Boris LARA, juriste

Location • Transaction • Copropriété • Construction

Un bail verbal est-il valable et quel régime juridique s’applique ?

Publié le Modifié le 12/07/2023 Vu 4 737 fois 0
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Il arrive qu’un bailleur et qu’un locataire consentent la location d’un bien de manière orale et qu’ensuite survienne un litige. Cet article présente les conditions de validité d’un bail verbal et le régime juridique applicable.

Il arrive qu’un bailleur et qu’un locataire consentent la location d’un bien de manière orale et qu’e

Un bail verbal est-il valable et quel régime juridique s’applique ?

1. Un bail écrit permet de sécuriser les rapports locatifs

En principe, le bail doit obligatoirement être rédigé par écrit, qu'il s'agisse d'une location vide [1] ou d'une location meublée [2]. Il peut être établi soit par un notaire en la forme d’un acte authentique, soit par un acte sous seing privé.

Il est recommandé aux parties d’établir un bail écrit afin de sécuriser les rapports locatifs.

Le bail écrit permet aux parties de s’entendre sur les éléments importants de la relation contractuelle (durée, loyer, charges, dépôt de garantie, révision annuelle du loyer…) et également de prévoir des clauses spécifiques à condition qu’elles ne dérogent pas aux dispositions légales d’ordre public qui encadrent la location.

Néanmoins, il arrive qu'un bailleur consente la location de son bien immobilier et qu'aucun bail ne soit signé entre les parties.

Sur ce point il est important de savoir que le bail verbal est reconnu en droit et que l'absence de bail écrit n'est pas assimilable à une absence de droits.

L'absence de bail écrit entraine notamment les conséquences suivantes :

  • Le bailleur ne peut pas exiger le versement d'un dépôt de garantie étant donné qu'il n'y a pas de contrat écrit ni de clause le prévoyant
  • Le loyer ne peut pas être révisé chaque année selon l'indice IRL publié par l'INSEE
  • En cas d'impayés ou de défaut d'assurance, le bailleur ne peut pas demander la résiliation du bail en se basant sur une clause résolutoire
  • En cas de litige, les parties devront rapporter la preuve de l'existence d'un bail

Le législateur n'a pas prévu de sanction lorsque les parties ne rédigent pas de bail. En revanche, il a prévu que chaque partie peut exiger de l'autre partie, à tout moment, l'établissement d'un contrat conforme aux  dispositions légales en vigueur.

Il est donc possible de régulariser la situation en rédigeant un bail à tout moment.

L'accord verbal deviendra alors un contrat écrit ce qui sécurise les rapports locatifs. 

 

Si l'une des parties refuse de régulariser la situation, le juge des contentieux de la protection peut être saisi

Dans un litige, des locataires titulaires d'un bail verbal refusait de signer un bail écrit faute pour les locaux de satisfaire aux exigences réglementaires en matière d'alimentation en eau potable, raccordement à un réseau d'assainissement et étanchéité de la toiture. Les magistrats de la Cour de cassation ont relevé que les juges du fond n'avaient pas été saisis d'une demande de conformité des locaux aux normes minimales de confort et d'habitabilité et ont précisé que la propriétaire est fondée à obtenir un bail écrit comportant les stipulations conformes à l'accord des parties, et pour le surplus aux dispositions statutaires de la loi [3].

Autremenent dit, à défaut d'accord entre les parties, le juge peut y substituer sa décision.

Le jugement vaut alors bail et ne peut comporter que :

  • Les clauses pour lesquelles les parties ont donné leur consentement
  • Les dispositions légales d'ordre public prévues par la loi du 06/07/1989 régissant les rapports locatifs

 

2. La charge de la preuve de l’existence d’un bail

Il revient à celui qui se prévaut de l’existence d’un bail d’en rapporter la preuve [4].

Le droit commun indique que le bail est un contrat par lequel l’une des parties s’oblige à faire jouir l’autre d’une chose pendant un certain temps, et moyennant un certain prix que celle-ci s’oblige de lui payer [5]. Autrement dit, le bail se caractérise par la mise à disposition d'un bien immeuble (appartement, maison) pendant une durée en contrepartie du paiement d'un loyer.

Lorsque le bail a commencé à être exécuté, l’administration de la preuve se fait par tous moyens.

