Boris LARA, juriste

Location • Transaction • Copropriété • Construction

Questions/Réponses sur la quittance de loyer et de charges

Publié le Modifié le 06/08/2023 Vu 4 971 fois 0
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Lorsque les conditions sont remplies, le bailleur est tenu de transmettre au locataire une quittance de loyer et de charges. Si le paiement de l’échéance est partiel, il doit lui remettre un reçu.

Lorsque les conditions sont remplies, le bailleur est tenu de transmettre au locataire une quittance de loyer

Questions/Réponses sur la quittance de loyer et de charges

Propos introductifs

 

En matière de rapports locatifs, la quittance désigne un document écrit par lequel un créancier - le bailleur - déclare avoir perçu de son débiteur - le locataire - une somme d'argent correspondant à l’échéance mensuelle (loyer et provisions pour charges) convenue dans le bail.

 

La quittance consacre la libération du débiteur à due concurrence des sommes qu'il a versées au créancier. Autrement dit, elle permet chaque mois au locataire de prouver qu’il a bien réglé le loyer et la provisions pour charges appelés et au bailleur de justifier qu’il a bien encaissé l’échéance.

 

Ce document peut servir de justificatif dans des situations diverses. Par exemple, la Caisse d’allocations familiales (CAF) peut conditionner le versement de l’allocation logement à la transmission des quittances afin de s’assurer que le locataire est à jour du paiement des loyers et des provisions pour charges et d’actualiser le montant de la prestation sociale en cas notamment de révision annuelle du loyer. De même, au moment de la déclaration annuelle des revenus fonciers, les quittances permettent au bailleur de justifier des sommes perçues auprès de l’administration fiscale.

 

1. Un bailleur est-il tenu de transmettre une quittance au locataire ?

 

Oui. Un bailleur a l’obligation de transmettre une quittance lorsque les 2 conditions suivantes sont remplies [1] :

 

  • Le locataire en a formulé la demande de manière expresse
  • L’échéance appelée (loyer et provision pour charges) a entièrement été réglée

Autrement dit, la transmission de la quittance n'est pas automatique et acquiert un caractère obligatoire seulement lorsque le locataire en a fait la demande et qu’il a honoré l’échéance pour laquelle il demande le quittancement.

 

Les dispositions légales relatives à la quittance sont applicables même en cas de bail verbal et de paiement effectué en espèces. Si l'article 1353 du code civil édicte un principe général applicable en toute matière, selon lequel celui qui se prévaut d'une obligation ou d'un paiement doit en apporter la preuve, ce texte ne peut faire grief au locataire de bonne foi, qui doit en contrepartie du paiement effectué, même en espèces et en exécution d'un bail verbal, exiger la remise d'un reçu [2].

 

Les échéances entièrement réglées donnent droit à une quittance même si le locataire n’a pas entièrement réglé son arriéré locatif, ou qu’il a quitté les lieux ou encore que le bail a été résilié par acquisition de la clause résolutoire.

Dans un contentieux locatif, les magistrats de la Cour de cassation ont cassé et annulé l’arrêt des juges d’appel qui avait débouté le locataire de sa demande de remise de quittances de loyer au motif que le locataire ayant invoqué son départ des lieux, la demande était sans objet.  Les magistrats ont précisé que la résiliation du bail par le preneur n'a d'effet que pour l'avenir [3].

 

La résiliation du bail par l’effet de la clause résolutoire ne rend pas sans objet la demande de délivrance de quittance [4].

 

D'autre part, si le locataire s’acquitte, après la résiliation du bail, de dettes nées antérieurement, le bailleur doit lui délivrer les quittances correspondantes. 

 

Dans un autre litige, il a été jugé que violent les dispositions légales les juges d’appel qui rejettent les demandes d’une locataire visant à obtenir la délivrance de quittances de loyers pour une période de 7 mois, ainsi que la condamnation du bailleur à lui verser une somme à titre de dommages-intérêts en raison de son refus de lui délivrer ces quittances, aux motifs  que le bail a été résilié par acquisition de la clause résolutoire à la suite d’un commandement payer et que l’arriéré locatif a été réglé avec retard [5].

