Boris LARA, juriste

Location • Transaction • Copropriété • Construction

Un bailleur est-il tenu de transmettre une quittance au locataire ?

Publié le Modifié le 10/08/2023 Vu 598 fois 0
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Un bailleur est-il tenu de transmettre une quittance au locataire ?

Oui. Mais sous certaines conditions.

 

En effet, un bailleur a l’obligation de transmettre une quittance lorsque les 2 conditions suivantes sont remplies [1] :

 

  • Le locataire en a formulé la demande de manière expresse
  • L’échéance appelée (loyer et provision pour charges) a entièrement été réglée

Autrement dit, la transmission de la quittance n'est pas automatique et acquiert un caractère obligatoire seulement lorsque le locataire en a fait la demande et qu’il a honoré l’échéance pour laquelle il demande le quittancement.

 

Les dispositions légales relatives à la quittance sont applicables même en cas de bail verbal et de paiement effectué en espèces. Si l'article 1353 du code civil édicte un principe général applicable en toute matière, selon lequel celui qui se prévaut d'une obligation ou d'un paiement doit en apporter la preuve, ce texte ne peut faire grief au locataire de bonne foi, qui doit en contrepartie du paiement effectué, même en espèces et en exécution d'un bail verbal, exiger la remise d'un reçu [2].

 

Les échéances entièrement réglées donnent droit à une quittance même si le locataire n’a pas entièrement réglé son arriéré locatif, ou qu’il a quitté les lieux ou encore que le bail a été résilié par acquisition de la clause résolutoire.

Dans un contentieux locatif, les magistrats de la Cour de cassation ont cassé et annulé l’arrêt des juges d’appel qui avait débouté le locataire de sa demande de remise de quittances de loyer au motif que le locataire ayant invoqué son départ des lieux, la demande était sans objet.  Les magistrats ont précisé que la résiliation du bail par le preneur n'a d'effet que pour l'avenir [3].

 

La résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire ne rend pas sans objet la demande de délivrance de quittance [4].

 

D'autre part, si le locataire s’acquitte, après la résiliation du bail, de dettes nées antérieurement, le bailleur doit lui délivrer les quittances correspondantes. 

 

Dans un autre litige, il a été jugé que violent les dispositions légales les juges d’appel qui rejettent les demandes d’une locataire visant à obtenir la délivrance de quittances de loyers pour une période de 7 mois, ainsi que la condamnation du bailleur à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts en raison de son refus de lui délivrer ces quittances, aux motifs  que le bail a été résilié par acquisition de la clause résolutoire à la suite d’un commandement payer et que l’arriéré locatif a été réglé avec retard [5].

 

Dans une affaire, un locataire d’une maison avait réclamé au bailleur par 3 lettres recommandées la délivrance de quittances relatives aux loyers qu’il avait payés. Puis, le bailleur avait assigné le locataire en paiement d’une somme au titre d’un arriéré de loyers impayés et ce dernier avait reconventionnellement demandé des dommages-intérêts en raison, notamment du refus du bailleur de délivrer les quittances. Le juge de première instance avait accueilli la demande du locataire en paiement de dommages-intérêts pour non remise des quittances relatives aux loyers payés puis la Cour d’appel avait débouté le locataire de sa demande en retenant qu’il ne pouvait pas être reproché au bailleur une attitude fautive pour non délivrance des quittances alors qu’il n’avait pas à fournir de tels reçus pour des loyers qu’il n’encaissait pas. L’arrêt a été cassé et annulé par les magistrats de la Cour de cassation lesquels ont précisé que les juges d’appel auraient dû rechercher si le premier juge n’avait pas justement retenu le comportement fautif du bailleur pour la période pendant laquelle le locataire avait réclamé à plusieurs reprises la délivrance de quittance [6].

 

Dans un autre contentieux locatif, la Cour de cassation a précisé que les juges du fond ne peuvent pas rejeter la demande de délivrance de quittances de loyer en retenant que les locataires avaient laissé les loyers impayés depuis plus de deux années, qu’il leur appartenait de demander quittance en temps utile, à la date des versements qu’ils avaient effectués auparavant, et que cette demande se trouvait à présent dépourvue d’objet et d’intérêt puisque le jugement devait arrêter les comptes définitifs entre les parties. Il a été jugé que ces énonciations privent les locataires du droit d’obtenir la condamnation du bailleur à leur remettre les quittances manquantes [7].

 

Dans un autre litige, il a été jugé que la délivrance de quittances ne vaut pas renonciation de la part du bailleur à se prévaloir du bénéfice de la clause de révision annuelle du loyer [8]. A noter toutefois que cette décision a été rendue avant la loi ALUR [9]. Depuis, le délai de prescription de l’action en révision est passé de 5 ans à 1 an [10] et la révision du loyer a perdu son automaticité. Désormais, le bailleur souhaitant appliquer la révision du loyer doit manifester de manière expresse sa volonté auprès du locataire dans un délai d’1 an suivant la date de prise d’effet du bail. Il doit ensuite renouveler cette manifestation chaque année, de préférence soit avant la date convenue entre les parties, soit avant le terme de chaque année du contrat. A défaut, le bailleur est réputé avoir renoncé au bénéfice de la clause pour l’année écoulée. Il perd alors le bénéfice de la rétroactivité. Néanmoins, si le bailleur manifeste sa volonté de réviser le loyer dans le délai d'1 an, cette révision de loyer prend effet à compter de sa demande [11].

 

Dès lors que la condamnation du bailleur à délivrer quittance est demandée, le juge doit statuer sur cette demande et ne peut pas juste pendre acte de l’engagement du bailleur à remettre ultérieurement les quittances au locataire.

 

Dans une affaire, une locataire avait sollicité la condamnation du bailleur à lui remettre les quittances régulières correspondant à une période d’1 an et 6 mois sous astreinte. Le juge de proximité s’était borné à donner acte au bailleur, débiteur de la charge de la preuve de la remise effective de ces quittances, de ce qu'il s'engageait à remettre les quittances manquantes. La Cour de cassation a cassé et annulé le jugement en précisant qu’en statuant ainsi, alors que la locataire demandait la condamnation du bailleur à lui remettre les quittances manquantes, la juridiction a modifié l’objet du litige et violé les dispositions légales [12].

 

Notes de l'article :

 

[1] Article 21 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[2] Réponse ministérielle, n° 2252, 13ème législature, JO 30/10/2007, p. 6746

[3] Cass. Civ., 3ème, 28/06/2005, n° 04-10778

[4] Cass. Civ., 3ème, 17/11/1998, n° 97-13820

[5] Cass. Civ., 3ème, 26/09/2006, n° 05-11476

[6] Cass. Civ., 3ème, 26/10/2004, n° 03-14935

[7] Cass. Civ., 3ème, 02/12/2014, n° 13-12269

[8] Cass. Civ., 3ème, 09/12/2008, n° 08-10938

[9] Loi n° 2014-366 du 24/03/2014

[10] Article 7-1 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[11] Article 17-1 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[12] Cass. Civ., 3ème, 02/05/2012, n°11-17299

 

Pour en savoir plus :

 

Questions/Réponses sur la quittance de loyer et de charges

 

Pour télécharger un modèle de quittance :

 

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