La résidence effective et habituelle dans le logement pendant plusieurs années ainsi que la perception régulière de loyers par le bailleur peuvent démontrer l'exécution d'un bail verbal. Le juge tient compte d'un faisceau d'indices, c'est-à-dire d'un ensemble d'indices, qui par leur convergence, permettent de prouver l'existence d'un bail verbal.

L'occupation matérielle des lieux accompagnée de faits positifs manifestant la volonté communes des parties peuvent établir l'existence d'un bail :

  • Correspondances écrites (sms, email, courrier)
  • Preuve d’occupation des lieux (photos, constat d'huissier, contrats et factures (électricité, gaz, eau, téléphone), prestations sociales (APL...))
  • Paiement des échéances (relevés de compte bancaire, virements, chèques)
  • Délivrance de quittances nominatives
  • Régularisations annuelles de charges
  • Versement d’un dépôt de garantie
  • Attestations de témoin...

En revanche, si le bail oral n’a encore reçu aucune exécution, et que l’une des parties le nie, la preuve ne peut pas être reçue par témoins [6].

 

2.1. La preuve du début de la relation locative

Dans un litige, une locataire occupait une maison d'habitation selon un bail verbal et les proprétaires  lui ont délivré congé avec offre de vente. Refusant de quitter les lieux, les propriétaires ont ensuite saisi le tribunal judiciaire qui a notamment constaté la résiliation du bail et autorisé l'expulsion de la locataire. Cette dernière a interjeté appel soutenant qu' à défaut de justification de la prise d'effet de la location par les bailleurs, le congé délivré ne pouvait être validé faute de pouvoir s'assurer qu'il a bien été délivré pour le terme du bail. Les juges du font ont précisé à cette occasion que le bail liant les parties étant verbal, la preuve du début de la location peut être rapportée par tous moyens, y compris par présomptions. En l'espèce, les juges ont tenu compte de la date de souscription du contrat d'approvisionnement en gaz de la locataire ainsi que de la déclaration de droit au bail pour la même année signée par l'ancien propriétaire précisant la date d'entrée dans les lieux de la locataire ainsi que le montant du loyer perçu. Ils ont considéré que ces documents constituaient une présomption sérieuse de son entrée dans les lieux loués à la date qui y était précisée. Ils ont jugé qu'au regard de ces présomptions sérieuses et concordantes, il ne pouvait qu'être considéré, à défaut de toute présomption contraire, que le bail bénéficiant à la locataire avait pris effet à cette date. Par suite, ils ont jugé que ce bail s'étant renouvelé depuis cette date par tacite reconduction par périodes triennales, durée légale minimale d'un bail d'habitation consenti par une personne physique à défaut de tout autre accord contraire établi, le congé pour vendre avait été régulièrement délivré [7]. 

 

3. L’appréciation se fait in concreto, au cas par cas

Les magistrats apprécient souverainement l’existence d’un bail en fonction des éléments qui leur sont soumis. Lorsque les éléments soumis sont probants, les magistrats refusent d’annuler les baux verbaux et préfèrent la régularisation.

 

4. Le régime juridique applicable

Dès lors qu’est démontrée l’existence d’un bail, ce dernier est soumis aux dispositions prévues par la loi n° 89-462 du 06/07/1989 régissant les rapports locatifs. 

 

5. Jurisprudence

5.1. Exemples de cas où la qualification de bail a été exclue

Dans une affaire où le locataire avait réglé les taxes foncières, les primes d’assurance et avait réalisé des travaux (installation du chauffage, réfection de l’installation électrique et pose de sanitaires), les juges du fond ont estimé après avoir calculé le total des sommes sur 25 années d’occupation que la valeur moyenne de 282, 83 € par mois pour une maison de 250m² sur sous-sol et terrain de 1400 mètres avec dépendances ne pouvait pas être considérée comme la contrepartie d’un loyer et que part conséquent la qualification de bail verbal était à exclure au profit de celle de prêt à usage [8].

Dans une autre affaire, la Cour de cassation a  retenu que l'occupation à titre onéreux de la maison ne peut pas se déduire ni des courriers émanant d'un notaire ni du paiement par l’occupante des taxes foncières et d'habitation, que la plupart des textos échangés entre les parties étaient imprécis, seuls deux d'entre eux évoquant un loyer, que le versement d'une somme d'argent par l’occupante, plusieurs mois avant que le propriétaire n'acquière la maison occupée par elle, ne pouvait être considéré comme la contrepartie de cette occupation, et qu'enfin, les liens d'amitié existant entre les parties pouvaient expliquer que le propriétaire ait voulu faire bénéficier à l’occupante d'un prêt à usage. La qualification de bail verbal a été exclue [9].