 

Dans une affaire, un locataire d’une maison avait réclamé au bailleur par 3 lettres recommandées la délivrance de quittances relatives aux loyers qu’il avait payés. Puis, le bailleur avait assigné le locataire en paiement d’une somme au titre d’un arriéré de loyers impayés et ce dernier avait reconventionnellement demandé des dommages-intérêts en raison, notamment du refus du bailleur de délivrer les quittances. Le juge de première instance avait accueilli la demande du locataire en paiement de dommages-intérêts pour non remise des quittances relatives aux loyers payés puis la Cour d’appel avait débouté le locataire de sa demande en retenant qu’il ne pouvait pas être reproché au bailleur une attitude fautive pour non délivrance des quittances alors qu’il n’avait pas à fournir de tels reçus pour des loyers qu’il n’encaissait pas. L’arrêt a été cassé et annulé par les magistrats de la Cour de cassation lesquels ont précisé que les juges d’appel auraient dû rechercher si le premier juge n’avait pas justement retenu le comportement fautif du bailleur pour la période pendant laquelle le locataire avait réclamé à plusieurs reprises la délivrance de quittance [6].

 

Dans un autre contentieux locatif, la Cour de cassation a précisé que les juges du fond ne peuvent pas rejeter la demande de délivrance de quittances de loyer en retenant que les locataires avaient laissé les loyers impayés depuis plus de deux années, qu’il leur appartenait de demander quittance en temps utile, à la date des versements qu’ils avaient effectués auparavant, et que cette demande se trouvait à présent dépourvue d’objet et d’intérêt puisque le jugement devait arrêter les comptes définitifs entre les parties. Il a été jugé que ces énonciations privent les locataires du droit d’obtenir la condamnation du bailleur à leur remettre les quittances manquantes [7].

 

Dans un autre litige, il a été jugé que la délivrance de quittances ne vaut pas renonciation de la part du bailleur à se prévaloir du bénéfice de la clause de révision annuelle du loyer [8]. A noter toutefois que cette décision a été rendue avant la loi ALUR [9]. Depuis, le délai de prescription de l’action en révision est passé de 5 ans à 1 an [10] et la révision du loyer a perdu son automaticité. Désormais, le bailleur souhaitant appliquer la révision du loyer doit manifester de manière expresse sa volonté auprès du locataire dans un délai d’1 an suivant la date de prise d’effet du bail. Il doit ensuite renouveler cette manifestation chaque année, de préférence soit avant la date convenue entre les parties, soit avant le terme de chaque année du contrat. A défaut, le bailleur est réputé avoir renoncé au bénéfice de la clause pour l’année écoulée. Il perd alors le bénéfice de la rétroactivité. Néanmoins, si le bailleur manifeste sa volonté de réviser le loyer dans le délai d'1 an, cette révision de loyer prend effet à compter de sa demande [11].

 

Dès lors que la condamnation du bailleur à délivrer quittance est demandée, le juge doit statuer sur cette demande et ne peut pas juste pendre acte de l’engagement du bailleur à remettre ultérieurement les quittances au locataire.

 

Dans une affaire, une locataire avait sollicité la condamnation du bailleur à lui remettre les quittances régulières correspondant à une période d’1 an et 6 mois sous astreinte. Le juge de proximité s’était borné à donner acte au bailleur, débiteur de la charge de la preuve de la remise effective de ces quittances, de ce qu'il s'engageait à remettre les quittances manquantes. La Cour de cassation a cassé et annulé le jugement en précisant qu’en statuant ainsi, alors que la locataire demandait la condamnation du bailleur à lui remettre les quittances manquantes, la juridiction a modifié l’objet du litige et violé les dispositions légales [12].

 

2. De quelle manière un bailleur peut-il transmettre la quittance ?

 

Le bailleur est libre de choisir les modalités de remise de la quittance  (en main propre ou par voie postale) [13].

 

Il peut également procéder à la transmission dématérialisée de la quittance (email) à la condition d'avoir recueilli au préalable l'accord exprès du locataire.

 

Bon à savoir, l’État met à votre disposition un modèle de quittance que vous pouvez télécharger en cliquant ici.

 

3. Que peut faire un locataire face au refus du bailleur de lui transmettre une quittance ?

 

En pareilles situations, 3 étapes sont à respecter. Le locataire doit d'abord engager des démarches amiables, puis saisir un conciliateur de justice et enfin ester en justice.

