La popularité des réseaux sociaux est à son apogée et continue de s’accroître de manière exponentielle, ce qui a incité certaines personnes à devenir « créateurs de contenus » ou « influenceurs ».
Ces nouvelles activités permettent de générer des revenus très confortables pour les influenceurs.
En effet, le nombre d’influenceurs actifs en France est estimé à plus de cent cinquante mille (150.000), pour un chiffre d’affaires estimé à plusieurs centaines de millions d’euros.
Cette activité d’influenceur a été rendue lucrative par la publicité souhaitée par les annonceurs qui font appel aux influenceurs qui savent utiliser leur popularité à leur avantage pour la promotion de leurs produits ou services, via des partenariats rémunérés.
C’est dans ce contexte que le législateur français, au vu de l’ampleur de cette activité d’influenceur, s’est intéressé à son encadrement juridique, d’une part, pour des raisons de protection des consommateurs, et d’autre part, pour des raisons sociales et fiscales (afin d’imposer cette activité professionnelle).
La Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 « visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux » vient donc encadrer l’activité d’influenceur. Etant précisé que le Ministère de l’Economie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a publié aussi un guide intitulé : « Guide de bonne conduite Influenceurs et créateurs de contenus, l’essentiel de vos droits et devoirs, édition de juin 2023 ».
Cette Loi sur l’activité des influenceurs, est une première mondiale, comme souvent, en matière de réglementation juridique, et vient encadrer l’activité d’influenceur avec des droits, des obligations et des sanctions.
1.- La définition de l’activité d’influenceur
La Loi vient donner une définition claire à l’activité d’influenceur, à savoir :
« Les personnes physiques ou morales qui, à titre onéreux, mobilisent leur notoriété auprès de leur audience pour communiquer au public, par voie électronique, des contenus visant à faire la promotion, directement ou indirectement, de biens, de services ou d'une cause quelconque exercent l'activité d'influence commerciale par voie électronique ».
Ainsi, un influenceur est une personne active sur les réseaux sociaux ou tout autre support, utilisant sa notoriété afin de faciliter ou d’orienter la vente et l’achat de biens ou de services, moyennant une rémunération de la part d’un annonceur.
L’influenceur a donc un statut juridique, avec des droits et des obligations.
2.- Les promotions interdites
la Loi a prévu de nombreuses restrictions et interdictions concernant les promotions faites par les influenceurs, et des sanctions en en cas de violation de ces interdictions.
a.- Les promotions interdites
La Loi énonce des interdictions, comme :
- la promotion d’actes, de procédés, de techniques, de méthodes à visée esthétique ;
- la promotion d’actes, de produits, de procédés, de techniques et des méthodes à visée thérapeutiques ;
- la promotion de produits contenant de la nicotine ;
- la promotion impliquant certains animaux ;
- la promotion de produits et services financiers ;
- la promotion en faveur d’abonnements à des conseils ou à des pronostics sportifs ;
- …
Cette liste n’est pas exhaustive, d’’autres promotions sont interdites, telles que la promotion pour : les actifs numériques (crypto-actifs, par exemple), les jeux de hasard et les jeux d’argent, les médicaments à usage humain, les dispositifs médicaux, le tabac et les produits du tabac, la cigarette électronique, les médicaments soumis à prescription médicale, les produits financiers risqués, …
b.- Les sanctions prévues
Lorsqu’un contenu publié par un influenceur ne respecte pas la Loi et les interdictions ci-dessus, des sanctions sont prévues, à savoir : une peine de deux (2) ans d’emprisonnement et une amende de trois cent mille euros (300.000 €).
Il est également encouru une peine d'interdiction, définitive ou provisoire, d'exercer l'activité professionnelle ou sociale dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de laquelle l'infraction a été commise ou l'activité d'influence commerciale.
D’autres sanctions peuvent également être encourues, et sont prévues dans les différents Codes juridiques français (Code du travail, Code de la Consommation, Code de la sécurité intérieure, ...).
3.- L’obligation d’information
Dorénavant, l’influenceur a une obligation de transparence envers son public, tant pour la sponsorisation, la modification d’image, ou la présence de procédés d’intelligence artificielle.
a.- L’obligation d’information sur la publicité d’un produit ou d’un service
Lorsqu’un influenceur effectue la promotion d’un produit ou d’un service, il aura l’obligation de mentionner explicitement, et de façon visible les termes « publicité » ou « collaboration commerciale ».
