Quelques remarques sur l’avant projet de loi fixant les règles applicables aux activités de la poste, des télécommunications et à celles liées aux technologies de l’information
En Algérie.
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Le secteur des télécommunications est ouvert à la concurrence depuis l’année 2000 (loi. 2000-03). Force est de constater toutefois, après 12 ans de dérèglementation du secteur et donc de régulation et d’introduction à la concurrence, que l’on se dirige plus vers le réaménagement du monopole public que vers une véritable libéralisation.
La concurrence existante sur le secteur concerne uniquement les services et non les infrastructures. La nouvelle loi, sous réserve qu’elle soit adoptée par le Parlement Algérien, apporte quelques avancées : dégroupage de la boucle locale, portabilité du numéro, pouvoir de sanction de l’Autorité de régulation de la poste et des télécommunications, fixation d’un mandat au régulateur…
L’objet du présent article est de constater les quelques aspects saillants de la réforme.
- Une première remarque générale s’impose d’elle-même : le législateur semble avoir oublié de clarifier les relations de l’ARPT et l’autorité en matière de l’information d’autant plus qu’avec la création, prochainement de l’autorité de l’information, certaine segments des deux marchés (Télécommunications, information) et les missions de régulation peuvent se chevaucher (s’agissant notamment de la régulation du spectre hertzien). Il est souhaitable en outre, de clarifier, les relations de l’ARPT avec le Conseil de la concurrence (la question de l’interrégulation), bien que le droit de la concurrence y a fait référence.
Art. 2. Les activités de la poste et des télécommunications ne relèvent pas du régime de la domanialité publique… ; cette disposition est contraire à l’article 17 de la loi fondamentale. Cette dernière fait des télécommunications une propriété publique. L’article 2 doit contenir une disposition qui prévoit l’exception de la poste et des télécommunications puisqu’elles appartiennent, constitutionnellement à la propriété publique qui est frappée d’une inaliénabilité absolue. La domanialité publique par contre n’est pas inaliénable, elle peut faire donc, objet de concession. Dans ce cadre, les télécom par exemple, en tant service public, peut être géré par une personne privée (dans le cadre d’une licence ou autorisation) contrairement à la propriété publique.
Art. 10. Création d’un fond d’appui du service universel,
Le législateur ne distingue pas entre (accès universel et service universel). La création de ce fond est problématique en ce sens que les 3% du chiffre d’affaire par opérateur, imposé par le décret de 2003 (modifié et complété en 2009 relatif au service universel), n’ont pas été utilisé de façon rationnelle. La question qui se pose, où est passé la politique algérienne du service universel de puis 2003 ? Comment ces fonds ont été utilisés ? Autant de questions qui se posent à ce propos.
Art. 19/ 3. La notion de mandat, c’est une avancée remarquable de la part des pouvoirs publics s’agissant la limitation du mandat des membres de l’autorité. Toutefois, la tendance mondiale en matière de mandat, est de définir un mandat pour 5 ans renouvelable (puisque l’avant projet de loi fait référence à la tendance mondiale en la matière).
En ce qui concerne la désignation des membres de l’autorité, les pouvoirs publics ne semblent pas ouvrir la possibilité de désignation à d’autres instances telles que l’APN et le Conseil de la nation et, préfèrent garder les dispositions de la loi 2000-03 ; à savoir que le monopole de désignation est attribué exclusivement au président de la république. En somme, la toute nouvelle autorité est d’avance taxée comme dépendante du pouvoir exécutif. La meilleurs des solutions est d’opté pour le partage de la compétence de désignation des membres avec d’autres instance (surtout APN et CN). S’agissant de la qualité des membres, le législateur ne fait aucune référence à l’expertise des membres à désigner. L’expertise en la matière est requise et renforce l’indépendance de l’autorité d’un point de vue fonctionnel.