 

3.1. Le courrier de mise en cause

 

En premier lieu, le locataire devra tenter une résolution du litige à l'amiable en adressant, dans un souci d'administration de la preuve, un courrier en lettre recommandée avec accusé de réception (LRAR) au bailleur.

 

Bon à savoir, l’institut national de la consommation (INC) met à votre disposition un modèle de courrier que vous pouvez consulter en cliquant ici.

 

3.2. Le courrier de mise en demeure

 

En second lieu, sans réponse satisfaisante sous 8 jours, le locataire devra ensuite adresser au bailleur un courrier de mise en demeure en LRAR. Ce courrier de mise en demeure juridiquement motivé doit intimer le bailleur de procéder à l'exécution de cette obligation légale.

 

Ce courrier daté et signé devra préciser notamment :

 

  • Qu’il s’agit d’un courrier de mise en demeure
  • La demande de manière claire, précise et détaillée
  • Le fait qu’une précédente demande ait déjà été notifiée
  • Les dispositions légales applicables
  • L'éventuel préjudice subi en raison de l'absence de remise de la quittance
  • Le délai raisonnable de 15 jours dont dispose le bailleur pour faire parvenir les quittances à compter de la notification du courrier par les services postaux
  • Le fait qu’à défaut de remettre les quittances dans le délai imparti, le locataire sera fondé à saisir le juge des contentieux de la protection près le tribunal du lieu dans lequel se situe le logement loué

Les dispositions légales applicables sont notamment :

Article 21 de la loi n° 89-642 du 06/07/1989 : "Le bailleur ou son mandataire est tenu de transmettre gratuitement une quittance au locataire qui en fait la demande. La quittance porte le détail des sommes versées par le locataire en distinguant le loyer et les charges. Aucuns frais liés à la gestion de l'avis d'échéance ou de la quittance ne peuvent être facturés au locataire. Avec l'accord exprès du locataire, le bailleur peut procéder à la transmission dématérialisée de la quittance. Si le locataire effectue un paiement partiel, le bailleur est tenu de délivrer un reçu."

Article 1103 du Code civil : "Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits."

Article 1104 du Code civil : "Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi."

Article 1221 du Code civil : "Le créancier d'une obligation peut, après mise en demeure, en poursuivre l'exécution en nature (...)."

Article 1231-1 du Code civil : "Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure."

 

3.3. La tentative de médiation ou de conciliation

 

A compter du 01/10/2023, la saisine du juge devra être précédée, aux choix des parties, d’une tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice ou d'une tentative de médiation [14].

 

Toutefois, les parties en sont dispensées dès lors qu’elles peuvent justifier d’un motif légitime tenant :

 

  • Soit à « l’urgence manifeste »
  • Soit aux « circonstances de l’espèce rendant impossible une telle tentative ou nécessitant qu’une décision soit rendue non contradictoirement »
  • Soit à « l'indisponibilité de conciliateurs de justice entraînant l'organisation de la première réunion de conciliation dans un délai supérieur à 3 mois à compter de la saisine d'un conciliateur » ; la saisine et ses suites devant être justifiées par tout moyen par le demandeur

Concernant l'"urgence manifeste"

 

Dans un litige relatif à la souscription d'une formation, la Cour de cassation a précisé que la tentative de résolution amiable du litige n'est pas, par principe, exclue en matière de référé [15].

 

Concernant les "circonstances de l'espèce rendant impossible une telle tentative"

 

Dans une affaire, un propriétaire avait confié la gestion de ses 2 appartements à une agence immobilière. L’un des locataires avait donné congé puis le bailleur, estimant que l’agence immobilière n’avait entrepris aucune démarche pour relouer le bien l’avait mise en demeure par lettre d’avocat de lui payer une somme en règlement du préjudice né de la mauvaise exécution du mandat de gérance avant de l’assigner devant le juge des contentieux de la protection près le tribunal judiciaire. Concernant la recevabilité du recours, il a été relevé que suite à la mise en demeure d’avocat, l’agence immobilière s’est opposée de façon catégorique aux demandes. Il a été jugé que « compte tenu de cette opposition ferme et sans appel, il est manifeste que la résolution amiable du litige était impossible ». Dès lors, le bailleur justifie d’un motif légitime pour s’exonérer de la tentative de résolution amiable prévue par le Code de procédure civile [16].

