Boris LARA, juriste

Location • Transaction • Copropriété • Construction

La résidence principale du locataire dans le cadre d'un bail d'habitation

Publié le Modifié le 12/07/2023 Vu 1 297 fois 0
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En matière de location vide à usage d'habitation, la notion de résidence principale est importante car elle détermine le régime légal applicable et conditionne le bénéfice à une éventuelle réduction d'impôt

En matière de location vide à usage d'habitation, la notion de résidence principale est importante car elle

La résidence principale du locataire dans le cadre d'un bail d'habitation

Propos introductifs

Cet article concerne uniquement les locations portant sur des logements vides à usage d’habitation. Il ne concerne pas les locations meublées, les locations saisonnières, les logements-foyers, les locations via un bail mobilité et les logements de fonction.

Pour être soumis aux dispositions de la loi du 06/07/1989 régissant les rapports locatifs, un local mis en location doit :

  • Être à usage d’habitation
  • Constituer la résidence principale du locataire

A noter que les locaux loués accessoirement au local d’habitation (garage, aires et places de stationnement, cave, cellier, box, jardin…) sont également soumis à cette loi.

1. Concernant la résidence principale

Le critère de résidence principale est important car il a une incidence sur les dispositions légales applicables à la relation locative ainsi que sur l’éventuelle réduction d’impôt accordée au titre des investissements locatifs ou des logements donnés en location à loyer abordable (Pinel, Loc'Avantages, Denormandie...).

La loi du 06/07/1989 régissant les rapports locatifs définit la résidence principale en précisant 2 critères spécifiques que doit respecter le logement :

  • La durée d’occupation
  • La qualité de l'occupant

Ainsi le logement mis en location doit être occupé au moins 8 mois par an [1].

D’autre part, l’occupation du logement ne peut être le fait que des personnes énumérées ci-après [2] :

  • Le locataire ou son conjoint
  • Les enfants de moins de 20 ans et considérés comme à charge (obligation scolaire, ressources faibles) [3]
  • Les ascendants du locataire ou de son conjoint sous condition d’âge et de ressources
  • Les ascendants, descendants ou collatéraux au 2ème ou 3ème degré du locataire ou de son conjoint dont l’incapacité permanente est au moins égale à 80% ou qui présentent, compte tenu de leur handicap, une restriction substantielle et durable dans l’accès à l’emploi reconnue par la Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées et dont les ressources n’excèdent pas un plafond de ressources.

Toutefois, cette obligation d’occupation ne s’applique pas en cas :

  • D’obligation professionnelle
  • De raison de santé (hospitalisation...)
  • Ou de cas de force majeur

2. L'occupation à titre de résidence principale est appréciée souverainement par les juges du fond

Par exemple dans une affaire les juges ont souverainement retenu que les pièces produites ne démontraient pas que la locataire occupait le logement à titre de résidence principale Ils en ont conclu que la loi du 06/07/1989 régissant les rapports locatifs n’était pas applicable au bail verbal renouvelé [4].

Dans une autre affaire, il a été jugé que le rapport de détective produit par la bailleresse sur la domiciliation fiscale en SUISSE des locataires ne suffisait pas à établir que ces derniers ne résidaient plus à titre principal dans les lieux loués [5].

Dans un autre contentieux, il a été relevé que les locataires n’avaient pas respecté l’obligation, mise à leur charge, d’occuper personnellement les lieux loués, et de ne pas les mettre à la disposition d’un tiers sans l’accord du propriétaire. Les juges ont retenu qu’en raison de sa gravité, l’infraction ainsi commise devait entrainer la résiliation du bail [6].

Dans le même sens, il a été relevé que le contrat de bail prévoyait que les lieux loués étaient donnés en location à usage d’habitation principale. Les juges du fond ont souverainement retenu que si la bailleresse ne démontrait pas l’existence d’une domiciliation de tiers dans les lieux loués après 2009, il résultait de l’ensemble des éléments produits que le locataire n’exerçait pas une occupation personnelle suffisante et ne rapportait pas la preuve contraire en démontrant l’affectation réelle des lieux à titre d’habitation principale. Le manquement du locataire a ses obligations contractuelles ayant été caractérisé, la résiliation du bail a été prononcée et l’expulsion a été ordonnée [7].

3. L’inoccupation du logement à titre de résidence principale peut justifier la résiliation du bail

Dans une affaire, une bailleresse a fait constater par commissaire de justice que le logement donné en location était inhabité depuis plusieurs années, puis a assigné la locataire en résiliation du bail et en expulsion. La Cour de cassation a précisé que la loi régissant les rapports locatifs impose au locataire d’occuper les lieux donnés à bail à titre d’habitation principale.  En l’espèce, il avait été constaté que l’appartement présentait l’aspect d’un débarras et non d’un lieu d’habitation, qu’il était impossible d’y circuler en raison de son encombrement, que la salle de bains était entièrement inaccessible, que les courriers les plus récents trouvés sur place remontaient à l’année 2008, que ces constatations étaient corroborées par une consommation d’eau insignifiante et par le témoignage de la gardienne affirmant que, depuis 2008, elle n’avait jamais vu personne entrer ou sortir de l’appartement. Compte tenu de ces éléments, la Cour de cassation a approuvé la décision des juges du fonds estimant que cette infraction était suffisamment grave pour justifier la résiliation du bail [8].

4. En cas d’inoccupation du logement à titre de résidence principale le bailleur encourt le risque de devoir payer les avantages fiscaux consentis

Dans une autre affaire, des bailleurs ont fait construire une maison d’habitation et l’ont donnée en location en optant pour un dispositif fiscal (Scellier intermédiaire). A l’issue d’un contrôle sur pièces, des rectifications leur ont été proposées remettant notamment en cause, pour l’impôt sur le revenu des années 2014 et 2015, les avantages fiscaux résultant de ce dispositif au motif que le logement loué n’était pas affecté à l’usage de résidence principale du locataire. Le tribunal administratif de BORDEAUX a rejeté leur demande tendant à la décharge des suppléments d’impôt sur le revenu et des contributions sociales en résultant, ainsi que des pénalités, mises à leur charge au titre des années antérieures.