Cette mention doit être claire, lisible et identifiable sur l’image ou sur la vidéo sous tous les formats, durant l’intégralité de la promotion.
Cette mention a pour objectif la transparence totale de l’influenceur envers son public, afin que ce dernier sache que l’influenceur est rémunéré en contrepartie de la promotion d’un produit ou service.
L’absence de cette indication pourrait constituer une pratique commerciale trompeuse par omission au sens du Code de la consommation (sanctionnée par deux ans d'emprisonnement et 300.000 euros d'amende).
b.- L’obligation d’information sur les modifications d’images
Les influenceurs ont désormais l’obligation de communiquer à leur public le fait que les photos ou vidéos aient été modifiées par un filtre, le cas échéant, avec la mention « images retouchées ».
Les influenceurs ont également l’obligation de citer les termes « images virtuelles », en cas de représentation de visages ou silhouette par une intelligence artificielle.
Ces mentions doivent être claires, lisibles et identifiables sur l'image ou sur la vidéo, sous tous les formats, durant l'intégralité du visionnage.
Le but de cette transparence est notamment de protéger les plus jeunes, afin qu’ils aient conscience que les silhouettes et visages des personnalités publiques sont, pour la plupart du temps, modifiées et retouchées.
Le non-respect de ces obligations est punissable d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 4.500 euros d’amende.
c.- L’obligation de mentionner l’identité du fournisseur du produit ou service
La Loi impose aussi à l’influenceur l’obligation de mentionner l’identité du fournisseur du produit ou d’un service et de s’assurer de la disponibilité des produits et de leur licéité, notamment du fait qu'il ne s'agit pas de produits contrefaisants.
4.- Le nouveau statut d’agent d’influenceurs
La Loi vient définir l’activité d’agent d’influenceurs (article 7) en ces termes :
« L'activité d'agent d'influenceur consiste à représenter, à titre onéreux, les personnes physiques ou morales exerçant l'activité d'influence commerciale par voie électronique définie à l'article 1er avec des personnes physiques ou morales et, le cas échéant, leurs mandataires, dans le but de promouvoir, à titre onéreux, des biens, des services ou une cause quelconque ».
L’agent d’influenceurs a pour mission de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir la défense des intérêts des personnes qu'ils représentent, pour éviter les situations de conflit d'intérêts et pour garantir la conformité de leur activité à la loi.
Dans la pratique, un agent d’influenceurs est une personne qui met en relation les annonceurs et les influenceurs, et qui défend les intérêts des influenceurs, avec notamment la négociation du contrat pour l’influenceur.
5.- L’obligation d’un contrat d’influenceur
La loi vient imposer l’obligation de rédiger un contrat écrit entre l’agent d’influenceurs et l’influenceur , ainsi qu’entre l’annonceur et l’influenceur.
Le contrat rédigé entre doit comporter certaines mentions obligatoires, à savoir :
- les informations relatives à l’identité des parties (coordonnées postales et électronique, le pays de résidence fiscale, …) ;
- la nature des missions confiées ;
- la contrepartie financière ;
- les droits et obligations qui incombent aux parties ;
- la soumission du contrat au droit français, si le public ciblé est établi en France.
Il est également important de noter que lorsqu’un influenceur réside hors de l’Union européenne, un représentant légal devra être nommé dans l’Union Européenne et devra souscrire une assurance civile dans l’Union Européenne, dès lors que l’influenceur vise un public établi en France.
D’autres lauses supplémentaires devront être prévues dans le contrat, afin de contractualiser au mieux les relations entre les parties (influenceur, agent d’influenceurs ou l’annonceur).
6.- Conclusion
Cette Loi va permettre aux influenceurs de professionnaliser et structurer leur activité en s’entourant de professionnels du droit pour être conseillés et bien accompagnés. Etant précisé que d’autres problématiques juridiques se posent, et notamment celle de la structure juridique à choisir pour l’activité d’influenceur avec les questions fiscales et sociales y afférentes.
Brahim OUHDI
Avocat à la Cour
Barreau de Paris