L’occupation matérielle des lieux ne vaut commencement que si elle s’accompagne de faits positifs

Dans une autre affaire, il ressort des débats que les locataires avaient ont été introduits dans l'appartement par les propriétaires des lieux qui avaient convenu, selon les propres écritures de ces derniers, que les locataires " rembourseraient les frais d'eau et d'électricité et qu'un bail serait régularisé dès qu'ils auraient trouvé un emploi ". Les bailleurs ne sont donc pas fondés à soutenir que cette présence ne résulterait que d'une simple tolérance de leur part. Toutefois, les juges du fond considèrent que cette occupation matérielle des lieux ne peut valoir commencement d'exécution que si elle s'accompagne de faits positifs tels que le paiement du loyer, obligation essentielle du locataire. En l'espèce les locataires soutenaient avoir réglé mensuellement en liquide la somme de 450 euros par mois aux bailleurs et les photographies et les attestations qu'ils produisaient étaient insuffisantes à démontrer la réalité de leurs affirmations. En l'absence de démonstration d'un accord sur le montant du loyer et de l'existence de son paiement, la preuve d'un bail verbal n'est pas établie. Les locataires sont donc sans droit ni titre et leur expulsion peut être prononcée [10].

La simple occupation des lieux même de longue durée ne peut faire preuve de l'exécution du bail qu'à la condition que celui qui s'en prévaut, démontre qu'il a rempli les obligations qui en découlent et notamment qu'il en paye le prix. Tel n’est pas le cas lorsqu’il est relevé que l’occupant a été hébergé à titre précaire dans le cadre de dortoirs loués à des travailleurs saisonniers avant de partager la vie de la propriétaire des lieux, qu’il n’a pas payé de loyer et que les trois quittances produites portant sur une période postérieure sont muettes sur leur rédacteur et contestées par l’occupant. La qualification de bail verbal a été exclue [11].

 

5.2. L’absence de contrat écrit n’engendre pas la nullité du bail

Dans une affaire, la Cour de cassation a retenu que le bail ayant été exécuté, l’absence d’écrit ne le rend pas nul [12].

Par exemple, les juges considèrent que si l’article 3 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989 dispose que le contrat de location doit être établi par écrit, l’inobservation de cette disposition n’est pas sanctionnée par la nullité du bail. La demande du locataire tendant à voir prononcer la nullité du bail n’est pas fondée et est rejetée [13].

Le bail verbal même non régularisé produit effet et est régit automatiquement par les dispositions légales qui encadrent les rapports locatifs.

Ainsi, il a été jugé qu’en l’absence d’écrit, un locataire ne peut pas invoquer la nullité du bail pour se soustraire au paiement des échéances. De même, le congé doit respecter des conditions de forme et de fond. Par conséquent, un locataire ne peut pas invoquer la nullité pour se dispenser de respecter le délai de préavis de 3 mois prévu en cas de congé [14].

 

5.3. Les dispositions légales régissant le congé délivré par le bailleur sont applicables en cas de bail verbal

La Cour de cassation a jugé que le non-respect par une partie des dispositions de la loi régissant les rapports locatifs n’a pas pour conséquence la non-application de cette loi à son profit et l’absence de contrat écrit ne prive pas les bailleurs de se prévaloir des dispositions légales qui encadrent le congé aux fins de reprise [15].

 

5.4. Les dispositions légales régissant le congé délivré par le locataire sont applicables en cas de bail verbal

La Cour de cassation a précisé que l’absence de contrat écrit ne dispense pas le locataire du respect du délai de préavis [16].

Dans un autre arrêt, la Cour de cassation a validé le congé notifié en lettre recommandée avec accusé de réception par les locataires et le bénéfice d’un délai de préavis réduit à 1 mois en raison de la perte d’un emploi suivie d’un nouvel emploi [17]. 