 

Dans un autre contentieux où le juge d’instance s’était borné à relever l’absence de tentative de conciliation menée par un conciliateur de justice pour prononcer l’irrecevabilité de l’acte de saisine, la Cour de cassation a cassé et annulé le jugement pour défaut de base légale en précisant que le juge aurait dû examiner si le demandeur justifiait de démarches en vue de parvenir à une résolution amiable du litige. En l'espèce, le demandeur avait expressément mentionné dans sa déclaration au greffe, au titre des démarches entreprises afin de parvenir à une résolution amiable du litige, avoir envoyé un courrier à l’autre partie en vue d’un accord. [17].

 

Toujours dans le même sens, un tribunal judiciaire a débouté une société spécialisée dans la promotion, la gestion et l'exploitation d'appart hôtels et de résidences pour étudiants et séniors de sa demande de nullité de l'assignation qui lui avait été délivrée en retenant que la situation financière que traversait le requérant depuis le non paiement des loyers par la société défenderesse constituait un motif légitime permettant une absence de recours à l'un des modes de résolution amiable prescrit par la loi. En l'espèce, le demandeur à l'action avait produit une ordonnance de référé, une ordonnance du juge de la mise en état, un courrier de la banque, un décompte d'arrérages de pension, un relevé de compte bancaire ainsi qu'un décompte locatif [18].

 

A l'inverse, dans une autre affaire plus récente, une Cour d'appel a infirmé un jugement qui pour écarter la fin de non recevoir, soulevée par les défendeurs et tirée de l'absence de recours préalable aux modes alternatifs de règlement des différents (MARD), avait relevé qu'il résultait des pièces communiquées par les demandeurs qu'ils avaient accompli des démarches épistolaires en vue de trouver une solution amiable au litige. Les juges d'appel ont précisé qu'une telle circonstance n'est pas visée par les dispositions légales comme pouvant justifier une dispense de l'obligation de recourir à la conciliation ou à la médiation [19].

 

A noter que ces décisions ont été rendue avant la décision du Conseil d'Etat du 22/09/2022 qui a annulé les dispositions imposant le recours préalable aux MARD  en tant qu’elles "n’ont pas défini de façon suffisamment précise les modalités et le ou les délais selon lesquels cette indisponibilité pourra être regardée comme établie. S’agissant d’une condition de recevabilité d’un recours juridictionnel, l’indétermination de certains des critères permettant de regarder cette condition comme remplie est de nature à porter atteinte au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l’article 16 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen". [20].

 

Le mois suivant, dans un autre contentieux relatif à la copropriété, une Cour d'appel a jugé au visa de l'article 750-1 du Code de procédure civile que " le courrier d'un huissier de justice ne constitue pas la tentative de règlement amiable prévue par ce texte, d'une part, parce qu'il ne contient aucune allusion aux diverses possibilités de résolution amiable prévues par la loi mais une mise en demeure peu compatible avec une telle démarche, d'autre part, en raison de son ancienneté puisque l'arriéré de charges réclamé par le syndicat de copropriétaires correspond aux appels de fonds postérieurs " [21].

 

Depuis, pour tirer les conséquences de l'annulation précitée et apporter les précisions requises, le législateur a adopté un nouveau décret [22].

 

Compte tenu des décisions de justice déjà rendues et afin de s'assurer de la recevabilité de l'éventuel recours judiciaire, il est recommandé au locataire de solliciter un conciliateur ou un médiateur avant toute saisine du juge.

 

A défaut le bailleur pourra, à titre de moyen de défense, opposer au locataire une fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de la demande pour défaut de mise en oeuvre d'une médiation préalable.

 

3.4. Le recours judiciaire

 

Si la quittance n'a pas été délivrée au terme du délai imparti par le courrier de mise en demeure et que la tentative de conciliation a échoué, le locataire peut saisir la justice. La procédure est gratuite et le locataire est dispensé de constituer avocat [23].