Art. 22. Les décisions de l’ARPT peuvent l’objet d’un recours en annulation auprès du Conseil d’Etat. Cette disposition est critiquable : Le juge administratif ne connais pas la technique (une expertise en matière d’interconnexion ou en matière de fréquence hertziennes est plus que requise pour qu’un juge rende une décision) ; cette remarque est fondée dans la mesure où, avec plus de 10 ans de régulation du secteur, le Conseil d’Etat n’a rendu aucune décision (excepté 2 décisions où il rejette les requettes pour vice de forme). En France par exemple, les décisions de l’ARCEP (autorité de régulation des communications électroniques et des postes), sont passibles d’un recours auprès du Conseil d’Etat, si elles touchent les prérogatives de puissance publiques, mais d’un autre côté, certaines de ses décisions sont passibles de recours devant la Cour d’appel de Paris (si elles traitent les techniques de régulation ou un contrat : exemple des conventions d’interconnexion etc.) Il est pertinent en somme, de faire le trait entre deux types de décisions que l’ARPT peut prendre : celles prises comme (protecteur de l’ordre public économique à travers les prérogatives de puissance publique, retrait d’autorisation par exemple), donc doivent être soumises à l’appréciation du juge administratif ; et celles prises dans le cadre de ses missions de régulation du marché (contrat d’interconnexion par exemple qui sont des convention de droit privé, en matière de règlement des différent et d’arbitrage) qui doivent donc être soumises à l’appréciation du juge judiciaire, soit le juge des contrat (la Cour d’appel d’Alger).
En outre, s’agissant de l’effet suspensif, le législateur en imposant cette disposition (le recours n’est pas suspensif, c’est-à-dire même si un opérateur fait un recours la décision de l’ARPT est exécutoire), bafoue l’une des garanties fondamentale du procès équitable.
La justification jurisprudentielle : le Conseil d’Etat a rendu en la matière un arrêt (BCIA/Commission bancaire) n° 1908 du 21/08/2003 (Rev. Conseil d’Etat n° 6, 2005, p. 72, également, SAÏS Djamel, La jurisprudence algérienne en matière administrative, Tome 3, éd. Clic, Alger, 2013, p.1384 (En arabe)., voir aussi les articles 911, 912, 913, 219,920 du code de procédure civile et administrative.
Art. 26, 27 et 28. L’organisme public de la poste,
Il faut nommer cet organisme dans la mesure où le décret exécutif n°02-43 portant création d’Algérie poste, le qualifie comme étant un EPIC (Etablissement public à caractère industriel et commercial).
Art. 34, 45, 36 et 37. La création d’un observatoire national de la poste, des télécommunications et des TIC et d’un Conseil National de la poste, des télécommunications et des TIC. Ces dispositions n’ont pas leur place, en principe, dans le cadre d’une régulation sectorielle qui impose une seule autorité experte en la matière. C’est une disposition qui complexifie l’ordre juridique qui demande de la simplicité. D’autant plus que, l’ARPT dispose déjà un pouvoir d’avis et un pouvoir consultatif et elle publie chaque année un rapport annuel concernant ses activités.
L’expérience algérienne a montrée son échec en matière de Conseils consultatifs (protection des consommateurs, droits de l’homme, assurances…).
Ce qu’il faut faire, c’est renforcer ces pouvoirs et de lui reconnaitre expressément un Pouvoir règlementaire (limité à son champ d’intervention) et, supprimer l’Observatoire et le Conseil.
Art. 123. S’agissant du dégroupage de la boucle locale, il faut davantage clarifier le texte et ne pas renvoyer ses détails au règlement. Compétence qui doit relever en toute logique de l’ARPT (gestion avec des modalités simples dans des conditions transparentes et non discriminatoires).
Art 141. Le texte marque une évolution significative en matière de preuve ; dans la mesure où il intègre le document électronique parmi les moyens de preuve reconnus par le droit algérien (civil, commercial etc.). Toutefois, le texte manque de rigueur en ce sens que le document électronique doit, pour être reconnu comme moyen de preuve, être certifié (La certification électronique).
Le texte prévoit en outre, le dégroupage de la boucle locale et la procédure de portabilité du numéro toute en renvoyant l’application à des textes règlementaires.
Le législateur a prévu, dans la loi de finance complémentaire pour l’année 2009, le droit de préemption, c’est-à-dire, reconnaitre la priorité à l’Etat dans le rachat des actions d’opérateurs qui manifestent leur volonté de vendre (à hauteur de 51%). L’affaire de l’opérateur Djezzy montre que les pouvoirs publics Algériens, veulent rendre tout public et ainsi écraser la concurrence, en sachant que l’opérateur Historique (Algérie Télécom) est détenu par l’Etat (EPE/ SPA à capitaux public).