Combien de fois a-t-on dit qu’il était plus difficile de faire rire que de faire pleurer.
Evoquer le drame existentiel par un jeu d’acteur, cela va de soi : ce drame affleure en
chacun de nous. Mais faire rire, voilà un défi pour un comédien : faire rire, quand c’est du
grand art, c’est descendre dans les profondeurs, soulever un voile et révéler l’essentiel,
que nous dissimulons au fond de nous.
Cet art exige patience, intelligence, lucidité, profondeur.
Malgré cela, les critiques peu lucides (eux !) sont souvent hostiles aux comiques.
J’imagine Louis de Funès, revêtu de la toge des avocats, plaidant pour réhabiliter les
comiques.
Je crois savoir que l’amour du public lui était plus cher que les éloges de la critique. Mais
laissez-moi imaginer que l’injustice faite aux comiques ait suscité en lui, un jour, l’envie
de défendre lui-même et ses collègues. Il serait venu alors, avec Michel Galabru,
représentant la communauté des acteurs comiques, ayant revêtu comme costume de
travail l’uniforme de l’adjudant-chef Gerbert (les gendarmes de Saint-Tropez).
Plus que les mots que cet avocat inattendu aurait pu prononcer, sa seule présence eût
suffi à convaincre.
Ce n’est plus le comédien aux mille facéties que nous aurions devant nous.
Cet homme aurait la sincérité, le regard vif, jovial, tendre et chaleureux de quelqu’un
qui s’est accompli par son art dans un acte ininterrompu de générosité où il a mis toutes
ses forces, tout son génie, toute sa vie.
Monsieur de Funès, dans deux ans, jour pour jour, on célèbrera le centième anniversaire
de votre naissance.
Merci, cher monsieur de Funès, merci cher maître ! Que votre exemple nous inspire à
chacun notre vérité !
Monsieur Galabru, on vous aime pour votre grand talent mais aussi pour votre lucidité,
votre finesse, votre profondeur et votre modestie.
A propos de comédie et de tragédie, je vous livre cette citation de G.E. Lessing,
dramaturge allemand du 18e siècle.
Elle n’est pas inintéressante pour les juristes, me semble-t-il :
« La tragédie punit ce qui est au-delà de la loi, la comédie, ce qui est en deça.
Toutes deux traitent des objets propres de la loi, seulement en tant qu’ils se perdent dans
le ridicule ou s’étendent dans l’horrible ».