 

5.5. Il n’est possible de réviser annuellement le loyer qu’avec l’accord exprès et non équivoque du locataire

Le contrat de location doit préciser notamment le montant du loyer, ses modalités de paiement ainsi que ses règles de révision éventuelle [18]. Par conséquent doit être cassé et annulé un jugement qui accueille une demande d’indexation du loyer en retenant que l’indexation s’applique automatiquement pour tenir compte des augmentations de la vie quotidienne dès lors que s’agissant d’un bail verbal, il est constaté qu’il n’existe aucun accord écrit d’indexation entre les parties [19].  

Dans une autre affaire, la Cour de cassation a approuvé la décision des juges du fond appliquant les dispositions de la loi régissant les rapports locatifs à une situation litigieuse où les parties avaient conclu un bail verbal. En l’espèce, les juges du fonds ont précisé que la loi n°89-462 du 06/07/1989 subordonne la révision du loyer à l’existence d’une clause dans le bail la prévoyant et qu’il ne saurait être dérogé à ces dispositions d’ordre public qui prévoient l’obligation de stipuler par écrit une clause de révision. Ainsi, en l’absence de contrat écrit, le bailleur ne pouvait pas procéder à une quelconque révision du loyer sauf accord exprès et non équivoque des locataires. Sur ce point, il a été précisé qu’un tel consentement ne peut se déduire du seul fait que les locataires aient payé sans protester le loyer augmenté pendant une période et auraient ainsi renoncé implicitement au bénéfice des dispositions légales qui encadrent la révision annuelle du loyer [20].

Ainsi certaines dispositions de la loi n° 89-462 du 06/07/1989 ne peuvent pas être appliquées avec un bail verbal car elles requièrent la présence d’un écrit.

 

5.6. En présence d’un bail verbal, aucune clause résolutoire ne peut être appliquée

L’article 4 de la loi n°89-462 du 06/07/1989 régissant la clause résolutoire ne peut pas se voir appliquer. En effet, une clause résolutoire doit être expressément stipulée. Par conséquent, la présence d’un bail verbal exclut tout existence d’une clause résolutoire régissant les relations des parties [21].

 

5.7. Les dispositions légales qui régissent la durée du bail et sa tacite reconduction sont applicables

La Cour de cassation a jugé au visa de l’article 10 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989 qu’il résulte de ce texte que le bail verbal portant sur un logement à usage d’habitation principale conclu par des bailleurs personnes physiques, en SCI familiale ou en indivision, l’est pour une durée au moins égale à 3 ans, et qu’en l’absence de congé valablement donné par les bailleurs, ce contrat parvenu à son terme est reconduit tacitement par période triennales. Autrement dit, à défaut de congé délivré par le bailleur, le bail verbal est tacitement reconduit [22].

 

Notes de l'article :

[1] Article 3 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[2] Article 25-7 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[3] Cass. Civ., 3ème, 29/11/2000, n° 98-12442, Bull. 2000, III, n° 179, p. 125

[4] Article 1353 du code civil

[5] Article 1709 du Code civil

[6] Article 1715 du code civil

[7] Cour d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, section 1, 12/08/2019, n° 17/02631

[8] Cour d’appel de LYON, 06/09/2005, n° 04/02821

[9] Cass. Civ., 3ème, 17/02/2022, n° 20-21390

[10] Cour d’appel de LYON, 13/02/2008, n° 06/06911

[11] Cour d’appel de LYON, 23/01/2008, n° 06/00951

[12] Cass. Civ., 3ème, 07/02/1990, n° 88-16225, Bull. 1990 III n° 40 p.21

[13] Cour d’appel de PARIS, 18/10/2016, n° 15/11871

[14] Cour d’appel de BOURGES, 1ère chambre, 29/08/1996, n° 1996-044376

[15] Cass. Civ., 3ème, 27/01/1999, n° 97-12246

[16] Cass. Civ., 3ème, 15/10/2008, n° 13-294, Bull. 2008, III, n° 153

[17] Cass. Civ., 3ème, 05/02/2014, n° 13-10804, Bull. 2014, III, n° 16

[18] Article 3 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[19] Cass. Civ., 3ème, 04/10/1995, Bull. 1995 III N° 211 p. 142

[20] Cass. Civ., 3ème, 05/02/2014, n° 13-10804, Bull. 2014, III, n° 16

[21] Cass. Civ., 3ème, 23/09/2014, n° 13-15713

[22] Cass. Civ., 3ème, 17/11/2021, n° 20-19450

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