Boris LARA, juriste

Location • Transaction • Copropriété • Construction

Les travaux affectant la destination de l’immeuble doivent-ils être votés à l’unanimité ?

Publié le Modifié le 10/08/2023 Vu 898 fois 0
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La destination de l’immeuble, précisée dans le règlement de copropriété, limite chaque copropriétaire dans l’usage qu’il peut faire de son lot privatif et protège des utilisations abusives.

La destination de l’immeuble, précisée dans le règlement de copropriété, limite chaque copropriétaire

Les travaux affectant la destination de l’immeuble doivent-ils être votés à l’unanimité ?

 

Oui. Dans une affaire il a été jugé qu’une assemblée générale de copropriétaires ne peut pas autoriser par un vote à la majorité absolue une société locataire et propriétaire d’un fonds de commerce sis en-rez-de-chaussée et au 1er étage, à réaliser à ses frais des travaux de réhabilitation du 1er étage, à créer une terrasse et à modifier les façades dès lors que le règlement de copropriété limite l’utilisation commerciale des locaux au rez-de-chaussée et contient une clause d’occupation bourgeoise. Ces travaux contraires à la destination générale de l’immeuble doivent être votés à l’unanimité [1].

 

En l’espèce les copropriétaires d’un ensemble immobilier avaient été convoqués à une assemblée générale comportant 4 résolutions, dont la première concernait la demande d’une société locataire et propriétaire d’un fonds de commerce situé au rez-de-chaussée ainsi qu’au 1er étage formant un seul lot. La résolution prévoyait la réalisation par la société locataire de 3 travaux distincts : la réhabilitation du 1er étage, la création d’une terrasse et la modification des façades. Une notice descriptive des travaux avait été jointe à la résolution laquelle avait été, après délibération,  votée à la majorité absolue.

 

Au cours de l’assemblée générale, le représentant d’une SCI avait fait valoir que cette question devait être débattue selon les dispositions prévoyant le vote à l’unanimité, du fait du changement de destination impliqué et avait voté contre chacun des travaux visés par la résolution.  Néanmoins, la résolution avait été adoptée à la majorité des copropriétaires présents, soit 529/1000ème, tandis que la SCI avait voté contre avec 451/1000ème.

 

Par suite, La SCI avait fait assigner le syndicat des copropriétaires devant le tribunal de grande instance de MARSEILLE, aux fins de voir prononcer l'annulation de la résolution litigieuse. Le tribunal avait partiellement annulé les décisions de la résolution et le syndicat des copropriétaires avait relevé appel de ce jugement.

 

Saisie du litige, la Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE a d’abord rappelé que l’assemblée générale ne peut, sauf à l’unanimité des voix de tous les copropriétaires, décider de l’aliénation des parties communes dont la conservation est nécessaire au respect de la destination de l’immeuble [2].

 

La Cour d’appel a également relevé que le règlement de copropriété applicable à l'immeuble définit les parties communes et parties privatives et détermine les conditions de jouissance des parties privatives :

« Occupation ' Les appartements ne pourront être occupés que bourgeoisement à l'exception des locaux situés au rez-de-chaussée, qui pourront être occupés commercialement, pourvu que le commerce exploité dans les lieux ne constitue pas un établissement dangereux ou insalubre ou de nature à incommoder par le bruit ou les odeurs les personnes habitant l'immeuble. L'exercice individuel de professions libérales est toutefois toléré dans les appartements, à condition de ne pas nuire à la bonne tranquillité de l'immeuble »

 

Concernant la réhabilitation du 1er étage, les juges d’appel ont jugé :

 

« Il ressort de la notice descriptive des travaux et de l'ensemble des pièces produites, que la SAS (…) locataire dans le bloc A, a entrepris des travaux d'aménagement du premier étage, afin de recevoir du public à l'étage dans le cadre de son activité commerciale de glacier.

 

Il est ainsi manifeste que ces travaux tendent à modifier la destination du local d'habitation situé au premier étage, en local commercial et vont à l'encontre des prescriptions claires du règlement de copropriété, qui limitent l'utilisation commerciale des locaux au rez-de-chaussée, ce qui est contraire à la destination générale de l'immeuble telle que définie dans le règlement de copropriété.

 

Cette décision aurait donc dû être votée à l'unanimité des copropriétaires et encourt la nullité. »

 

Concernant la création d’une terrasse, la Cour d’appel a jugé :

 

« Il ressort de la notice descriptive des travaux et de l'ensemble des pièces produites, que la SAS (…) a remplacé la toiture des locaux du rez-de-chaussée en terrasse destinée à l'accueil du public, dans le cadre de son activité commerciale de glacier.

 

La toiture des locaux du rez-de-chaussée constitue une partie commune, et les travaux ont manifestement pour objet l'appropriation de la jouissance exclusive de cette partie commune, en contradiction avec le règlement de copropriété qui ne prévoit aucune disposition de ce type. Cela est également contraire à la destination générale de l'immeuble telle que définie dans le règlement de copropriété.

 

Cette décision aurait donc dû être votée à l'unanimité des copropriétaires et encourt la nullité. »

 

Enfin, concernant la modification des façades, les juges d’appel ont jugé :

 

« Au regard de l'importance des travaux, ils ont nécessairement pour effet de modifier l'aspect extérieur de l'immeuble.

 

La question est de savoir s'ils sont conformes à la destination de l'immeuble, dans la mesure où la majorité de l'article 25 suffit pour les travaux conformes à la destination de l'immeuble.

 

Compte tenu qu'au moins une modification a pour objet de se conformer aux règles de sécurité applicables en cas d'accueil du public dans les locaux, qui sont dans le règlement de copropriété exclusivement à usage d'habitation s'agissant du premier étage, il y a lieu de conclure que ces travaux d'aménagement de façades modifient la destination de l'immeuble et auraient dû être votés à l'unanimité.

 

La décision encourt donc la nullité et le jugement appelé sera infirmé sur ce point. »

 

Notes de l'article :

[1] Cour d’appel d’AIX-EN-PROVENCE, Chambre 1-5, du 12/01/2023, n° RG 20/00587

[2] Article 26 de la loi n° 65-557 du 10/07/1965

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