Boris LARA, juriste

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Le vendeur et l’acheteur dans le cadre de la vente d’immeuble

Publié le Modifié le 01/08/2023 Vu 2 196 fois 0
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Pour que la vente soit valable, les parties doivent remplir des conditions (identification, consentement lucide, capacité). En cas de mesure de protection judiciaire, des règles spécifiques s'appliquent.

Pour que la vente soit valable, les parties doivent remplir des conditions (identification, consentement lucid

Le vendeur et l’acheteur dans le cadre de la vente d’immeuble

 

1. Le notaire doit identifier les parties

 

L'acte authentique rédigé par le notaire doit obligatoirement identifier le vendeur et l'acquéreur. En effet, missionné pour la rédaction de l’acte, il appartient au notaire de recueillir les éléments d’identification relatifs aux parties.

 

La règlementation précise les mentions devant figurer dans l’acte authentique [1].

 

Concernant le notaire

 

Tout acte doit énoncer le nom et le lieu d'établissement du notaire qui le reçoit.

 

Le notaire est tenu d'avoir un sceau particulier, portant ses nom, qualité et établissement et, d'après un modèle uniforme, l'effigie de la République française.

 

Concernant les parties

 

L'identité, l'état et le domicile des parties, s'ils ne sont pas connus du notaire, doivent être établis par la production de tous documents justificatifs.

 

Concernant l’acte authentique

 

L’acte doit préciser :

 

  • Le lieu où il est passé
  • La date à laquelle est apposée chaque signature
  • Les noms, prénoms et domicile des parties et de tous les signataires
  • Qu'il a été lu par les parties ou que lecture leur en a été donnée
  • Les sommes énoncées en lettres

 

L'acte doit être :

 

  • Établi de façon lisible
  • Écrit en un seul et même contexte, sans blanc, sauf toutefois ceux qui constituent les intervalles normaux séparant paragraphes et alinéas et ceux nécessités par l'utilisation des procédés de reproduction
  • Signé par les parties et le notaire

 

La date à laquelle l'acte est signé par le notaire doit être énoncée en lettres.

 

Les abréviations sont autorisées dans la mesure où leur signification est précisée au moins une fois dans l'acte.

 

2. Le notaire doit procéder à un contrôle des éléments d’identification

 

Le défaut de contrôle des parties peut constituer une faute de nature à engager sa responsabilité s’il en découle un préjudice.

 

Dans une affaire un propriétaire, marié sous le régime la communauté légale et en instance de divorce, avait vendu à un couple marié un immeuble dépendant de la communauté. Pour cet acte, reçu par les notaires, il avait été assisté d’une dame qu'il avait fait passer pour son épouse. Saisie du litige, la Cour d’appel, après avoir annulé la vente, avait condamné le propriétaire et les notaires à payer in solidum aux acquéreurs de bonne foi, à titre de dommages-intérêts, une somme incluant le remboursement du prix de vente. Saisie d’un pourvoi, les magistrats de la Cour de cassation ont approuvé l’arrêt des juges d’appel qui ont décidé à bon droit qu'il appartenait aux notaires, recevant des actes concernant des parties inconnues d'eux, de contrôler l'identité de ces parties par la production des pièces officielles comportant photographies et signatures, pour conforter les mentions figurant dans les livrets de famille, actes d'état civil ou autres pièces qui peuvent leur être présentés, et qu'en omettant de le faire, ils commettent une faute de nature à engager leur responsabilité s'il en découle un préjudice [2].