 

Le locataire dipose principalement de 3 recours possibles. Il peut utiliser :

 

  • Soit la voie de droit commun
  • Soit la procédure de référé
  • Soit la procédure d'injonction de faire

 

Cet article présente la procédure judiciaire simplifiée d'injonction de faire.

 

3.4.1. La procédure d'injonction de faire

 

 

L'exécution en nature de l’obligation née du bail peut être demandée au juge des contentieux de la protection en déposant ou en adressant une requête au greffe [24].

 

La requête datée et signée doit contenir à peine de nullité :

  • L'indication de la juridiction devant laquelle la demande est portée
    L'objet de la demande
    L'indication précise de la nature de l'obligation dont l'exécution est poursuivie ainsi que le fondement de celle-ci
  • Pour les personnes physiques, les nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance de chacun des demandeurs [25]
  • Les diligences entreprises en vue d'une résolution amiable du litige ou la justification de la dispense d'une telle tentative
  • L'indication des nom, prénoms et domicile de la personne contre laquelle la demande est formée ou s'il s'agit d'une personne morale, de sa dénomination et de son siège social [26]
  • L’indication des pièces sur lesquelles la demande est fondée
  • Eventuellement, les dommages et intérêts qui seront réclamés en cas d'inexécution de l'injonction de faire

La requête doit être accompagnée des documents justificatifs.

 

Le locataire peut demander au juge d'ordonner que les quittances soient délivrées sous peine d'astreinte de 50 € par jour de retard à compter du 8ème jour suivant la notification du jugement. En cas d'inexécution, l'astreinte sera liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir [27].

 

Le locataire peut également demander au juge la condamnation du bailleur au versement de dommages-intérêts en raison du préjudice causé par la non-transmission de la quittance. Cette demande de dommages-intérêts pourra être examinée si le bailleur n'exécute par l'ordonnance rendue par le juge.

 

Bon à savoir, l’État met à votre disposition un formulaire de demande en injonction de faire que vous pouvez télécharger en cliquant ici.

 

Ce formulaire est accompagné d’une notice explicative que vous pouvez télécharger en cliquant ici.

 

Si, au vu des documents produits, la demande lui paraît fondée, le juge rendra une ordonnance portant injonction de faire non susceptible de recours. Il fixera notamment :

 

  • L'objet de l'obligation
  • Le délai dans lequel celle-ci devra être exécutée
  • Ses conditions d'exécution

L'ordonnance mentionnera, en outre, les lieu, jour et heure de l'audience à laquelle l'affaire sera examinée, à moins que le demandeur n'ait fait connaître que l'injonction a été exécutée.

 

Le greffe notifiera l'ordonnance aux parties, par courrier adressé en LRAR.

 

En cas d'inexécution totale ou partielle de l'injonction de faire qu'il a délivrée, le juge statuera sur la demande, après avoir tenté de concilier les parties. Il connaîtra alors, dans les limites de sa compétence d'attribution, de la demande initiale et de toutes les demandes incidentes et défenses au fond.

 

En revanche, si le juge rejette la requête, la décision sera sans recours pour le requérant, sauf à celui-ci à procéder selon les voies de droit commun. La requête et les documents produits seront restitués au requérant.

 

4. Que se passe-t-il en cas de paiement partiel de l’échéance ?

 

Si le locataire effectue un paiement partiel, le bailleur est tenu de délivrer un reçu.

 

5. Quelles sont les mentions obligatoires devant figurer sur une quittance ?

 

 

La quittance doit préciser notamment :

 

  • Les nom(s), prénom(s), coordonnées du locataire
  • Les nom(s), prénom(s), coordonnées du bailleur
  • La date d'émission de la quittance
  • Le lieu de son établissement
  • L'adresse de la location
  • La période pour laquelle le locataire s'est acquitté du loyer et des charges
  • Le détail des sommes versées par le locataire en distinguant le loyer, le droit au bail et les provisions pour charges (ou forfait de charges  pour les meublés et/ou colocations)
  • La signature du bailleur

De plus, le document délivré par le bailleur doit faire expressément apparaitre la mention « quittance ».

