Non. Le consentement de tous les indivisaires est requis pour effectuer tout acte qui ne ressortit pas à l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition [1].
Dans une affaire, un indivisaire disant représenter les 2 autres coïndivisaires, avait confié un mandat général de gestion du bien indivis à une agence immobilière. Par acte sous seing privé l’agence immobilière, agissant « en qualité de mandataire de l'indivision X...», avait consenti un bail commercial à une association pour une durée de 9 ans. Les coïndivisaires non signataires avaient ensuite assigné l’association et l’agence immobilière en nullité du bail.
La Cour d'appel avait jugé que l'agence immobilière ne disposait pas d'un mandat spécial lui permettant de signer un bail commercial, et que le contrat signé avec l'association était nul et de nul effet. Elle avait dit que l'association devait quitter les lieux au plus tard dans un délai de 6 mois à compter de la signification de l'arrêt et avait, au besoin, ordonné son expulsion, le cas échéant avec le concours de la force publique. L'association était également condamnée à régler une indemnité d'occupation égale au montant du loyer, charges et taxes en sus entre les mains des indivisaires jusqu'à la parfaite libération des locaux.
Elle avait notamment retenu que :
- « (...) le « mandat général d'administration » donné (...) à [l'agence immobilière] par [l'indivisaire] se disant représentant des autres copropriétaires indivis, porte sur une maison individuelle et non sur des locaux commerciaux et s'il contient l'autorisation donnée au mandataire de conclure tous baux, il ne comporte pas expressément l'autorisation donnée à l'agence immobilière de conclure au nom de l'indivision un bail commercial qui s'assimile à un acte de disposition ;
- Il ne constitue donc pas un mandat spécial donné à [l'agence immobilière] de conclure un tel bail commercial, peu important à cet égard que [l'indivisaire] détienne 7/10e de l'indivision, le consentement de tous les indivisaires étant requis pour tout ce qui ne concerne pas l'exploitation normale des biens indivis et pour effectuer tout acte de disposition autre que ceux destinés à payer les dettes de l'indivision ;
- Le fait que ce bail a été ensuite communiqué par lettre simple aux co-indivisaires qui n'ont pas protesté ou encore le fait pour eux d'avoir reçu leur quote-part de loyers ne saurait valoir approbation tacite de la signature du bail commercial et ce d'autant que, bien que [l'agence immobilière] indique que ce bail venait en remplacement d'un précédent bail commercial consenti à [une autre société], elle ne produit pas cet ancien bail portant selon elle sur l'exploitation d'une maison de retraite ni les courriers échangés avec les indivisaires préalables à la signature du nouveau bail avec [l'association] ;
- En revanche, [l'indivisaire] a lui-même écrit à l'association (...) en ces termes : « Veuillez trouver ci-joint le relevé d'identité bancaire sur lequel les virements de loyers de la propriété (...) devront être effectués car [l'agence immobilière] n'est plus mandataire de l'indivision X...(...). J'ai été nommé - (...) - mandataire commun de l'indivision X.... Veuillez par la présente virer sur ce compte toutes sommes des loyers de la propriété (...) » ;
- La qualité à cette date de [l'indivisaire] à agir comme mandataire commun de l'indivision n'est contestée par aucun des co-indivisaires et celui-ci a d'ailleurs adressé ensuite plusieurs quittances de loyers ou d'indemnités d'occupation portant sa signature à l'association ;
- Il ne peut cependant être soutenu que les indivisaires représentés par [l'indivisaire] ont ainsi ratifié expressément et a posteriori le contrat de bail signé avec l'association en demandant (...) de lui faire parvenir les « loyers » directement entre ses mains alors que dès le mois (...) suivant, soit moins de trois mois après, l'ensemble des indivisaires agissaient en contestation du mandat et en nullité du bail ;
- Quoique les co-indivisaires n'aient émis aucune protestation à réception de la fraction de loyers revenant à chacun d'eux pour la période allant de janvier 2007 à décembre 2008, il ne peut davantage être tiré de ce fait une approbation quant à la nature du bail consenti par [l'agence immobilière] à [l'association] dont ils soutiennent n'avoir pas reçu copie ;
- [l'agence immobilière] indique ne l'avoir communiqué à l'ensemble des indivisaires que par courrier simple de sorte qu'elle ne peut produire aucune justification de la réception de l'acte par chacun des indivisaires ;
- Sur la nullité du bail : l'association (...) fait valoir qu'en tant que non professionnel de l'immobilier, elle était elle-même fondée à croire en l'étendue des pouvoirs du mandataire sans avoir à les vérifier d'autant qu'aucune circonstance ne lui permettait de mettre en doute l'étendue des pouvoirs de [l'agence immobilière] dans la mesure où elle affirme : - d'une part, attestation de M. S..., cadre salarié de l'association à l'appui, avoir rencontré une première fois à [l'agence immobilière] quelques jours après la signature du bail, [les coïndivisaires], qui leur auraient indiqué que [l'indivisaire] était souffrant, avoir rencontré les mêmes ensuite à deux autres reprises à l'occasion d'une demande de travaux puis à la suite de l'incendie qui a endommagé les locaux, ce qui est contesté par les indivisaires qui ne reconnaissent qu'une seule rencontre avec [l'association] après l'incendie des locaux, - d'autre part, que M. Y...président de l'association a eu avant la signature du bail plusieurs contacts avec l'agence qui lui a fait part des exigences des copropriétaires avant de lui dire que ceux-ci acceptaient selon elle les conditions de loyer proposées par l'association, - qu'elle a enfin reçu de [l'un des coïndivisaire] un courrier mentionnant qu'il était désormais le mandataire commun de l'indivision, qu'il devait à ce titre être destinataire des loyers et qu'il a d'ailleurs en conséquence adressé plusieurs quittances de loyers de sa main à l'association ;
- Cependant, le mandat apparent dont se prévaut l'association (...) ne peut tenir en échec les règles qui régissent le mandat dont doit disposer le mandataire qui entend signer pour le compte de son ou ses mandants un bail commercial, spécialement lorsqu'il s'agit d'un agent immobilier qui ne peut à cette occasion se prévaloir d'un simple dépassement de pouvoir alors que l'absence de mandat spécial équivaut à l'absence de mandat écrit ;
- Il s'ensuit que le bail (...) est entaché de nullité et que [l'association] qui ne dispose pas d'un titre ne peut ni se maintenir dans les lieux, ni prétendre obtenir réalisation de travaux de réparations ni de dommages-intérêts au titre d'un préjudice tant de jouissance du fait de l'indisponibilité des locaux que moral (...) ».
L'association s'était ensuite pourvue en cassation.
Les magistrats ont approuvé la décision des juges d'appels qui ont « retenu à bon droit que la preuve de l'existence et de l'étendue du mandat de gestion immobilière délivré à un professionnel ne peut être rapportée que par écrit ; que ni le mandat apparent ni la ratification de l'acte ne peuvent tenir en échec ces règles impératives ».
Ils ont jugé que la cour d'appel avait légalement justifié sa décision étant donné que le bail commercial litigieux avait été consenti par l'agence immobilière, sans mandat spécial donné par écrit par l'ensemble des coïndivisaires [2].
Notes de l'article :
[1] Article 815-3 du Code civil
[2] Cass. Civ., 1ère, 02/12/2015, n° 14-17211