Après plusieurs années de combat judiciaire, la haute juridiction française en sa formation complète a définitivement jugé, sur le plan national, qu’une crèche privée peut tout à fait interdire dans son règlement intérieur le port du voile à une de ses salariées.(Arrêt n° 612 du 25 juin 2014 (13-28.369) – Cour de cassation – Assemblée Plénière)
Pour mémoire dans cette affaire notoirement connue sous le nom de Crèche Baby loup, une crèche privée avait inscrit dans son règlement intérieur que « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche ».
Une salariée avait été licenciée pour avoir refusé d’ôter son voile islamique au travail.
Cette personne avait saisi le conseil de prud’hommes pour contester la rupture de son contrat de travail.
Les juridictions de fond avaient validé le licenciement en se fondant sur le principe de laîcité.
Puis la Cour de Cassation en sa chambre sociale avait jugé que dans le secteur privé, sans mission de service public, il n’est pas possible d’invoquer le principe de laïcité pour limiter la liberté de se vêtir du salarié.(Arrêt n° 536 du 19 mars 2013 (11-28.845) – Cour de cassation – Chambre sociale).
La Cour d’Appel de Paris, ressaisie du litige, avait validé le licenciement en qualifiant la crèche d’entreprise « de conviction », en référence à la Convention européenne des droits de l’Homme.
En application de ce principe, la crèche était en droit d’exiger une obligation de neutralité de la part de son personnel.
La Cour d’Appel de Paris avait conclu qu’une telle obligation emporte notamment interdiction de porter tout signe ostentatoire de religion et que les restrictions ainsi apportées sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, et ne portent pas atteinte aux libertés fondamentales, dont la liberté religieuse. (CA Paris, 27 nov. 2013, n° 13/02981).
La Cour de Cassation en sa formation plénière a donc été de nouveau saisie et a finalement confirmé la validité du licenciement en appuyant sa décision sur les limites à la liberté de se vêtir.
Voici l’attendu de la Cour de Cassation en son Assemblée Plénière.(Arrêt n° 612 du 25 juin 2014 (13-28.369) – Cour de cassation – Assemblée Plénière) :
« Mais attendu qu’il résulte de la combinaison des articles L. 1121 1 et L. 1321 3 du code du travail que les restrictions à la liberté du salarié de manifester ses convictions religieuses doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché ;
Attendu qu’ayant relevé que le règlement intérieur de l’association Baby Loup, tel qu’amendé en 2003, disposait que « le principe de la liberté de conscience et de religion de chacun des membres du personnel ne peut faire obstacle au respect des principes de laïcité et de neutralité qui s’appliquent dans l’exercice de l’ensemble des activités développées, tant dans les locaux de la crèche ou ses annexes qu’en accompagnement extérieur des enfants confiés à la crèche », la cour d’appel a pu en déduire, appréciant de manière concrète les conditions de fonctionnement d’une association de dimension réduite, employant seulement dix huit salariés, qui étaient ou pouvaient être en relation directe avec les enfants et leurs parents, que la restriction à la liberté de manifester sa religion édictée par le règlement intérieur ne présentait pas un caractère général, mais était suffisamment précise, justifiée par la nature des tâches accomplies par les salariés de l’association et proportionnée au but recherché ;
Et attendu que sont erronés, mais surabondants, les motifs de l’arrêt qualifiant l’association Baby Loup d’entreprise de conviction, dès lors que cette association avait pour objet, non de promouvoir et de défendre des convictions religieuses, politiques ou philosophiques, mais, aux termes de ses statuts, « de développer une action orientée vers la petite enfance en milieu défavorisé et d’œuvrer pour l’insertion sociale et professionnelle des femmes (…) sans distinction d’opinion politique et confessionnelle » ;
Attendu, enfin, que la cour d’appel a pu retenir que le licenciement pour faute grave de Mme X…, épouse Y… était justifié par son refus d’accéder aux demandes licites de son employeur de s’abstenir de porter son voile et par les insubordinations répétées et caractérisées décrites dans la lettre de licenciement et rendant impossible la poursuite du contrat de travail «