Le développement exponentiel d’internet a considérablement changé les habitudes de travail des salariés au bureau. On estime aujourd’hui que les salariés passent 90 min en moyenne à surfer sur internet et à vaquer à leurs occupations personnelles pendant les heures de travail.
Ces nouvelles habitudes ont parallèlement donné naissance à de nouveaux types de conflits liés à l’utilisation des ordinateurs mis à la disposition des salariés à des fins professionnelles. Ces nouveaux conflits sont un sujet sensible puisqu’ils mettent en balance l’exécution loyale du contrat et les libertés individuelles et droits de la personne.
Dans l’espèce commentée, une salariée se fait licencier pour faute grave pour avoir enregistré sur une clef USB des informations confidentielles sur l’entreprise et le personnel. Alors que le conseil des prud’hommes avait jugé le licenciement réel et sérieux, la cour d’appel censure le jugement au motif que la preuve obtenue par l’employeur grâce à la consultation sans la présence de la salariée de sa clef UBS personnelle connectée à l’ordinateur professionnel illicite. L’employeur décide donc de se pouvoir en cassation.
Ainsi la Cour de cassation devait déterminer si la connexion d’une clef USB personnelle à l’ordinateur professionnel autorisait l’employeur à consulter en l’absence du salarié le contenu non identifié comme personnel.
Au visa des articles 9 du CPC et du code civil et L.1121-1 du code du travail, la Cour de cassation répond positivement et casse l’arrêt de la cour d’appel : Dans un arrêt du 12 février 2012 elle juge« qu’une clé USB, dès lors qu’elle est connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution du contrat de travail, étant présumée utilisée à des fins professionnelles, l’employeur peut avoir accès aux fichiers non identifiés comme personnels qu’elle contient, hors la présence du salarié ».
Avec cet arrêt, la chambre sociale continue de tempérer sa jurisprudence adoptée dans l’arrêt Nikon de 2001 dans lequel elle avait jugé que l’employeur « ne peut prendre connaissance des messages personnels émis par le salarié et reçus par lui grâce à un outil informatique mis à sa disposition pour son travail et ceci même au cas où l’employeur aurait interdit une utilisation non professionnelle de l’ordinateur ».
Elle avait ensuite nuancer cette position avec un arrêt de 2005 dans laquelle elle avait jugé que « sauf risque ou événement particulier, l’employeur ne peut ouvrir les fichiers identifiés par le salarié comme personnels contenus sur le disque dur de l’ordinateur mis à sa disposition qu’en présence de ce dernier ou celui-ci dûment appelé » (Sociale, 17 mai 2005, n°03-400.17)
Elle avait également jugé dans un arrêt de 2006 que « les dossiers et fichiers créés par un salarié grâce à un outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y avoir accès hors de sa présence.» ( Sociale, 18 octobre 2006 ).
Avec cet arrêt, la chambre sociale continue donc d’amoindrir la protection de la vie privée des salariés et de faciliter la charge de la preuve pour l’employeur. Etant connectée à l’ordinateur professionnel, la chambre sociale dégage une présomption d’utilisation de la clef USB à des fins professionnelles. Le raisonnement étant basé essentiellement sur le fait que la clef était connectée à l’ordinateur professionnel. La solution aurait pu être totalement différente si la clef avait été seulement posée sur le bureau.
Alors qu’avec l’arrêt Nikon c’était clairement les libertés individuelles qui primaient sur l’exécution loyale du contrat, aujourd’hui il semble que la balance se soit rééquilibrée de manière significative. Les salariés se trouvent donc prévenus, et devront prendre garde à ne pas laisser leur clef USB ou autres périphériques tels que les disques durs, branchés à leur ordinateur professionnel.