Non. En l'absence de lien de droit entre le professionnel de l'immobilier et les indivisaires ayant laissé l'un des leurs agir seul, ces derniers ne peuvent demander directement des comptes au mandataire mais seulement à l'indivisaire gérant.
Dans une affaire, un indivisaire ayant été propriétaire indivis d'un immeuble avec sa belle-fille, avait assigné un agent immobilier, auquel il prétendait avoir confié la gestion de l'immeuble durant 22 ans, en reddition de comptes et à défaut en paiement des loyers qu'il aurait dû percevoir pour une période de 5 ans.
Le tribunal avait rejeté ses demandes et l'indivisaire avait interjeté appel.
La Cour d'appel avait également rejeté ses demandes aux motifs :
- « Que, sur la preuve du mandat de gestion pour la période de 1978 à 1990, la preuve du mandat incombe à celui qui s'en prévaut et le mandat de gestion immobilière que [l'indivisaire] prétend avoir conclu avec [l'agent immobilier], doit satisfaire à l'exigence de l'écrit ;
- Qu'il convient de constater à cet égard que |l'indivisaire] ne produit ni écrit, ni commencement de preuve d'un écrit constatant le mandat prétendument donné à [l'agent immobilier] de gérer pour son compte l'immeuble précité pour la période comprise entre 1978 et le 1er mai 1990 ;
- Que l'affirmation de [l'indivisaire] contenue dans ses écritures d'appel selon laquelle les loyers perçus au titre de la location de ce bien ont été versés à parts égales à chacun des co-indivisaires est contredite par la lettre adressée par l'agent immobilier à son conseil le 3 septembre 2002 selon laquelle [l'autre indivisaire], sa belle-fille " a été destinataire de l'ensemble des documents et des règlements " et ne vaut pas dans ces circonstances comme preuve du mandat de gestion donné par celui-ci à [l'agent immobilier] en l'absence de toute justification à ce titre ;
- Que l'existence du mandat de gestion litigieux ne peut pas davantage se déduire du refus opposé par [l'agent immobilier] de produire les comptes de sa gestion de 1978 à 1995 qui seraient de nature à démontrer le versement des loyers encaissés au profit de chacun des propriétaires indivis dès lors que [l'indivisaire] qui invoque avoir été bénéficiaire pour partie de ces loyers doit être en mesure de le démontrer utilement par ses relevés bancaires, des quittances ou ses déclarations fiscales mentionnant la perception de ces sommes à ce titre, sans qu'il soit besoin d'exiger de l'agent immobilier qu'il communique sa comptabilité ;
- Qu'il s'ensuit que les premiers juges ont retenu à bon droit que [l'indivisaire] ne démontrait pas avoir contracté avec [l'agent immobilier] pour la gestion de l'immeuble précité pendant la période comprise entre le 26 janvier 1978 et le 1er mai 1990 ;
- Sur la preuve du mandat de gestion pour la période du 1er mai 1990 au 19 juillet 2000, [la Cour d'appel a relevé] que par acte sous seing privé en date du 1er mai 1990, le cabinet immobilier (...) a reçu mandat de gérer et d'administrer l'immeuble précité dans les termes de la stipulation suivante : « M § Mme X... agissant en qualité de propriétaires donne pouvoir au mandataire de gérer et administrer un immeuble sis à lot X... 20240 Ohisonaccia » ;
- Que pour que ce mandat de gestion puisse être considéré comme valable à l'égard de [l'indivisaire], le consentement de celui-ci doit être certain ; qu'il convient, cependant, de constater que le mandat est revêtu de la seule signature de [la belle-fille], ce dont il résulte que [l'indivisaire] n'a pas consenti à cet acte et ne dispose, donc, d'aucun droit à solliciter de l'agent immobilier qu'il lui rende compte de sa gestion ;
- (...) [L'indivisaire] ne peut pas utilement déduire de l'adjonction de la lettre " M " à la mention " Mme X... " contenue dans la stipulation précitée que le mandat de gestion a été donné au cabinet immobilier par les deux co-indivisaires en l'absence d'apposition de sa signature sur cet acte traduisant sa volonté de donner mandat et en considération de l'emploi au singulier du verbe " donne " dont il résulte sans équivoque que [l'autre indivisaire], seule signataire de ce document, a conclu le contrat du 1er mai 1990 ;
- Qu'il est vain, enfin, pour [l'indivisaire] de prétendre que l'exécution à son profit du mandat caractérisée par le versement opéré par l'agent immobilier de la moitié des loyers jusqu'en 1995 vaut preuve que la gestion de l'immeuble a été convenue par lui-même en qualité de mandant pour le motif précité tiré de l'absence de preuve des règlements prétendument effectués par [l'agent immobilier] du 1er mai 1990 au 19 juillet 2000, date à laquelle le mandat a pris fin ;
- Qu'il convient donc, dans ces circonstances de confirmer le jugement déféré qui rejette les demandes formées par [l'indivisaire] contre l'agent immobilier
Par suite, l'indivisaire s'était pourvu en Cassation.
A cette occasion, les magistrats ont relevé que le contrat de mandat confiant la gestion du bien indivis à l'agent immobilier, avait été signé seulement par la belle-fille. Ils ont donc approuvé l'arrêt de la Cour d'appel qui en avait déduit que l'indivisaire n'avait aucun droit à réclamer à l'agent immobilier qu'il rende compte de sa gestion.
Ils ont également jugé que la preuve de l'existence et de l'étendue du mandat de gestion immobilière délivré à un professionnel ne peut être rapportée que par écrit.
Reprenant les constatations des juges d'appel, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi [1].
Notes de l'article :
[1] Cass. Civ., 1ère, 17/12/2008, n° 07-17774