 

Dans une autre affaire, des époux avaient acquis, suivant acte authentique reçu en en étude notariale avec le concours d’une autre étude notariale, une maison d'habitation appartenant à d’autres époux qui s’était révélée être affectée de vices cachés. L'acte de vente mentionnait comme adresse des vendeurs celle du bien vendu et ces derniers n’ont pas pu être retrouvés. Les acquéreurs avaient fait assigner les notaires pour les voir condamner solidairement avec les vendeurs à réparer leur préjudice. Saisie du litige, la Cour d’appel avait jugé que les notaires n'avaient commis aucun manquement à leurs obligations professionnelles en retenant que ne pesait sur eux aucune obligation de vérifier la future adresse d'un vendeur, quand bien même celle figurant à l'acte cesserait, comme en l'espèce, d'être actuelle dès la signature de l'acte et qu'il appartenait à l'acquéreur, qui ne pouvait ignorer ce fait de subordonner sa signature, s'il le souhaitait, à la communication par le vendeur de sa nouvelle adresse. L’arrêt a été cassé et annulé par la Cour de cassation laquelle a jugé, au visa des dispositions relatives à la responsabilité extracontractuelle et de la règlementation relative aux actes notariés, que le notaire, tenu de vérifier le domicile des parties, ne saurait se borner à mentionner sur l'acte de vente un domicile dont il ne peut ignorer qu'il a cessé d'être effectif au jour de l'acte sans attirer l'attention des acquéreurs, le cas échéant, sur les risques encourus par eux si le domicile des vendeurs ne peut être connu à cette date [3].

 

3. Les parties doivent être en capacité de contracter

 

De manière générale, 3 conditions sont nécessaires à la validité d’un contrat [4] :

 

  • Le consentement des parties
  • Leur capacité à contracter
  • Un contenu licite et certain

 

Les deux premières conditions concernent directement l’acheteur et le vendeur.

 

Concernant le consentement, il faut être sain d’esprit pour conclure valablement à un contrat [5].

 

Ensuite, toute personne physique peut contracter sauf en cas d’incapacité prévue par la loi [6].

 

Cette incapacité de contracter ou incapacité d’exercice est une cause de nullité relative [7].  Elle ne peut donc être demandée que par la partie que la loi entend protéger [8].

 

En d’autres termes, pour que l’acte de vente d’un immeuble soit valide, les parties doivent être saines d’esprit et titulaires de la capacité juridique, entendue comme l’aptitude à être titulaire de droits subjectifs et à les exercer.

 

Enfin, le droit commun dispose que tous ceux auxquels la loi ne l’interdit pas peuvent acheter ou vendre [9] et indique de manière précise que les mineurs non émancipés et les majeurs protégés par une mesure de protection sont incapables de contracter [10]. 

 

Par conséquent, avant de conclure une vente d’immeuble il convient de vérifier l’existence d’un régime de protection judiciaire.

 

4. Les mesures de protection judiciaire

 

A la suite d’une maladie, d’un handicap, d’un accident, une personne peut se retrouver dans l’impossibilité de pourvoir seule à ses intérêts en raison d’une altération de ses facultés mentales ou corporelles. Dès lors que cette altération, médicalement constatée, est de nature à empêcher l’expression de sa volonté, le juge des contentieux de la protection peut prendre une mesure de protection judiciaire.

 

Les mesures de protection sont destinées à la protection de la personne et/ou de ses intérêts patrimoniaux [11].

 

Il existe 3 types de mesures de protection judiciaire :

 

  • La sauvegarde de justice
  • La curatelle
  • La tutelle

La mesure de protection judiciaire ne peut être ordonnée par le juge qu'en cas de nécessité et lorsqu'il ne peut être suffisamment pourvu aux intérêts de la personne :

 

  • Soit par la mise en œuvre d’un mandat de protection future conclu par l'intéressé [12]
  • Soit par l'application des règles du droit commun de la représentation [13]
  • Soit de celles relatives aux droits et devoirs respectifs des époux [14] et des règles des régimes matrimoniaux
  • Ou soit par une autre mesure de protection moins contraignante (habilitation familiale par exemple) [15]

 

La mesure doit être proportionnée et individualisée en fonction du degré d'altération des facultés personnelles de l'intéressé [16].

