Si au pénal le juge d’instruction mène les enquêtes nécessaires appuyées par les services de la Gendarmerie ou de la Police Nationale pour établir le lien et la preuve, en matière civile, cette mission n’existe pas. Il appartient aux parties d’établir leurs preuves.
Le juge civil est un arbitre. Il tranche en fonction des éléments apportés par chacune des parties. Éventuellement, le juge peut décider d'une mesure d'instruction limitée à une expertise, une consultation ou un constat matériel. Mais en aucun cas le juge civil ne procède à une enquête.
Le terme « enquête » dans le Code de Procédure Civile consiste, en fait, à convoquer les parties pour les entendre, et non à procéder à de véritables investigations aux fins de recherche d’éléments, de documents et de preuves.
« Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention » (Art 9 CPC).
Ainsi appartient-il à chaque partie de prouver ses prétentions. Mais il appartient surtout à l’Avocat de rassembler les preuves et de les ordonner afin de convaincre le juge du bien-fondé de la demande du justiciable.
Néanmoins, il arrive que ni le client ni l’Avocat n’aient les moyens nécessaires pour établir sérieusement les preuves. Confrontés à cet obstacle, ils se tournent alors vers un Enquêteur de Droit Privé afin de rechercher les éléments manquants à la défense.
Dans ce cas de figure, se pose la question du rôle que tient l’Enquêteur dans la procédure et de la relation spécifique qui s’établie entre l’Avocat, son client et l’Enquêteur.
Avocat et Enquêteur, une collaboration nécessaire, au service du procès
La collaboration de l'Avocat et de l'Enquêteur de Droit Privé permet à l'Avocat, dans le cadre du procès civil, de faire effectuer des investigations supplémentaires et d'obtenir des moyens de preuve complémentaires.
L’Enquêteur produit des rapports précis, circonstanciés et détaillés, qui récapitulent l’ensemble des informations recueillies au cours des enquêtes, afin d’être pris en compte par les Magistrats qui auront à se prononcer.
Ces rapports sont des éléments de preuves décisifs lors des procédures. Ils sont remis à l’Avocat sous le sceau du secret, pour être exclusivement produits en justice et exclusivement destinés aux magistrats.
L'Enquêteur de Droit Privé ne se limite pas simplement à répondre à une mission : il prend en compte l’intégralité d’un dossier et les contraintes qui en découlent, notamment l’existence de la partie adverse.
Il porte un regard sur les affaires pour lesquelles il est mandaté, en respectant le contradictoire et l'équité. Ses outils légaux et déontologiques lui permettent de répondre aux besoins des Avocats et de leurs clients justiciables, en menant des investigations en parfaite cohérence avec la stratégie de l’Avocat.
Cette complémentarité entre professionnels du droit permet de servir le procès et la manifestation loyale de la vérité.
Enquêteur de Droit Privé : une profession réglementée et encadrée
L'Enquêteur de Droit Privé consacre ses enquêtes à la recherche de renseignements d'ordre privé dans les domaines couverts par le droit civil ou commercial. Sa mission dans la plupart des cas est de rassembler des preuves.
L'Enquêteur devient alors acteur de la défense, bien qu’elle soit animée et plaidée devant le tribunal par l'Avocat.
Notons que les forces publiques de sécurité (Police ou Gendarmerie), n'ont ni la compétence, ni la légitimité pour intervenir dans le domaine privé, créant ainsi la légitimité de l'Enquêteur de Droit Privé.
Cependant, même s'il n’intervient pas ou peu en matière pénale, il est fréquent que l’Enquêteur mène des investigations en amont d'actions qui sont du ressort du procès pénal.
La règlementation en vigueur leur impose des conditions de qualification et d’aptitude professionnelle en vertu de la loi du 12 juillet 1983 modifiée, aujourd’hui codifié par le Code de la Sécurité Intérieure (Art L621-1 dudit Code). Ils sont sous l’autorité du Ministère de l’Intérieur, via le Conseil National des Activités Privées de Sécurité (C.N.A.P.S).
Cet agrément, basé sur des critères de moralité, de qualification professionnelle et de son immatriculation au Centre de Formalités des Entreprises, peut être retiré à tout moment en cas de manquement à ces critères.
Des déontologies compatibles, avec la même finalité : la manifestation loyale de la vérité
Au procès civil, en matière civile et en matière commerciale, la collaboration de l’Enquêteur avec l’Avocat est appropriée. En effet, l'Avocat est soumis à des contraintes légales et déontologiques dans l'administration de la preuve en parfaite adéquation avec la déontologie en pleine évolution de l'Enquêteur de Droit Privé.
La profession d'Avocat est ancienne, organisée, règlementée et soumise à une déontologie stricte et exigeante. Ces exigences de loyauté envers la partie adverse, de loyauté envers le client (secret professionnel, confidentialité, conflit d’intérêt…) et de respect de la vie privée sont indispensables pour établir une relation de confiance absolue avec son client, d’assurer une communication sereine et secrète avec d’autres Avocats lorsqu’ils sont chargés d’intérêts adverses ou encore de leur donner du crédit face aux magistrats, avec lesquels ils partagent l’amour de la justice.
Ces règles tendent à une manifestation loyale et équitable de la vérité.
Tout comme les Avocats, les Enquêteurs sont soumis à des conditions très strictes à propos de l’honorabilité, du respect de la vie privé, du respect du secret professionnel et de la loyauté.
Respect du secret professionnel
En effet, comme l’Avocat, les Enquêteurs sont les confidents nécessaires de leurs clients qui, à ce titre, partagent des données sensibles avec les Enquêteurs lors de leurs missions. Il est essentiel que de telles informations restent dans le secret pour préserver, parfois, l’intégrité même de la vie du client.
L’Enquêteur de Droit Privé est ainsi passible des sanctions en cas de violation du secret professionnel prévues par l’article 226-13 du Code Pénal qui incrimine la divulgation sans autorisation des secrets de son client.
Loyauté
L’Enquêteur doit se comporter de façon loyale avec son client. Pour cela, il doit faire preuve de diligence et faire son possible pour satisfaire au mieux les intérêts de son client.
La jurisprudence se réfère aux usages professionnels pour caractériser les manquements aux obligations déontologiques.
Respect de la vie privée
Il est paradoxal d’imaginer que l’Enquêteur ne puisse user des informations qu’il aurait récoltées alors que sa mission consiste à trouver des éléments non évidents, voir cachés.
La jurisprudence a toujours considérée comme irrecevables, les éléments de preuve violant explicitement l’intimité de la personne, comme les enregistrements de conversations.
La culture juridique de l’Enquêteur et ses compétences lui permettent d’évaluer constamment les frontières de la vie privée afin de garantir l’administration et la recevabilité de la preuve en justice.
Au final, les mêmes règles déontologiques s’appliquent à l’Avocat et à l’Enquêteur de Droit Privé malgré l’inexistence actuelle d’un réel code de déontologie pour la profession d’Enquêteur de Droit Privé.
Ainsi l’Avocat et l’Enquêteur de Droit Privé se retrouvent finalement, régis par les mêmes principes de loyauté, de respect de la confidentialité, du secret professionnel et de la vie privée dans l’exercice de leurs fonctions.
Cette similitude permet une collaboration saine, pérenne et nécessaire au service du procès, du justiciable et de la manifestation loyale de la vérité.