Non. Une indivision ne constitue pas une personne morale.
A titre liminaire, il convient de définir les termes.
Une personne morale est une entité abstraite et incorporelle. Il s'agit d'une construction juridique dotée de la personnalité juridique. Il est possible de la définir comme un groupement de personnes physiques ou morales disposant de l'aptitude à être titulaire de droits subjectifs et d'obligations. Ce groupement a ainsi la capacité par exemple de conclure des contrats, d’ester en justice et peut faire l’objet d’une condamnation pénale.
D'autre part, le droit commun définit la société comme étant instituée par 2 ou plusieurs personnes qui conviennent par un contrat d'affecter à une entreprise commune des biens ou leur industrie en vue de partager le bénéfice ou de profiter de l'économie qui pourra en résulter. Elle peut également être instituée, dans les cas prévus par la loi, par l'acte de volonté d'une seule personne [1].
Dès lors, la présence de ces éléments peut donner lieu à la qualification de société :
- Un contrat de société
- Une collaboration effective à l'exploitation
- La constitution d'apports
- Un but lucratif
- Une participation aux bénéfices et aux pertes
Aussi, il y a lieu de distinguer les personnes morales de droit privé comme par exemple :
- Les sociétés civiles (société civile immobilière (SCI), société civile de moyen (SCM), société civile professionnelle (SCP))
- Les sociétés commerciales (société à responsabilité limitée (SARL), société par actions simplifiée (SAS), société anonyme (SA), société en nom collectif (SNC), société en commandite simple (SCS), société en commandite par actions (SCA))
- Les groupements d'intérêt économique (GIE)
- Les associations déclarées
- Les fondations
Des personnes morales de droit public, comme :
- L'Etat
- Les collectivités territoriales (communes, départements, régions, collectivités à statut particulier et collectivités d'outre-mer)
- Les établissements publics (à caractère industriel et commercial (EPIC), administratif (EPA), de coopération intercommunale (EPCI)
- Les groupements d'intérêt public
L'indivision, quant à elle, désigne une situation dans laquelle au moins 2 personnes, les « indivisaires », exercent des droits de même nature sur un même bien. Cette situation peut être choisie (acquisition d'un bien...) ou subie (donation, succession, divorce...). Afin d’encadrer cette situation, le législateur a instauré un régime légal de l’indivision [2).
La jurisprudence a précisé à plusieurs reprises que l'indivision ne constitue pas une personne morale.
Dans une affaire, une épouse avait continué, postérieurement à la prononciation du divorce, à occuper le domicile conjugal indivis avec les deux enfants du couple. Après avoir interjeté appel d’un jugement, elle s’était pourvue en cassation en faisant grief à l’arrêt des juges du fond de l’avoir débouté de ses demandes en paiement formulées à l’égard de l’indivision au titre d’une rémunération pour gestion de l’immeuble indivis et de divers remboursements de sommes réglées par elle (prêts, taxes foncières, travaux d’aménagement). Les magistrats de la Cour de cassation ont jugé que l’indivision existant entre les ex-époux ne constitue pas une personne morale ayant la personnalité juridique [2].
Cette position a également été rappelée dans le cadre d’un litige portant sur la dévolution successorale de droits de chasse attachés à des parcelles que le défunt propriétaire avait fait apport de son vivant à une association communale de chasse. Ces droits avaient été ensuite transmis individuellement à ses ayants droits dont l’un avait demandé une carte de membre de droit à l’association qui lui avait refusé. Il a été jugé que l’indivision n’est pas une personne morale et que l’ayant droit remplit les conditions pour l’octroi de la carte [3].
Enfin dans une autre affaire, une auxiliaire vétérinaire avait été employée par une personne physique laquelle était ensuite décédée. Le conseil des vétérinaires avait décidé la fermeture de la clinique du défunt, un curateur de succession vacante avait été nommé à la suite du refus par les héritiers d’accepter la succession, la salariée avait été licenciée par le curateur et la liquidation judiciaire avait été prononcée. Estimant son licenciement infondé, la salariée avait saisi le conseil de prud'hommes qui avait dit le licenciement nul et avait fixé au passif de l'employeur diverses créances. L’employeur représenté par le mandataire liquidateur avait ensuite interjeté appel. S'agissant de la qualité d’employeur, la Cour d’appel après avoir relevé que la succession était vacante en raison de la renonciation des enfants et de la veuve du défunt, a rappelé qu'une indivision successorale n'a pas de personnalité morale et ne peut pas être employeur d'une personne physique, seul les membres de cette indivision, personnes physiques ou morales, peuvent avoir cette qualité. En l’espèce, les juges d’appel ont relevé l’absence de bulletins de salaire et de tout élément caractérisant un lien de subordination juridique à l’égard des héritiers du défunt ou du curateur et ont infirmé le jugement [4].
Notes de l'article :
[1] Article 1832 du Code civil
[2] Articles 815 et suivants du Code civil
[3] Cass. Civ., 1ère, 25/10/2005, n° 03-20382, Bull. 2005, I, n° 388, p. 323
[4] Cass. Civ., 3ème, 03/10/2007, n° 06-16716, Bull. 2007, III, n° 165
[5] Cour d’appel de DIJON, 04/11/2021, n° RG 19/008636