 

La conclusion d’une vente d’immeuble par une personne majeure protégée comporte des risques qu’il convient d’analyser selon le type de mesure de protection.

 

4.1. La sauvegarde de justice

Le juge peut placer sous sauvegarde de justice la personne qui a besoin d’une protection juridique temporaire ou d’être représentée pour l’accomplissement de certains actes déterminés. Cette mesure peut également être prononcée par le juge saisi d’une procédure de curatelle ou de tutelle pour la durée de l’instance [17].

 

La personne placée sous sauvegarde de justice conserve l’exercice de ses droits [18]. Le majeur protégé peut donc acheter et vendre seul et librement un immeuble. 

 

Néanmoins, les actes qu’il a passé et les engagements qu’il a contracté pendant la durée de la mesure peuvent :

 

  • Être annulés en raison de l’altération de ses facultés dans le cadre d’une action en nullité pour insanité d’esprit
  • Être rescindés pour simple lésion
  • Réduits en cas d’excès

 

A savoir que l’action en rescision et l'action en réduction n’entrainent pas la nullité de la vente. Lorsque le bien immobilier a été vendu à un prix inférieur à 5/12ème de sa valeur réelle, il y a lésion [19]. L'acquéreur a le choix soit de rendre le bien en retirant le prix qu'il a payé, soit de garder le fonds en payant le supplément au juste prix déduction faite d' 1/10ème de la valeur actuelle du bien [20]. L'action en rescision pour lésion ne remet pas en cause, par elle-même, le droit de propriété de l'acquéreur [21]. Concernant la réduction, le juge réduit la vente afin de la rendre compatible avec la situation pécuniaire du bénéficiaire de la mesure de protection.

 

Les tribunaux prennent notamment en considération :

 

  • L’utilité ou l’inutilité de l’opération
  • L’importance ou la consistance du patrimoine de la personne protégée
  • Et la bonne ou mauvaise foi de ceux avec qui elle a contracté

 

L’action en nullité, en rescision ou en réduction n’appartient qu’à la personne protégée et, après sa mort, à ses héritiers. Elle est soumise à la prescription quinquennale. Autrement dit, après la cessation de la mesure de sauvegarde de justice, l’acte de vente peut être remis en cause pendant les 5 ans qui suivent la connaissance dudit acte par le majeur protégé.

 

4.2. La curatelle et la tutelle

 

4.2.1. La curatelle

La curatelle concerne la personne qui, sans être hors d’état d’agir elle-même, a besoin d’être assistée ou contrôlée d’une manière continue dans les actes importants de la vie civile. Elle n’est prononcée que s’il est établi que la sauvegarde de justice ne peut assurer une protection suffisante.

 

La personne en curatelle ne peut, sans l'assistance du curateur, faire aucun acte qui, en cas de tutelle, requerrait une autorisation du juge ou du conseil de famille. Ainsi le majeur sous curatelle ne peut ni vendre ni acquérir d’immeuble sans l’assistance de son curateur et sans l'autorisation du juge. Toutefois, le juge peut, à tout moment, énumérer certains actes que la personne en curatelle a la capacité de faire seule ou, à l'inverse, ajouter d'autres actes à ceux pour lesquels l'assistance du curateur est exigée [22].

 

Dans une affaire il a été jugé que l'autorisation donnée par le juge de vendre la résidence d'un majeur protégé ne fait pas obstacle à l'action en annulation, pour insanité d'esprit, de l'acte passé par celui-ci. En l’espèce les juges du fond ont relevé dans le compte rendu d'hospitalisation que la majeure protégée présentait, lors de son admission, une décompensation dépressive et un délire hallucinatoire et qu'elle se trouvait encore hospitalisée lors de la signature de l'acte, avec un traitement comprenant treize médicaments pour la calmer et on souverainement estimé qu’elle était insane d'esprit au moment où elle avait signé la promesse de vente [23].