Les juges de la Cour d’appel ont rappelé l’article de loi encadrant le dispositif fiscal au moment des faits [9] et ont indiqué que ces dispositions permettent au contribuable ayant acquis, construit ou transformé un logement, directement ou par le truchement d’une société civile non soumise à l’impôt sur les sociétés (IS) autre qu’une société civile de placement immobilier (SCPI), de bénéficier d’une réduction d’impôt dite dispositif « Scellier », calculée sur le prix de revient du logement retenu pour sa fraction inférieure à 300000 € à condition, notamment, qu’il s’engage à louer le logement acquis pendant une période minimale de 9 ans.

Ils ont également précisé que le bénéfice de cet avantage fiscal est subordonné à la condition objective que le locataire fasse effectivement de l’immeuble qui lui est loué par le contribuable, son habitation principale. La condition de location du logement à usage d’habitation principale doit être respectée non seulement au moment de la signature du bail, mais également pendant toute la période de l’engagement de location. Le non-respect de la condition relative à l’affectation des locaux du fait du locataire entraine la reprise de la réduction d’impôt obtenue au titre de l’année en cours de laquelle intervient le changement d’affectation. La condition en question s’apprécie de façon objective, si bien que la circonstance que les propriétaires auraient accompli des diligences auprès des locataires serait sans incidence, dès lors que le bien n’était pas effectivement occupé par le locataire au titre de sa résidence principale.

En l’espèce il a été constaté que la locataire n'avait pas indiqué l’adresse de la maison louée sur ses déclarations de revenus mais une autre domiciliation et qu’en revanche son père avait indiqué à l’administration fiscale avoir pour résidence le bien donné en location à sa fille et qu’il avait été assujetti à ce titre à la taxe d’habitation. Eu égard à la teneur contraire de ces déclarations fiscales et en l’absence de tout élément de nature à justifier que la locataire avait pour résidence habituelle et effective l’immeuble qui lui avait été donné en location, il a été jugé que c’est à bon droit que l’administration a remis en cause la réduction d’impôt, sans que les bailleurs puissent utilement soutenir qu’ils ne disposaient d’aucun moyen pour s’assurer de l’affectation du logement en cause à l’habitation principale et qu’aucune négligence ne pourrait leur être reprochée [10].

5. En cas d'usage mixte professionnel & d'habitation

Il a été jugé que quelle que soit l'utilisation qui en est faite par le locataire, le caractère d'une location est déterminé par la destination que les parties ont entendu lui donner et que la destination des locaux à usage d'habitation et professionnel n'implique pas, par elle-même, l'obligation d'utiliser les lieux loués à chacun des usages prévus par la convention [11].

Autrement dit, la destination de locaux à usage d'habitation et professionnel n'implique pas par elle-même l'obligation d'utiliser les lieux loués à chacun des usages prévus par la convention.

Toutefois, il a été jugé que le locataire ne peut, lorsqu'au terme du contrat il n'occupe pas pour son habitation principale, au moins partiellement, les locaux pris en location, se prévaloir du droit au renouvellement du contrat. En l’espèce, les locaux avaient été donnés en location pour l’habitation personnelle du locataire avec la possibilité d’y exercer sa profession de chirurgien-dentiste [12].

Cette position des juges a été confirmée dans une autre affaire relative à un médecin qui n'habitait plus l'appartement qu'il avait transformé et qu'il n'occupait que pour les besoins de sa profession. Le fait que le bail ne mentionne pas que les pièces antérieurement affectées à l'habitation soient à occupation exclusivement bourgeoise ne permet pas de se prévaloir du renouvellement par tacite reconduction prévu par le bail et de faire annuler le congé délivré par la bailleresse. Il a été jugé que le titulaire d'un contrat de location à usage mixte d'habitation et professionnel qui, à son terme, n'occupe pas les lieux pour son habitation principale, même partiellement, ne peut se prévaloir du droit au renouvellement que lui confère la loi du 06/07/1989 [13].

Autrement dit, lorsque le bail est à usage mixte professionnel et d’habitation et que le locataire n’occupe plus le logement à titre d’habitation, il ne peut pas se prévaloir des dispositions protectrices de la loi régissant les rapports locatifs en raison de l’abandon de l’usage d’habitation.

Notes de l'article :

[1] Article 2 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[2] Article R. 823-4 du Code de la construction et de l’habitation

[3] Article L. 512-3 du Code de la sécurité sociale

[4] Cass. Civ., 3ème, 28/10/2003, n° 02-12827

[5] Cass. Civ., 1ère, 31/01/2006, n° 02-15028, Bull. 2006, I, n° 43, p. 43

[6] Cass. Civ., 3ème, 20/06/1995, n° 93-20502

[7] Cass. Civ., 3ème, 14/04/2015, n° 14-10018

[8] Cass. Civ., 3ème, 06/05/2021, n° 20-10899

[9] Article 199 septvicies du Code général des impôts

[10] CAA de BORDEAUX, 7ème chambre, 13/01/2022, n° 20BX01465

[11] Cass. Civ., 3ème, 15/01/1992, n° 90-12815, Bull. 1992, III, n° 11, p. 6

[12] Cass. Ass. Plén. 02/02/1996, n° 91-21373, Bull. 1996, A.P. n° 1, p. 1

[13] Cass. Civ., 3ème, 18/07/2001, n° 99-19829

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