Dans cette affaire, M. D était employé dans une société en tant qu'agent commercial, prospecteur, vendeur. Or à la suite d'un déplacement privé, elle est condamnée à une suspension du permis de conduire pour excès de vitesse. Elle fait immédiatement l'objet d'une procédure de licenciement par son employeur et au visa même du contrat de travail dans lequel était insérée une clause qui prévoyait le licenciement automatique en cas de perte du permis de conduire. M.D décide donc de contester son licenciement devant le conseil des prud'hommes. Celui-ci donne raison à l'employeur et déboute le salarié de sa demande d'indemnisation pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. La Cour d'appel d'Amiens fera de même. C'est donc la chambre sociale qui aura le dernier mot sur la question.
La réponse de la chambre sociale sera tout autre . En effet, elle balaye d'un revers de manche la décision des juges du fond et casse l'arrêt de la Cour d'appel. Elle vient expressément affirmer "qu'aucune clause du contrat de travail ne peut valablement décider qu'une circonstance quelconque constituera en elle-même une cause de licenciement". Il est intéressant de voir qu'en l'espèce, le raisonnement de la chambre sociale ne se place pas sur le terrain de l'appréciation de la cause réelle et sérieuse du licenciement. Elle sanctionne en fait le raisonnement de la Cour d'appel qui se contente d'apprécier le motif de licenciement par renvoi aux stipulations du contrat de travail.
Cette décision ne peut être qu'approuvée. En effet, il revient au juge et seulement au juge d'apprécier si la cause de licenciement invoquée par l'employeur est une cause réelle et sérieuse. Dès lors, il est tout à fait normal d'exclure du champs contractuel de telles clauses prévoyant qu'une circonstance décidée par l'employeur serait automatiquement une cause de licenciement. Admettre une telle possibilité équivaudrait pour le juge à se tirer une balle dans le pieds car il perdrait dès lors tout contrôle sur l'appréciation du caractère réel et sérieux de la cause de licenciement. Les employeurs pourraient ainsi décider unilatéralement que telle ou telle circonstance justifierait automatiquement un licenciement sans que le juge n'ait plus le moindre pouvoir d'en apprécier la réalité et le sérieux. D'où une décision très libérale des juges du fond très étonnante. Il est donc bien heureux que la chambre sociale soit venue immédiatement recadrer les juges du fond.
Cette décision est regrettable pour l'employeur qui semble avoir commis simplement une erreur classique en matière de procédure pour licenciement pour motif personnel. En effet, il existe un principe classique selon lequel la lettre de licenciement fixe les limites du litige. Ainsi une fois notifiée au salarié, l'employeur ne pourra plus invoquer d'autres fondements juridiques que ceux invoqués dans la lettre. Or en l'espèce, la lettre renvoyait juste à la clause litigieuse du contrat de travail. Dommage car dans les faits, il semblait que le licenciement soit juridiquement justifiable. En effet, la Cour de cassation a déjà admis le licenciement de salariés qui avaient perdu leur permis de conduire même à la suite d'un déplacement privé. La perte du permis de conduire qui était un élément essentiel du contrat de travail provoquait dès lors un trouble objectif et caractérisé au fonctionnement de l'entreprise car il avait pour effet de rendre impossible l'exécution du contrat de travail ( le salarié ne pouvant alors plus se déplacer ). Sur ce point : Cass. soc., 17 avr. 1991 : Bull. civ. 1991, V, n° 201.