 

4.2.2. La tutelle

Cette mesure de protection n’est prononcée que s’il est établi que ni la sauvegarde de justice, ni la curatelle ne peuvent assurer une protection suffisante. Elle concerne la personne qui doit être représentée d’une manière continue dans les actes de la vie civile [24].

 

Le majeur sous tutelle est représenté dans tous les actes de la vie civile [25] ainsi que dans les actes nécessaires à la gestion de son patrimoine [26]. Il est frappé d’une incapacité générale et ne peut ni acheter ni vendre seul. Ainsi, la vente ou l'acquisition d'un immeuble requiert la représentation du tuteur ainsi que l'autorisation du juge. Toutefois, le juge peut énumérer certains actes qu’il aura la capacité de faire seul ou avec l'assistance du tuteur.

 

4.3. La régularité des actes

Il y a 2 situations temporelles distinctes :

 

Avant la publicité du jugement

Les obligations résultant des actes accomplis par la personne protégée moins de 2 ans avant la publicité du jugement d'ouverture de la mesure de protection peuvent être réduites sur la seule preuve que son inaptitude à défendre ses intérêts, par suite de l'altération de ses facultés personnelles, était notoire ou connue du cocontractant à l'époque où les actes ont été passés.

 

Ces actes peuvent, dans les mêmes conditions, être annulés s'il est justifié d'un préjudice subi par la personne protégée.

 

L'action doit être introduite dans les 5 ans de la date du jugement d'ouverture de la mesure [27].

 

Les juges du fond apprécient souverainement l’état de la personne protégée.

 

Ainsi, dans une affaire, une propriétaire d’exploitation rurale affermée à des locataires leur a donné congé déclarant vouloir reprendre la propriété pour y installer son fils, puis leur a ensuite vendu une partie du domaine et leur a consenti un nouveau bail. Plus de 3 mois après, la propriétaire a été placée sous le régime de la tutelle à la requête de son fils qui a été désigné administrateur légal de ses biens et qui a assigné les locataires en nullité des actes. Saisi d’un pourvoi, les magistrats de la Cour de cassation ont approuvé la décision des juges du fond retenant, après avoir souverainement analysé la portée des documents versés aux débats, qu’il était ainsi nettement établi, tant par l’expertise médicale que par les déclarations des témoins entendus, que la cause qui avait déterminé la tutelle existait notoirement à l’époque ou les deux actes antérieurs à la déclaration de tutelle avaient été faits [28]. 

 
A compter de la publicité du jugement

A compter de la publicité du jugement d'ouverture, l'irrégularité des actes accomplis par la personne protégée ou par la personne chargée de la protection est sanctionnée dans les conditions suivantes :

 

  • Si la personne protégée a accompli seule un acte qu'elle pouvait faire sans l'assistance (curateur) ou la représentation (tuteur) de la personne chargée de sa protection, l'acte reste sujet aux actions en rescision ou en réduction comme s'il avait été accompli par une personne placée sous sauvegarde de justice, à moins qu'il ait été expressément autorisé par le juge ou par le conseil de famille s'il a été constitué
  • Si la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être assistée (curatelle), l'acte ne peut être annulé que s'il est établi que la personne protégée a subi un préjudice
  • Si la personne protégée a accompli seule un acte pour lequel elle aurait dû être représentée (tutelle), l'acte est nul de plein droit sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un préjudice
  • Si le tuteur ou le curateur a accompli seul un acte qui aurait dû être fait par la personne protégée soit seule, soit avec son assistance ou qui ne pouvait être accompli qu'avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, l'acte est nul de plein droit sans qu'il soit nécessaire de justifier d'un préjudice

Le curateur ou le tuteur peut, avec l'autorisation du juge ou du conseil de famille s'il a été constitué, engager seul l'action en nullité, en rescision ou en réduction.

 

L'action est également soumise à la prescription quinquennale.