 

Dans une affaire,  une société propriétaire d’un immeuble a usage collectif avait été condamnée en appel à délivrer aux locataires qui en avaient fait la demande, un document intitulé "quittance". La société s’était ensuite pourvue en cassation en indiquant que l'avis déchéance mentionnant qu'il "tient lieu de quittance pour les mois précédents s'il ne reste dû aucune somme dans la rubrique solde de l'extrait de compte" constituait une quittance, qui, par référence aux avis déchéance précédents, comportait le détail du loyer et des charges dont le bailleur reconnaissait au locataire l'acquittement. La Cour de cassation a approuvé l’arrêt des juges d’appel qui, après avoir constaté que les "avis d'échéance" que la société SNR adressait aux locataires, n'étaient pas délivrés sous l'intitulé de "quittance" et ne portaient pas le détail de sommes acquittées, ont retenu à bon droit que ces documents ne satisfaisaient pas aux exigences prévues par la loi  [28].

 

Dans un autre contentieux, Il a été précisé que la quittance se distingue de l'avis d'échéance en ce qu'il s'agit d'un reçu permettant au locataire d'avoir un justificatif des sommes réglées. L'avis d'échéance est pour sa part émis préalablement à la date d'exigibilité du loyer (quelques jours avant) et indique pour l'essentiel la somme dont le locataire est redevable pour le terme à venir. A cette instance, les juges d'appel ont jugé que le document transmis par le bailleur peut comporter sur une même page la quittance et l'avis d'échéance à la condition que ces derniers soient clairement distingués sur deux parties différentes [29].

 

Bon à savoir, l’État met à disposition un modèle de quittance que vous pouvez télécharger en cliquant ici.

 

6. Une quittance peut-elle donner lieu à facturation auprès d'un locataire ?

 

Non. Aucuns frais liés à la gestion de l'avis d'échéance ou de la quittance ne peuvent être facturés au locataire.

 

La loi régissant les rapports locatifs précise que la quittance doit être transmise gratuitement au locataire.

 

D'autre part, toute clause du contrat de location qui fait supporter au locataire des frais de relance ou d'expédition de la quittance est réputée non écrite. Autrement dit, cette clause est sans effet et en cas de litige elle sera écartée par le juge [30]. Cette disposition découle de la loi ENL du 13/07/2006 [31].

 

En outre, les dispositions qui encadrent la quittance sont d'ordre public. Par conséquent, les parties ne peuvent pas y déroger que ce soit par voie contractuelle ou par tout autre accord quelconque.  

 

 

Cette interdiction de facturation a été rappelée à de nombreuses reprises lors de réponses ministérielles :

 

" (...) L'envoi d'une quittance, ou d'un avis d'échéance, à un locataire par une agence immobilière qui gère un logement pour le compte d'un propriétaire est un acte d'administration du bien loué. Les frais correspondants (frais postaux, frais d'agence) ne peuvent être réclames au locataire en sus du loyer, le gérant n'étant que le représentant du propriétaire " [32].

 

Les dispositions législatives interdisant la facturation " sont elles-mêmes le reflet de la recommandation n° 2000-01 du 17/02/2000 de la Commission des clauses abusives prise en complément de la recommandation n° 80-04 du 04/02/1980 concernant les contrats de location de locaux à usage d'habitation, qui avait recensé 25 clauses illicites au regard des dispositions d'ordre public régissant les baux d'habitation. Parmi ces clauses figurait celle prévoyant que les frais relatifs à l'envoi des avis d'échéance ou des quittances de loyer seront à la charge du locataire. En résumé, selon le droit en vigueur, les frais d'établissement et d'envoi d'une quittance de loyer (frais postaux et/ou d'agence) ne peuvent, en aucun cas, être imputés au locataire " [33].

 

L'établissement des quittances de loyer constitue un acte d'administration du bien loué dont le loyer est contrepartie et ne doit pas entrainer de frais supplémentaires pour le locataire [34].

 

En cas de non-délivrance de quittances, un locataire peut-il demander réparation ?

 

Oui. Lorsque la non-délivrance des quittances cause un préjudice au locataire, ce dernier peut demander réparation de son préjudice.

