de justice est en effet une preuve littérale (écrite) faisant partie des preuves dites “ parfaites ”. Le commissaire de justice y relate ce qu’il a vu et personnellement constaté.
Le constat par commissaire de justice sur internet, comme tout constat par commissaire de justice, permet de matérialiser une preuve, de disposer d’éléments matériels permettant d’établir la vérité sur une situation donnée. Sur internet, les preuves peuvent disparaître très rapidement. Le constat par commissaire de justice sur internet présente donc une importance singulière à ce niveau. Internet, espace dématérialisé par excellence a posé de nouveaux problèmes en matière d’administration de la preuve à la fois d’un point de vue pratique et juridique. Les données qui y circulent sont en permanence disponibles dans le monde entier sans interruption. Le commissaire de justice peut procéder à toutes les opérations d’investigation nécessaires et copier toutes les données litigieuses tout en respectant un certain nombre de conditions. Les juges ont ainsi admis la régularité de tels constats et l’absence de toute saisine préalable du juge des requêtes dans la mesure où le domicile d’un individu n’a pas été pénétré (TGI Paris, 14 août 1996, TGI Paris, 5 mai 1997, TGI Paris 10 juin 1997). Par ailleurs, dans un arrêt du 25 octobre 2006, la Cour d’appel de Paris a considéré que le constat ne permet au commissaire de justice que de capturer des pages et non d’effectuer des copies ou d’« aspirer» un site internet afin de ne pas produire une contrefaçon descriptive. Un arrêt du TGI de Paris a également admis que le commissaire de justice requis à la demande d’un particulier est habilité à procéder à la description d’un site internet faisant la publicité ou proposant la vente d’un produit relevant de la contrefaçon, puis à annexer à son procès-verbal de constat les impressions d’écran des pages visitées ( TGI Paris, 28 avr. 2011, n ° 10/ 04986). Cette décision a été ensuite confirmée par la Cour d’appel de Paris (CA Paris, 20 mars 2013, n °11/1399). En ce sens, la cour d’appel de Paris a admis la validité d’un constat par commissaire de justice établi à partir du site internet d’archivage web"archives.org" qui permet de retrouver certains contenus numériques effacés (CA Paris, 5 juill. 2019, n ° 17/ 03974). Il convient au demeurant de rester prudent, de manière à ce qu’un constat par commissaire de justice soit parfaitement valable. Le matériel à partir duquel il doit procéder doit être, dans ces conditions, le plus neutre possible. Il ne doit aucunement interférer dans la consultation du site tel qu’il est précisément au moment du constat. Il est ainsi impératif que l’appareil à partir duquel le commissaire de justice procède au constat soit identifié tout comme l’adresse IP, de façon à pouvoir la recouper avec les données de connexion fournies par l’hébergeur du site incriminé. Il s’impose également que tous les cookies aient été supprimés de l’ordinateur de manière à ne pas influer sur la navigation du commissaire de justice sur le site. Il faut s’assurer par ailleurs que les fichiers temporaires ainsi que l’historique de navigation ont été vidés préalablement à l’ensemble des constatations, que la mémoire cache ait été purgée, pour s’assurer que le site visualisé par le commissaire de justice apparaît bien dans sa version la plus récente, ce qui est nécessaire pour garantir la date et l’heure du constat. Il faut s’assurer que le constatant a lancé ses recherches depuis une page vierge de son logiciel de navigation et qu’il a bien synchronisé l’horloge interne de son poste avec le serveur de temps internet. Ces conditions sont présentes dans la norme AFNOR Z67 – 147, en septembre 2010, qui est venue détailler les modalités de validité des constats par commissaire de justice (ex-huissier de justice) sur internet. Il convient, toutefois, de préciser que la norme AFNOR ne présente aucun caractère obligatoire. En réalité, l’essentiel est que la méthodologie adoptée par le commissaire de justice garantisse la fiabilité et l’exactitude de ses constatations.
Des limites ont également été fixées quant aux possibilités accordées au commissaire de justice pour établir un constat. En matière de contrefaçon, par exemple, la question se posait de savoir si l’officier public et ministériel pouvait enregistrer une commande sur internet pour savoir si le produit commandé était une contrefaçon. Certains arrêts ont estimé dans un premier temps que cela était possible, mais des jurisprudences plus récentes n’ont pas autorisé le commissaire de justice à effectuer ce type de démarche. Pour acheter un produit sur internet, le commissaire de justice doit suivre les mêmes consignes qu'en matière de constat d’achat dans un magasin. Il doit donc divulguer de manière claire et visible son identité et sa qualité. Une fois ces formalités respectées, il pourra procéder à l’acte d’achat. Les constats par commissaire de justice peuvent s’exposer à l’invalidité s’ils sont accomplis dans la clandestinité, ce qui est le cas de l’enregistrement d’un entretien téléphonique réalisé à l’insu de la partie ou de son écoute par l’intermédiaire du haut- parleur du téléphone, également à l’insu de la partie écoutée. Le constat doit être scrupuleusement dressé par le commissaire de justice afin de ne pas être attaquable sur le terrain de la loyauté de la preuve. Les juges veillent en effet attentivement à ce qu’une partie ne se ménage pas un avantage probatoire par la surprise, l’incorrection ou la fraude, et ce en vertu du principe du contradictoire. Or, lorsque le commissaire de justice s’introduit dans les locaux d’une entreprise, il est susceptible de le faire à la manière de n’importe quel internaute sans toujours s’identifier spécifiquement afin ne pas supprimer l’effet de surprise et offrir ainsi la possibilité à l’éditeur du site de retirer toutes les données litigieuses et par conséquent de rendre toute preuve valide intraçable. Il est donc nécessaire de trouver un juste équilibre entre l’effet de surprise et la loyauté de la preuve. Il est possible d’avancer qu’une correspondance envoyée juste après le constat et précisant les modalités de celui- ci et son contenu suffise à garantir cette loyauté, dans la mesure où le titulaire du site sait ce qui se trouve en ligne à un moment donné. Il ne sera donc pas surpris par le contenu du constat et aura eu la possibilité de préparer sa défense comme face à une preuve classique. La copie écran peut également avoir un intérêt dans un litige même si le constat par commissaire de de justice sur internet reste la preuve disposant de la force probante la plus élevée devant toutes les juridictions françaises.