 

5. La protection du logement du majeur protégé

 

Quelle que soit la mesure de protection judiciaire, le droit commun prévoit que le logement de la personne protégée et les meubles dont il est garni, qu'il s'agisse d'une résidence principale ou secondaire, doivent être conservés à la disposition de celle-ci aussi longtemps qu'il est possible. S'il devient nécessaire ou s'il est de l'intérêt de la personne protégée qu'il soit disposé des droits relatifs à son logement, l'acte doit être autorisé par le juge ou par le conseil de famille s'il a été constitué, sans préjudice des formalités que peut requérir la nature des biens [29].

 

Ainsi, dans une affaire, une propriétaire d’une maison et une usufruitière placée sous sauvegarde de justice et habitant les lieux, ont par l’intermédiaire d’une agence immobilière consenti à des acquéreurs une promesse de vente sous conditions suspensives. L’usufruitière a ensuite été placée sous curatelle puis les parties ont signé un accord par lequel elles annulaient la vente de l’immeuble sans indemnité de part ni d’autre. Les acquéreurs ont assigné l’agence immobilière en restitution d’une somme séquestrée entre ses mains et devant s’imputer sur les prix, frais et honoraires convenus. Les magistrats de la Cour de cassation, après avoir constaté que l’usufruitière était sous sauvegarde de justice lors de la signature de la promesse de vente impliquant que, majeure protégée, elle quitte les lieux, et que le contrat mentionnait que les acquéreurs reconnaissaient avoir été pleinement informés que la réitération de la promesse était soumise de ce fait à l’autorisation préalable du juge lequel n’avait jamais autorisé la vente, ont jugé que l’agence immobilière ne pouvait pas prétendre à la rémunération convenue [30].

 

Autrement dit, à défaut d’autorisation du juge des contentieux de la protection, la vente du logement où réside le majeur protégé est impossible.

 

Le juge ne peut autoriser un majeur protégé placé sous tutelle à effectuer un acte de disposition que par une décision motivée susceptible de recours . Il a été jugé qu'une lettre du juge contenant un simple accord de principe sur une cession d'usufruit ne saurait tenir lieu de l'autorisation exigée par ces textes [31].

 

6. L’action en nullité pour insanité d’esprit

 

Le droit commun prévoit que pour faire un acte valable, il faut être sain d’esprit. Lorsque cette condition n’est pas respectée, le consentement peut être vicié et une action en nullité peut être introduite pour insanité d’esprit. Cette action en nullité ne concerne pas les donations et les testaments.

 

6.1. La qualité pour agir

 

De son vivant, l’action en nullité n’appartient qu’à l’intéressé [32].

 

Après sa mort, les actes faits par lui ne peuvent être attaqués que par ses héritiers et seulement dans les cas suivants :

 

  • Si l’acte porte en lui-même la preuve d’un trouble mental
  • S’il a été fait alors que l’intéressée était placée sous sauvegarde de justice
  • Si une action a été introduite avant son décès aux fins d’ouverture d’une curatelle ou d’une tutelle ou aux fins d’habilitation familiale ou si effet a été donné au mandat de protection future

Le Conseil constitutionnel saisi d’une question prioritaire de constitutionalité (QPC) par la Cour de cassation a jugé que ces dispositions sont conformes à la Constitution [33].  Il a estimé que par ces dispositions, le législateur a entendu :

 

  • Assurer un équilibre entre, d’une part, les intérêts des héritiers et, d’autre part, la sécurité des actes conclus par le défunt et en particulier des transactions 
  • Eviter, dans l’intérêt d’une bonne administration de la justice, les difficultés liées à l’administration de la preuve de l’état mental d’une personne décédée
  • Fixer la portée des limites au droit des héritiers d’agir en nullité d’un acte juridique pour cause d’insanité d’esprit conclu par le défunt

 

Ces dispositions ne font pas obstacle à l’exercice, par les héritiers, des actions en nullité qui seraient fondées sur les règles du droit commun des contrats ; elles ne font pas obstacle à ce que des actes passés au moyen de violences, de fraudes ou d’abus de faiblesse puissent être annulés.