 

Dans une affaire, un locataire avait assigné le bailleur en remise sous astreinte des quittances de loyer et des attestations destinées à obtenir une aide au logement. Le bailleur avait soulevé, à titre reconventionnel, la nullité du bail pour fraude et avait demandé le paiement d'un arriéré de loyers et de charges. Le locataire était ensuite décédé et son épouse avait restitué les lieux, repris l’instance et avait sollicité des dommages-intérêts en réparation de son préjudice. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a approuvé l’arrêt des juges d’appel qui après avoir relevé que le bailleur ne justifiait pas de l'envoi des quittances alors que la réalité du bail était admise en ont exactement déduit que la faute commise par le bailleur avait causé à la locataire un préjudice dont ils avaient souverainement évalué le montant [35].

 

Le locataire doit rapporter la preuve :

 

  • Qu’il a sollicité la transmission d’une quittance au bailleur
  • Que le bailleur n’a pas rempli son obligation (refus, absence de réponse, mauvaise foi)
  • Que le refus fautif du bailleur lui a causé un préjudice

La demande en dommages-intérêts n’est pas recevable lorsque les juges du fond relèvent que les paiements du locataire étaient très irréguliers et souvent partiels ; que ce dernier ne justifie pas de demandes de quittance qui n'ait pas été satisfaite ; que la pièce qui leur a été soumise est au contraire un message du bailleur indiquant « ci-joint les 3 quittances de loyer demandées si vous en avez besoin d'autres, n'hésitez pas à me le demander. Meilleures salutations ». Les juges du fond en ont conclu que le locataire ne pouvait pas valablement invoquer un préjudice puisqu'il ne justifiait pas de demande de quittances, ni d'un refus qui lui aurait fait perdre une allocation [36].

 

Notes de l’article :

 

[1] Article 21 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[2] Réponse ministérielle, n° 2252, 13ème législature, JO 30/10/2007, p. 6746

[3] Cass. Civ., 3ème, 28/06/2005, n° 04-10778

[4] Cass. Civ., 3ème, 17/11/1998, n° 97-13820

[5] Cass. Civ., 3ème, 26/09/2006, n° 05-11476

[6] Cass. Civ., 3ème, 26/10/2004, n° 03-14935

[7] Cass. Civ., 3ème, 02/12/2014, n° 13-12269

[8] Cass. Civ., 3ème, 09/12/2008, n° 08-10938

[9] Loi n° 2014-366 du 24/03/2014

[10] Article 7-1 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[11] Article 17-1 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[12] Cass. Civ., 3ème, 02/05/2012, n°11-17299

[13] Réponse ministérielle n° 48296, 10ème législature, 07/04/1997 p. 1808

[14] Article 750-1 du Code de procédure civile

[15] Cass. Civ., 2ème, 14/04/2022, n° 20-22886

[16] Tribunal judiciaire d’Amiens, 24/07/2020, n° RG 11-20-000327

[17] Cass. Civ., 2ème, 15/04/2021, n° 20-14106

[18] Tribunal judiciaire de NANTERRE, 8ème chambre, 24/01/2022, n° 20/08660

[19] Cour d'appel de DOUAI, Chambre 1, section 1, 24/02/2022, n° RG 21/01821

[20] Conseil d'Etat, 5ème et 6 ème chambres réunies, 22/09/2022, n° 436939

[21] Cour d'appel de RENNES, 4ème chambre, 27/10/2022, n° RG 22/02355

[22] Décret n° 2023-357 du 11/05/2023

[23] Article 761 du Code de procédure civile

[24] Article 1425-1 et suivants du Code de procédure civile

[25] Article 54 du Code de procédure civile

[26] Article 57 du Code de procédure civile

[27] Article L. 131-3 du Code des procédures civiles d'exécution

[28] Cass. Civ., 3ème, 24. 03.2004, n° 01-14439, Bull. 2004, III, n° 60, p. 55

[29] Cour d’appel de VERSAILLES, 20/05/2021, n° RG 18/044621

[30] Article 4 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[31] Article 84 de la loi n° 2006-872 du 13/07/2006

[32] Réponse ministérielle n° 9919, 10 législature, JO 14/02/1994, p. 805

[33] Réponse ministérielle n° 121988, 12ème législature, JO 15/05/2007, p. 4605

[34] Réponse ministérielle n° 39514, 10ème législature, JO 02/12/1996, p. 6327

[35] Cass. Civ., 3ème, 23/06/2015, n° 14-15230

[36] Cour d’appel de PARIS du 12/12/2017, n° RG 16/09700

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