La validation d'une marque par l'usage : difficultés d'application
Un arrêt de la Cour d'Appel de Paris du 28 septembre 2012 nous éclaire sur la difficulté de valider une marque par son usage sur le fondement de l'article L 711-2 dernier alinéa du code de la propriété intellectuelle (CA Paris, 28 septembre 2012 - Pôle 5 Chambre 2 - RG n°11/09466).
En l'espèce, les marques française et communautaire "Les puces du design" avait été annulées par une décision du Tribunal de grande instance de Paris sur le fondement de l'article L 711-2 a) CPI, en l'absence de distinctivité du signe (TGI Paris, 29 Mars 2011 - 3ème Chambre 1ère Section - RG n° 09/10903).
L'appelant, après avoir défendu la distinctivité de son signe à titre principal, a invoqué, à titre subsidiaire, la validation de celui-ci par son usage sur le fondement de l’article L 711-2 dernier alinéa, CPI et de l’article 7, § 3 du règlement n° 207/2009 du 26 février 2009.
Ayant confirmé la nullité des marques française et communautaire sur le fondement de l'article L 711-2 a) CPI, la Cour d'Appel de Paris a également rejeté la demande de validation des signes par l'usage.
La cour a rappelé qu’un signe acquiert un caractère distinctif par l’usage qui en a été fait à titre de marque lorsqu’il a pris une nouvelle signification dans l’esprit d’une fraction significative du public concerné sur le territoire pour lequel la protection a été obtenue, et est devenu apte à exercer la fonction de la marque, c’est-à-dire à identifier les produits ou services pour lesquels l’enregistrement a été obtenu comme provenant d’une entreprise déterminée et ainsi à les distinguer de ceux des autres entreprises.
Il convient à cette fin de prendre en considération globalement tous les éléments pertinents, et notamment l’intensité, la durée et l’étendue géographique de l’usage, la part de marché détenue par la marque, l’importance des investissements réalisés pour la promouvoir, la proportion des consommateurs intéressés qui, grâce à la marque, identifie le produit ou service comme provenant d’une entreprise déterminée, les déclarations d’organisations professionnelles.
En l'espèce, l'appelant invoquait en ce sens les opérations de promotion de ses manifestations organisées annuellement ainsi que leur couverture médiatique nationale (Radio, télévision, presse spécialisée, internet...).
Malgré l'importance de cette couverture médiatique offerte au public, la Cour a considéré que ces éléments se rapportaient davantage au service désigné (les expositions de brocante d’objets de design) et non aux marques telles qu’elles avaient été enregistrées. Cela ne permettait donc pas d’établir que seuls les signes litigieux, en tant que tels, étaient perçus par le public comme l’indicateur d’une origine.
L'appelant n'a donc pas apporté la preuve que ces multiples éléments permettaient au signe "Les puces du design" d'être perçu comme une marque par le public concerné, et ce, malgré des investissements promotionnels conséquents depuis plus de 10 ans.
Il apparaît dés lors difficile pour le propriétaire d'une marque annulée pour absence de caractère distinctif, de rapporter la preuve de sa validité par son usage dès lors, qu'en l'absence de distinctivité du signe, le public pourra difficilement le percevoir comme une marque en tant que telle. Le propriétaire d'une marque faible devra donc bien préciser dans sa communication au public, que son signe ne constitue pas la désignation usuelle du service qu'il propose, mais bien une marque à part entière. Dans cette hypothèse, le propriétaire de la marque pourra espérer sauver sa marque sur le fondement de l'article 711-2 dernier alinéa du code de la propriété intellectuelle.
La cour apporte une précision finale sur le régime de la marque communautaire en rappelant qu'il est nécessaire de prouver qu’elle aurait acquis un caractère distinctif dans une partie substantielle de la Communauté européenne conformément à la jurisprudence du Tribunal de première instance de la Communauté européenne (arrêts Ford Motor Company du 30 mars 2000, § 11, Alcon Inc. du 05 mars 2003, § 52 et 53, pourvoi rejeté par ordonnance de la CJUE du 05 octobre 2004, Audi AG du 03 décembre 2003, § 52, pourvoi rejeté par ordonnance de la CJUE du 19 janvier 2006).
Pour conclure, il convient de préciser qu'en cas de validation d'une marque par l'usage, aucun texte ne permet à ce jour de déterminer le moment précis à partir duquel elle sera protégée.
Bertrand Laussinotte
Avocat à la Cour d'Appel de Paris