 

Dans une affaire, une personne avait légué, par testament olographe, tous ses biens meubles et immeubles à la Fondation pour la recherche médicale puis avec son épouse avait, par 3 actes suivants, cédé la nue-propriété de divers immeubles leur appartenant avant d’être placés sous tutelle. Après leur décès la Fondation a fait citer les acquéreurs en nullité des actes de vente pour insanité d’esprit. La Cour d’appel a annulé les ventes et les acquéreurs se sont pourvus en cassation. A cette occasion, les magistrats ont jugé que la Fondation, en tant que légataire universel, avait qualité pour agir en nullité sur le fondement de l’action prévue en cas d’insanité d’esprit [34].

 

Dans une autre affaire, il a été jugé que le conjoint survivant, non divorcé, dispose de la qualité d’héritier légal et peut agir sur le fondement de l’insanité d’esprit de son défunt époux pour obtenir l’annulation de l’acte de vente qu’il a conclu [35].

 

L’action en nullité des héritiers après la mort de l’intéressé

Il suffit qu’une action en ouverture d’une mesure de protection ait été introduite avant le décès de la personne concernée pour que l’action en nullité pour insanité d’esprit soit recevable [36].

 

A défaut, la nullité pour défaut de consentement dû à un trouble mental ne peut être invoquée par les ayants cause universels que si l’acte porte en lui-même la preuve de ce trouble.

 

Dans une affaire, les juges du fond ont précisé qu’en l'absence d'une mesure de sauvegarde de justice et faute d'introduction, avant le décès du vendeur, d'une action tendant à une mesure de tutelle ou de curatelle à son égard, l'action en nullité, s'agissant d'un acte autre qu'une donation entre vifs ou un testament, ne peut être accueillie que si l'acte porte en lui-même la preuve du trouble mental [37].

 

Les juges du fonds ne peuvent pas accueillir la demande des héritiers en annulation de la vente en retenant que le consentement n’a pu être recueilli qu’à la faveur sinon d’un dol délibéré, constitué par une exploitation de l’état de faiblesse de la victime, à tout le moins d’une erreur substantielle de celle-ci, incapable d’apprécier la nature et la portée des engagements pris [38].

 

6.2. La charge de la preuve

C’est à ceux qui agissent en nullité pour cette cause de prouver l’existence d’un trouble mental au moment de l’acte [39].

 

L’intéressé de son vivant qui invoque la nullité d’un acte pour insanité d’esprit peut en rapporter la preuve par tous moyens [40].

 

La preuve de l’altération des facultés mentales peut également être faite par tous moyens après le décès de l’intéressé à la condition toutefois qu’une action ait été introduite, de son vivant, aux fins de faire ouvrir sa tutelle ou sa curatelle [41].

 

Il a été jugé que l’action en nullité concerne tous les troubles mentaux, quelle qu’en soit l’origine [42].

 

Les juges du fond apprécient souverainement si le vendeur conservait une lucidité suffisante au moment de la vente. Ils peuvent notamment  s’appuyer sur les certificats médicaux et les déclarations des témoins pour statuer [43].

 

L'introduction d'une action aux fins de tutelle avant le décès d'une personne permet d'attaquer, pour cause d'insanité d'esprit, les actes faits par celle-ci quand bien même ils ne porteraient pas en eux-mêmes la preuve d'un trouble mental.

 

Cependant, le demandeur en nullité doit prouver l'altération des facultés au moment où l'acte a été conclu, que l'action aux fins de tutelle ait été introduite avant ou après l'acte litigieux. Par suite, il ne saurait être reproché à un arrêt, qui a rejeté l'action en nullité d'une vente fondée sur l'insanité de la venderesse au motif que l'altération des facultés mentales de celle-ci au moment de l'acte n'était pas établie, de ne pas avoir recherché la date à laquelle avait été introduite une demande de mise en tutelle [44].

 

6.3. La prescription de l’action

 

L’action en nullité est soumise à la prescription quinquennale et le délai de prescription commence à courir :

 

  • A l’égard des actes faits par un mineur, du jour de la majorité ou de l’émancipation
  • A l’égard des actes faits par un majeur protégé, du jour où il en a eu connaissance alors qu’il était en situation de les refaire valablement [45]
  • A l’égard des héritiers de la personne en tutelle ou en curatelle ou de la personne faisant l’objet d’une habilitation familiale, du jour du décès si elle n’a commencé à courir auparavant

 

Notes de l’article :

 

[1] Décret n° 71-941 du 26/11/1971

[2] Cass. Civ., 1ère, 06/02/1979, n° 77-15232, Bull. Civ. 1, n° 45, p. 39

[3] Cass. Civ., 1ère, 04/02/2003, n° 01-14889, Bull. 2003, I, n° 39, p. 31

[4] Article 1128 du Code civil

[5] Article 1129 du Code civil

[6] Article 1145 du Code civil

[7] Article 1147 du Code civil

[8] Article 1181 du Code civil

[9] Article 1594 du Code civil

[10] Article 1146 du Code civil

[11] Article 425 du Code civil

[12] Articles 477 à 494 du Code civil

[13] Articles 1153 à 1161 du Code civil

[14] Article 217 du code civil

[15] Articles 494-1 à 494-12 du Code civil

[16] Article 428 du Code civil

[17] Article 433 du Code civil

[18] Article 435 du Code civil

[19] Article 1674 du Code civil

[20] Article 1681 du Code civil

[21] Cass. Civ., 3ème, 14/12/2011, n° 10-25408, Bull. 2011, III, n° 215

[22] Article 471 du Code civil

[23] Cass. Civ. 1ère, 20/10/2010, n° 09-13635, Bull. 2010, I, n° 209

[24] Article 440 du Code civil

[25] Article 473 du Code civil

[26] Article 474 du Code civil

[27] Article 464 du Code civil

[28] Cass. Civ., n°1, 22/07/1975, n° 72-13746, Bull. Civ. 1ère, n° 245, p. 205

[29] Article 426 du Code civil

[30] Cass. Civ., 3ème, 18/11/2009, n° 08-20194, Bull. 2009, III, n° 259

[31] Cass. Civ., 1ère, 22/10/2008, n° 07-19964, Bull. 2008, I, n° 239

[32] Article 414-2 du Code civil

[33] Décision n° 2012-288 QPC du 17/01/2013

[34] Cass. Civ., 1ère, 08/07/2015, n° 14-17768, Bull. 2016, n° 834, 1ère Civ., n° 58

[35] Cass. Civ., 1ère, 08/07/2015, n° 14-17768, Bull. 2016, n° 834, 1ère civ. n° 58

[36] Cass. Civ. 1ère, 13/03/2007, n° 06-12774, Bull. 2007, I, n° 111

[37] Cass. Civ., 1ère, 15/03/1977, n° 75-14642, Bull. Civ., 1ère, n° 131, p. 100

[38] Cass. Civ., 3ème, 20/10/2004, n° 03-10989, Bull. 2004, III, n° 177, p. 161

[39] Article 414-1 du Code civil

[40] Cass. Civ., 1ère, 01/07/2009, n° 08-13402, Bull. 2009, I, n° 151

[41] Cass. Civ., 1ère, 18/12/1984, n° 83-13908, Bull. 1984, I, n° 339

[42] Cass. Civ., 1ère, 12/11/1975, n° 74-12097, Bull. Civ., 1ère, n° 319, 264

[43] Cass. Civ. 3ème, 23/10/1969, Bull. civ. 3ème, n° 670

[44] Cass. Civ., 1ère, 27/01/1987, n° 85-16020, Bull. 1987, I, n° 30, p. 21

[45] Article 1152 du Code civil

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